Les rassemblements organisés jeudi en
Allemagne par le syndicat de la métallurgie IG Metall et le comité d’entreprise
européen du constructeur automobile Opel, et qui avait reçu une forte
couverture médiatique, n’avaient rien à voir avec une défense des emplois. Ils
furent bien plutôt une occasion pour la direction syndicale de propager ses
conceptions nationalistes et protectionnistes.
Depuis l’annonce faite par General Motors de supprimer 47 000
emplois de par le monde, dont 26 000 licenciements en Europe, le plus
important syndicat, l’IG Metall, a systématiquement encouragé de tels
sentiments nationalistes et euro-chauvins.
Les attaques menées par les fonctionnaires syndicaux contre
General Motors étaient bien moins dirigés contre la direction de GM, qui se
meut sans effort entre l’Europe et les Etats-Unis et avec laquelle les
dirigeants allemands du syndicat ont de bons rapports en raison du modèle de
« partenariat social » pratiqué en Allemagne, que contre les
travailleurs américains de GM. Les dirigeants syndicaux insinuèrent que
s’étaient les travailleurs américains qui étaient responsables de la crise de
l’entreprise.
Aucun des bureaucrates syndicaux et des fonctionnaires du
comité d’entreprise qui prit la parole jeudi ne souleva le fait que General
Motors projette de supprimer 20 000 emplois aux Etats-Unis. Un nombre
d’usines de GM vont être fermées alors que les salaires ont pratiquement diminués
de moitié ces dernières années. L’assurance maladie et les retraites des
travailleurs de GM ont également subis des attaques et des réductions
supplémentaires sont exigées par la direction dans le but de
« sauver » l’entreprise.
L’ensemble de l’appareil syndical, y compris ses délégués
syndicaux et les représentants du personnel élus, furent mobilisés pour empêcher
que soit organisée une campagne commune pour la défense des emplois par les
travailleurs de l’ensemble des usines de GM. Le syndicat rejette toute lutte
internationale pour la défense de l’emploi, des salaires et des conditions de
travail, y compris ceux des dizaines de milliers de travailleurs intérimaires. Ils
craignent qu’une telle lutte ne se propage à d’autres branches de l’industrie,
aux travailleurs des services publics et à la classe ouvrière en général.
Les appels à la solidarité et à la collaboration
internationales lancés dans le passé par les bureaucrates syndicaux n’avaient jamais
été qu’abstraits et creux. Aujourd’hui, cependant, dans des conditions où les
travailleurs sont confrontés aux mêmes problèmes partout dans le monde et
requièrent une nouvelle stratégie internationale, les bureaucrates restent
silencieux.
Lors des rassemblements de jeudi, les dirigeants syndicaux avaient
comme stratégie centrale une séparation d’Opel et de GM. En cela, ils
s’alignent inconditionnellement sur la direction européenne-allemande du groupe
Opel. Ils affirment que la direction allemande est meilleure que la direction
américaine et exigent que les salariés d’Opel fassent des sacrifices dans le
but de garantir la compétitivité de l’entreprise allemande ou européenne.
L’affirmation selon laquelle la vague de licenciements, la
pression continue des réductions de salaire et la détérioration des conditions
de travail ne sont que le résultat de la « mauvaise gestion
américaine » ne correspond pas à la réalité. La situation n’est pas
fondamentalement différente chez les autres constructeurs automobile allemands
comme par exemple Volkswagen, Daimler et BMW. Face à l’interdépendance de la
production au niveau international, les conditions de l’exploitation
capitaliste deviennent de plus en plus semblables dans le monde entier.
Des coupes brutales des salaires ont déjà eu lieu en
Allemagne. Autrefois, 40 000 travailleurs étaient employés à Rüsselsheim,
la principale usine d’Opel en Allemagne. Aujourd’hui, il en reste à peine 16 000,
dont un bon nombre ont des contrats temporaires. L’usine de Bochum qui avait
été construite au début des années 1960 et avait employé des mineurs licenciés
lors de la fermeture des mines, comptait autrefois 23 000 salariés. Aujourd’hui,
ce chiffre n’est plus que de 5300.
Le fait que les « co-managers » au sein des comités
d’entreprise et des syndicats aient appelé les travailleurs à faire des concessions
pour le compte d’une entreprise qui n’existe pas encore (la fusion préconisée
par le syndicat entre Opel et la marque britannique Vauxhall) en dit long. A
plusieurs reprises jeudi, les intervenants du syndicat ont déclaré que les
travailleurs étaient prêts à faire des « sacrifices supplémentaires ».
