Les manifestations de masse et les grèves
contre la vie chère et les bas salaires se poursuivent dans les possessions
françaises de Guadeloupe et de Martinique en dépit d’un accord signé au 45e
jour de la grève par la direction du LKP (Collectif contre l’exploitation
outrancière - Liyannaj Kont Pwofitasyon) pour mettre fin à la grève générale.
Les masses en Guadeloupe doivent rejeter cet
accord pourri que le LKP a signé avec le gouvernement et le patronat et œuvrer
pour étendre leur mouvement à l’ensemble des territoires français, y compris de
métropole.
C’est la seule voie pour consolider et étendre
les concessions provisoires qui ont été arrachées à l’impérialisme français par
leur lutte déterminée. Les travailleurs français doivent avant tout s’unir à
leurs frères et sœurs de classe dans les Antilles et sur l’île de La Réunion
dans l’Océan indien dans une lutte commune contre l’impérialisme et en
opposition auxdirigeants des syndicats français qui ont fait tout leur
possible pour empêcher un tel développement.
L’appel à la fin de la grève en Guadeloupe a
été lancé au moment même où les protestations s’étendaient à La Réunion qui est
située au large de Madagascar. Une grève illimitée doit y débuter mardi. Le
président français, Nicolas Sarkozy, affaibli par une opposition grandissante
dirigée contre la politique d’austérité du gouvernement, ne redoute rien autant
que l’extension à la métropole d’une résistance identique.
Le LKP est une alliance de syndicats, d’associations
culturelles et sociales et d’organisations de patrons de petites entreprises.
Son porte-parole est Elie Domota, qui est également le dirigeant du principal
syndicat de l’île, la CGTG (Confédération générale du travail de Guadeloupe).
En dépit de concessions partielles accordées la semaine
dernière en Martinique, la direction du mouvement là-bas, appelé Collectif du 5
février, avait refusé de mettre fin à la grève, de retirer les piquets de grève
et les blocages de routes faute d’un accord sur la baisse des prix.
Vendredi, des affrontements ont éclaté entre la police et des
jeunes et des travailleurs qui essayaient de bloquer une manifestation appelant
à la reprise du travail, menée par des chefs d’entreprise et escortée par des
motards de la police roulant au pas de manière provocatrice en direction de la
capitale Fort-de-France. Des coups de feu ont été tirés et la police a fait
état de quatre policiers légèrement blessés par des coups de feu et des
cocktails Molotov. Dix personnes ont été arrêtées. On ignore le nombre de
personnes blessées par la police. Les négociations ont à présent repris et une
trahison similaire à celle qui s’est produite en Guadeloupe pourrait avoir
lieu.
Les quatre départements français d’outre-mer, ou DOM (le
quatrième étant la Guyane située en Amérique du Sud, et qui avait été paralysée
en novembre dernier par des manifestations contre l’essence chère), se
caractérisent par un taux de chômage de 30 pour cent et de près du double pour
les jeunes ainsi que par des salaires de misère et des prix des produits de
première nécessité qui sont 30 pour cent plus élevés qu’en France.
Le gouvernement Sarkozy a cherché à calmer le mouvement par un
coup de pouce provisoire sur les salaires, de 200 euros subventionnés par
l’Etat pour les travailleurs du secteur privé et par des négociations avec les
détaillants, les fournisseurs d’énergie et les entreprises de transport public
pour des réductions de prix.
Le LKP a mis fin à la grève sur la base d’un accord dans
lequel l’Etat a accepté d’apporter une contribution financière de 100 euros à
l’augmentation des bas salaires pour une durée de trois ans et le gouvernement
régional de 50 euros pour un an. Toutefois, les principaux employeurs de l’île,
regroupés dans la principale association du patronat français, le MEDEF
(Mouvement des entreprises de France), ont refusé de signer l’accord.
Un grand nombre de leurs salariés sont employés dans les
hôtels et les supermarchés. La revendication centrale des grévistes de
Guadeloupe est le relèvement du salaire mensuel de 200 euros pour les
45 000 salariés touchant les salaires les plus bas de l’île. L’accord
actuel ne concerne qu’entre 15 000 à 30 000 salariés au grand
maximum.
Les travailleurs des deux grands supermarchés Carrefour,
Destréland et Milenis, ont débrayé mardi 3 mars au matin. Ces deux centres
commerciaux appartiennent au groupe de Bernard Hayot, l’un des plus riches békés
(descendants des anciens colons propriétaires d’esclaves) des Antilles
françaises et membre influent du MEDEF. L’initiative de la grève chez Carrefour
est venue des travailleurs, indépendamment des syndicats. Ils ont exprimé leur
détermination à faire grève jusqu’à l’obtention des 200 euros, et ce d’autant
plus que le MEDEF de Martinique avait déjà accepté un accord identique.
Le conflit entre les successeurs capitalistes des
propriétaires d’esclaves et les travailleurs aux salaires les plus bas et les
plus exploités de Guadeloupe a une résonance historique. Un grand nombre de
travailleurs sont les descendants d’esclaves émancipés en 1848 par la
bourgeoisie libérale française menée par Victor Schoelcher et qui furent
immédiatement obligés de travailler pour leurs anciens propriétaires. Les
arrangements de transition conçus par Schoelcher et ses partisans dans la
commission parlementaire présidée par de Broglie en France garantissaient une
compensation et des subventions, non pas aux esclaves, mais aux propriétaires
des plantations de canne à sucre, de sorte que ceux-ci puissent continuer à
exploiter leur main-d’œuvre sans avoir à interrompre le négoce du sucre.
