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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le LKP met fin à la grève générale en Guadeloupe au moment où les débrayages s’étendent à La Réunion

Par Antoine Lerougetel
10 mars 2009

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Les manifestations de masse et les grèves contre la vie chère et les bas salaires se poursuivent dans les possessions françaises de Guadeloupe et de Martinique en dépit d’un accord signé au 45e jour de la grève par la direction du LKP (Collectif contre l’exploitation outrancière - Liyannaj Kont Pwofitasyon) pour mettre fin à la grève générale.

Les masses en Guadeloupe doivent rejeter cet accord pourri que le LKP a signé avec le gouvernement et le patronat et œuvrer pour étendre leur mouvement à l’ensemble des territoires français, y compris de métropole.

C’est la seule voie pour consolider et étendre les concessions provisoires qui ont été arrachées à l’impérialisme français par leur lutte déterminée. Les travailleurs français doivent avant tout s’unir à leurs frères et sœurs de classe dans les Antilles et sur l’île de La Réunion dans l’Océan indien dans une lutte commune contre l’impérialisme et en opposition aux dirigeants des syndicats français qui ont fait tout leur possible pour empêcher un tel développement.

L’appel à la fin de la grève en Guadeloupe a été lancé au moment même où les protestations s’étendaient à La Réunion qui est située au large de Madagascar. Une grève illimitée doit y débuter mardi. Le président français, Nicolas Sarkozy, affaibli par une opposition grandissante dirigée contre la politique d’austérité du gouvernement, ne redoute rien autant que l’extension à la métropole d’une résistance identique.

Le LKP est une alliance de syndicats, d’associations culturelles et sociales et d’organisations de patrons de petites entreprises. Son porte-parole est Elie Domota, qui est également le dirigeant du principal syndicat de l’île, la CGTG (Confédération générale du travail de Guadeloupe).

En dépit de concessions partielles accordées la semaine dernière en Martinique, la direction du mouvement là-bas, appelé Collectif du 5 février, avait refusé de mettre fin à la grève, de retirer les piquets de grève et les blocages de routes faute d’un accord sur la baisse des prix.

Vendredi, des affrontements ont éclaté entre la police et des jeunes et des travailleurs qui essayaient de bloquer une manifestation appelant à la reprise du travail, menée par des chefs d’entreprise et escortée par des motards de la police roulant au pas de manière provocatrice en direction de la capitale Fort-de-France. Des coups de feu ont été tirés et la police a fait état de quatre policiers légèrement blessés par des coups de feu et des cocktails Molotov. Dix personnes ont été arrêtées. On ignore le nombre de personnes blessées par la police. Les négociations ont à présent repris et une trahison similaire à celle qui s’est produite en Guadeloupe pourrait avoir lieu.

Les quatre départements français d’outre-mer, ou DOM (le quatrième étant la Guyane située en Amérique du Sud, et qui avait été paralysée en novembre dernier par des manifestations contre l’essence chère), se caractérisent par un taux de chômage de 30 pour cent et de près du double pour les jeunes ainsi que par des salaires de misère et des prix des produits de première nécessité qui sont 30 pour cent plus élevés qu’en France.

Le gouvernement Sarkozy a cherché à calmer le mouvement par un coup de pouce provisoire sur les salaires, de 200 euros subventionnés par l’Etat pour les travailleurs du secteur privé et par des négociations avec les détaillants, les fournisseurs d’énergie et les entreprises de transport public pour des réductions de prix.

Le LKP a mis fin à la grève sur la base d’un accord dans lequel l’Etat a accepté d’apporter une contribution financière de 100 euros à l’augmentation des bas salaires pour une durée de trois ans et le gouvernement régional de 50 euros pour un an. Toutefois, les principaux employeurs de l’île, regroupés dans la principale association du patronat français, le MEDEF (Mouvement des entreprises de France), ont refusé de signer l’accord.

Un grand nombre de leurs salariés sont employés dans les hôtels et les supermarchés. La revendication centrale des grévistes de Guadeloupe est le relèvement du salaire mensuel de 200 euros pour les 45 000 salariés touchant les salaires les plus bas de l’île. L’accord actuel ne concerne qu’entre 15 000 à 30 000 salariés au grand maximum.

Les travailleurs des deux grands supermarchés Carrefour, Destréland et Milenis, ont débrayé mardi 3 mars au matin. Ces deux centres commerciaux appartiennent au groupe de Bernard Hayot, l’un des plus riches békés (descendants des anciens colons propriétaires d’esclaves) des Antilles françaises et membre influent du MEDEF. L’initiative de la grève chez Carrefour est venue des travailleurs, indépendamment des syndicats. Ils ont exprimé leur détermination à faire grève jusqu’à l’obtention des 200 euros, et ce d’autant plus que le MEDEF de Martinique avait déjà accepté un accord identique.