Afin de rendre de tels « sacrifices » attrayants aux
travailleurs, le patron d’IG Metall, Berhold Huber et le président du conseil
central d’entreprise, Klaus Franz, ont annoncé une initiative, fortement soutenue
aussi par le parti La Gauche allemand et son dirigeant Oskar Lafontaine, pour
une « participation financière des travailleurs ». Derrière cette
formule se cache la manœuvre bien connue du syndicat visant à étouffer la lutte
de classe en liant les travailleurs le plus étroitement possible à
l’entreprise. La même exigence était autrefois appelée une « constitution
de patrimoine par les salariés » au moyen d’actions privilégiées données
aux salariés de l’entreprise.
Dans des conditions où la récession s’aggrave, une telle
participation financière de la part des salariés signifie non seulement qu’ils sont
appelés à soutenir leur entreprise par des réductions de salaires et des suppressions
d’emplois mais qu’ils sont également censés y investir leurs économies. Rien ne
change quant à la forme de la propriété capitaliste et de l’économie orientée
vers le profit, ce qui signifie que les travailleurs perdent tout en cas de
faillite de l’entreprise.
L’affirmation de Klaus Franz selon laquelle une entreprise allemande
ou européenne est plus efficace que la concurrence américaine et internationale
doit être comprise comme une menace. Les comités d’entreprise et les
fonctionnaires d’IG Metall sont déterminés à précipiter les travailleurs d’Opel
dans une course effrénée à la réduction des salaires et des conditions de
travail.
Les conséquences d’une telle politique avancée au nom des
intérêts nationaux sont catastrophiques. Les emplois et les conditions de vie
des travailleurs y sont sans cesse sacrifiés à la lutte sans fin dans le but
d’attirer des investissements.
Cette orientation nationaliste s’accompagne d’une coopération
étroite avec le gouvernement.
Dès qu’il devint évident que la crise économique
internationale avait des conséquences sérieuses pour l’industrie automobile
allemande, IG Metall et ses comités d’entreprise organisèrent une réunion entre
la direction européenne d’Opel et des représentants du gouvernement pour y proposer
une sorte de trêve. Les représentants syndicaux déclarèrent qu’ils étaient prêts
à effectuer des coupes et à faire des économies si le gouvernement était prêt
lui, à donner sa caution financière et à débloquer des fonds publics pour venir
au secours de l’entreprise chancelante.
Il est impossible de défendre les emplois et les droits des
travailleurs sur cette base. Les travailleurs ne sont pas responsables de cette
crise et doivent s’opposer énergiquement à toutes les tentatives entreprises
pour leur faire en payer la facture.
Le gouvernement allemand a donné des milliards aux banques qui
ont perdu des sommes inimaginables dues à la spéculation et qui ont déclenché
la pire crise économique depuis les années 1930. Jusqu’à ce jour, aucun des banquiers
qui se sont enrichis sur la base d’investissements irresponsables n’a fait
l’objet d’une poursuite pénale. Les travailleurs qui ont investi leur vie dans
leur travail risquent de perdre tout ce qu’ils ont dans cette crise sans que
personne ne leur vienne en aide. Cela ne peut pas être
accepté.
Le premier pas consiste à défendre tous les emplois et à
rejeter toute forme de concession et de sacrifices de la part des travailleurs
où que ce soit dans le monde. Des comités d’usines doivent être établis
indépendamment des syndicats afin de prendre contact avec les travailleurs des
autres usines pour organiser une lutte internationale de défense des emplois et
des conditions de travail.
La défense des emplois doit devenir le point de départ d’une
politique offensive visant à la mise en place d’un gouvernement ouvrier. Un tel
gouvernement nationaliserait les banques et les grandes entreprises en les
plaçant sous contrôle démocratique et au service de la société en général. Il utiliserait
les milliards qui ont été offerts par le gouvernement en Allemagne, tout comme
aux Etats-Unis et ailleurs, pour réorganiser l’économie et pour créer des
millions de nouveaux emplois.
Une telle politique ne peut être appliquée que sur une base
internationale et en établissant une collaboration des plus étroites avec la
classe ouvrière de par le monde.