Le préambule de l’accord régional signé le 26 février par les
syndicats, le LKP, le gouvernement et quelques organisations patronales fait référence
à l’histoire de cette époque en disant que « la situation économique et
sociale actuelle existant en Guadeloupe résulte de la pérennisation du modèle
de l’économie de plantation. » Ceci a été utilisé à la fois par le LKP et
les syndicats de la métropole pour présenter la Guadeloupe comme un cas
particulier n’ayant aucun lien direct avec les luttes des travailleurs de
France métropolitaine.
En France, le 29 janvier, lors des manifestations de masse et
des grèves contre la politique d’austérité du gouvernement, qui ont eu lieu au
neuvième jour de la grève générale en Guadeloupe, les syndicats n’ont fait
aucun lien entre ces deux événements. La décision des syndicats, après la
journée d’action du 29 janvier, de choisir la date du 19 mars pour la prochaine
mobilisation était en partie dictée par le souhait d’empêcher toute possibilité
d’alliance avec le mouvement se produisant dans les Antilles ou les
manifestations en cours dans les universités françaises.
Les syndicats et la « gauche » en France ne sont que
trop contents d’adopter cette analyse du cas particulier tandis qu’ils
soutiennent la trahison du LKP. Le Parti communiste a déclaré, « En
Guadeloupe, le LKP et la population savourent une victoire qui fera
date. » Lutte ouvrière a déclaré, « Lutte ouvrière se réjouit de la
victoire des travailleurs de Guadeloupe qui ont imposé la plupart des
revendications qu’ils ont avancées au début de leur mouvement, notamment
l’augmentation de 200 euros des bas salaires. »
Des déclarations identiques ont été faites par le Parti de
Gauche (PG) de Jean-Luc Mélenchon et le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA)
d’Olivier Besancenot.
C’est un fait que le mouvement de masse dans les Antilles, en
raison de son caractère déterminé et par moment même presque insurrectionnel, a
mis en évidence le caractère purement symbolique de l’opposition organisée par
les syndicats de métropole contre Sarkozy. C’est pour cette raison que Maryse
Dumas membre du principal syndicat français, la CGT (Confédération générale du
Travail) qui est étroitement liée au Parti communiste, a insisté sur le fait
que la lutte en Guadeloupe n’était pas transférable en France métropolitaine en
précisant, « L’échelle des salaires n’est pas du tout la même en
métropole, où la question salariale ne se pose donc pas de la même
manière. »
Dans la même veine, le secrétaire général de Force ouvrière,
Claude Mailly, a affirmé qu’il y avait des « différences de
contexte », vu qu’il y avait en Guadeloupe des « relents de
colonialisme » et « la nécessité de remettre à plat les circuits
économiques ». Il a ajouté qu’« on ne peut pas faire de
copié-collé ».
Le sort des masses et des travailleurs des DOM n’est en aucune
façon séparé de celui de leurs frères et sœurs de classe en France et de
l’ensemble de l’Europe qui sont confrontés aux mêmes luttes pour parer aux
effets de la crise capitaliste mondiale. Rien de ce qui a été acquis en
Guadeloupe ou en Martinique ne peut durer sans une lutte commune avec les
travailleurs en France sur la base d’un programme socialiste. Déjà, 10 000
emplois, au minimum, devraient être perdus immédiatement après la grève et un
chiffre record de fermetures d’entreprises est enregistré.
Les travailleurs dans les Antilles et de par le monde ne
peuvent apporter une réponse à l’augmentation catastrophique du chômage qu’au
moyen d’une réorganisation socialiste de l’économie placée sous le contrôle
démocratique de la classe ouvrière par une lutte unifiée des travailleurs des
colonies et des ex-colonies avec ceux des pays impérialistes.
La classe dirigeante française redoute que l’instabilité
sociale ne s’étende à la métropole. De là, la volonté du gouvernement de faire
des concessions provisoires en Guadeloupe et en Martinique.
Mais ce n’est que pour mieux préparer une contre-offensive,
aussi bien dans les DOM qu’en France métropolitaine. Des milliards d’euros ont
été empruntés et pris dans les fonds publics pour renflouer l’économie et
sauver les banques, catapultant ainsi l’endettement public bien au-delà des
limites établies par l’Union européenne pour sauvegarder la stabilité de
l’euro.
On s’attend à ce que le déficit budgétaire atteigne, à 5,5
pour cent du PIB, près du double de la limite maximale fixée par le traité de
Maastricht et que la dette publique dépasse d’environ 25 pour cent sa limite en
s’élevant à 75 pour cent du PIB. Une analyse secrète de l’OCDE que s’est
procurée Médiapart, recommande une réduction des dépenses
gouvernementales, des réductions d’impôts pour les employeurs et un
« assouplissement de la législation sur les licenciements. » Elle
lance un appel au gouvernement à « agir plus directement » pour
supprimer le salaire minimum.