Le conflit entre les successeurs capitalistes des propriétaires d’esclaves et les travailleurs aux salaires les plus bas et les plus exploités de Guadeloupe a une résonance historique. Un grand nombre de travailleurs sont les descendants d’esclaves émancipés en 1848 par la bourgeoisie libérale française menée par Victor Schoelcher et qui furent immédiatement obligés de travailler pour leurs anciens propriétaires. Les arrangements de transition conçus par Schoelcher et ses partisans dans la commission parlementaire présidée par de Broglie en France garantissaient une compensation et des subventions, non pas aux esclaves, mais aux propriétaires des plantations de canne à sucre, de sorte que ceux-ci puissent continuer à exploiter leur main-d’œuvre sans avoir à interrompre le négoce du sucre.

Le préambule de l’accord régional signé le 26 février par les syndicats, le LKP, le gouvernement et quelques organisations patronales fait référence à l’histoire de cette époque en disant que « la situation économique et sociale actuelle existant en Guadeloupe résulte de la pérennisation du modèle de l’économie de plantation. » Ceci a été utilisé à la fois par le LKP et les syndicats de la métropole pour présenter la Guadeloupe comme un cas particulier n’ayant aucun lien direct avec les luttes des travailleurs de France métropolitaine.

En France, le 29 janvier, lors des manifestations de masse et des grèves contre la politique d’austérité du gouvernement, qui ont eu lieu au neuvième jour de la grève générale en Guadeloupe, les syndicats n’ont fait aucun lien entre ces deux événements. La décision des syndicats, après la journée d’action du 29 janvier, de choisir la date du 19 mars pour la prochaine mobilisation était en partie dictée par le souhait d’empêcher toute possibilité d’alliance avec le mouvement se produisant dans les Antilles ou les manifestations en cours dans les universités françaises.

Les syndicats et la « gauche » en France ne sont que trop contents d’adopter cette analyse du cas particulier tandis qu’ils soutiennent la trahison du LKP. Le Parti communiste a déclaré, « En Guadeloupe, le LKP et la population savourent une victoire qui fera date. » Lutte ouvrière a déclaré, « Lutte ouvrière se réjouit de la victoire des travailleurs de Guadeloupe qui ont imposé la plupart des revendications qu’ils ont avancées au début de leur mouvement, notamment l’augmentation de 200 euros des bas salaires. »

Des déclarations identiques ont été faites par le Parti de Gauche (PG) de Jean-Luc Mélenchon et le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) d’Olivier Besancenot.

C’est un fait que le mouvement de masse dans les Antilles, en raison de son caractère déterminé et par moment même presque insurrectionnel, a mis en évidence le caractère purement symbolique de l’opposition organisée par les syndicats de métropole contre Sarkozy. C’est pour cette raison que Maryse Dumas membre du principal syndicat français, la CGT (Confédération générale du Travail) qui est étroitement liée au Parti communiste, a insisté sur le fait que la lutte en Guadeloupe n’était pas transférable en France métropolitaine en précisant, « L’échelle des salaires n’est pas du tout la même en métropole, où la question salariale ne se pose donc pas de la même manière. »

Dans la même veine, le secrétaire général de Force ouvrière, Claude Mailly, a affirmé qu’il y avait des « différences de contexte », vu qu’il y avait en Guadeloupe des « relents de colonialisme » et « la nécessité de remettre à plat les circuits économiques ». Il a ajouté qu’« on ne peut pas faire de copié-collé ».

Le sort des masses et des travailleurs des DOM n’est en aucune façon séparé de celui de leurs frères et sœurs de classe en France et de l’ensemble de l’Europe qui sont confrontés aux mêmes luttes pour parer aux effets de la crise capitaliste mondiale. Rien de ce qui a été acquis en Guadeloupe ou en Martinique ne peut durer sans une lutte commune avec les travailleurs en France sur la base d’un programme socialiste. Déjà, 10 000 emplois, au minimum, devraient être perdus immédiatement après la grève et un chiffre record de fermetures d’entreprises est enregistré.

Les travailleurs dans les Antilles et de par le monde ne peuvent apporter une réponse à l’augmentation catastrophique du chômage qu’au moyen d’une réorganisation socialiste de l’économie placée sous le contrôle démocratique de la classe ouvrière par une lutte unifiée des travailleurs des colonies et des ex-colonies avec ceux des pays impérialistes.

La classe dirigeante française redoute que l’instabilité sociale ne s’étende à la métropole. De là, la volonté du gouvernement de faire des concessions provisoires en Guadeloupe et en Martinique.

Mais ce n’est que pour mieux préparer une contre-offensive, aussi bien dans les DOM qu’en France métropolitaine. Des milliards d’euros ont été empruntés et pris dans les fonds publics pour renflouer l’économie et sauver les banques, catapultant ainsi l’endettement public bien au-delà des limites établies par l’Union européenne pour sauvegarder la stabilité de l’euro.

On s’attend à ce que le déficit budgétaire atteigne, à 5,5 pour cent du PIB, près du double de la limite maximale fixée par le traité de Maastricht et que la dette publique dépasse d’environ 25 pour cent sa limite en s’élevant à 75 pour cent du PIB. Une analyse secrète de l’OCDE que s’est procurée Médiapart, recommande une réduction des dépenses gouvernementales, des réductions d’impôts pour les employeurs et un « assouplissement de la législation sur les licenciements. » Elle lance un appel au gouvernement à « agir plus directement » pour supprimer le salaire minimum.

(Article original paru le 9 mars 2009)


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