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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Allemagne : un gouvernement de la confrontation sociale

Par Ulrich Rippert
2 novembre 2009

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Le nouveau gouvernement allemand, formé par la CDU/CSU (Union chrétienne-démocrate/Union chrétienne-sociale) et le FDP (Parti libéral-démocrate) et ayant pris ses fonctions le 28 octobre prépare des attaques massives contre les prestations sociales et les droits démocratiques. On avait déjà radicalement réduit les prestations sociales au cours des dernières années, sous la coalition SPD-Verts et la grande coalition CDU/SPD. A présent il s’agit de détruire ce qui reste encore de l’Etat social.

Les partis qui composent le gouvernement ont, pendant un mois, négocié un « contrat de coalition ». Le résultat de ces négociations fut un document qui place au centre de tous les domaines de la société les intérêts du patronat et des riches. Tous les coûts sociaux portés par les entreprises y sont considérés comme des obstacles à la compétitivité et devant donc être éliminés. Sous le slogan de « promotion de la croissance économique » la redistribution qui dure depuis des années de la richesse de bas en haut se trouve ainsi brusquement accélérée.

Tous les partis gouvernementaux sont d’accord sur le fait de faire porter à la population tout le poids de la crise économique et de l’endettement de l’Etat, en forte augmentation du fait du plan de sauvetage des banques (à hauteur de 480 milliards d’euros) et des plans de relance qui ont suivi.

Afin de ne pas provoquer la résistance depuis le début, on est resté, pour ce qui est de cet accord de coalition, dans les généralités. Une des formules les plus fréquentes qu’on y trouve est : « nous recherchons… ». L’élaboration concrète des cruautés sociales envisagées est laissée à des experts dans les différents ministères.

On doit introduire, au début de l’année prochaine déjà, une réforme de la fiscalité des entreprises dont les détails doivent être inscrits dans une « Loi d’accélération de la croissance ». Au plus tard au cours de l’année suivante, les cadeaux fiscaux au patronat devront, sur la base du « frein à la dette » récemment ajouté à la constitution, être économisés sur le dos du public.

On n’a pas encore pris de décision définitive sur la demande du FDP d’abolir purement et simplement la taxe professionnelle, la plus importante source de revenu des communes. Le gouvernement veut cependant déjà donner pour mission à une commission de faire des propositions sur une réorganisation des finances communales. Plusieurs ministres présidents des Lands se sont déjà manifestés et ont mis en garde contre une intervention du gouvernement dans les finances des municipalités. Ils craignent que les communes qui sont déjà fortement endettées ne soient poussées à la faillite pure et simple, ce qui aurait des conséquences dramatiques pour les services dont dépendent les gens ordinaires.

Comme on donne avant une amputation des tranquillisants au patient, le contrat de coalition prévoit quelques calmants pour la population. Dans la catégorie calmante, on trouve l’annonce que les allocations familiales augmenteront de 20 euros (elles sont actuellement de 164 euros). En outre, il est dit : « Nous recherchons un allègement fiscal des petits et moyens revenus ainsi que des familles et des enfants » ; cela doit progressivement entrer en vigueur à partir de 2011. 

Ces mesures profitent, elles aussi, surtout à ceux qui gagnent bien. Ils peuvent déclarer aux impôts la hausse des allocations familiales et récupérer beaucoup plus que les 20 euros d’augmentation. Beaucoup de petits salariés ne profitent  pas des allègements fiscaux puisque leur revenu se trouve au-dessous du seuil d’imposition. En revanche, les familles à faible revenu seront d’autant plus touchées par la hausse des cotisations sociales, qui seront exclusivement portées par les salariés et qui seront progressivement changées en cotisations forfaitaires individuelles. Ils seront aussi durement touchés par l’augmentation du prix de l’eau et de l’électricité qui menace du fait de l’introduction d’une TVA pour les entreprises de service public.  

De nombreux calculs montrent que les familles les plus pauvres auront à l’avenir à payer plus et que seuls les hauts salaires auront des charges légèrement réduites, si les promesses du contrat de coalition sont tenues. Mais cela n’est pas sûr, car une des déclarations les plus importantes de celui-ci est que toutes les mesures s’y trouvent « sous réserve de leur financement ». 

Tandis que l’accord de coalition reste vague dans les détails et se limite à des déclarations d’intention, le choix de ceux qui occupent les différents ministères ne laisse aucun doute sur la direction prise par ce gouvernement. Le FDP est, avec cinq ministères (Affaires étrangères, Economie, Justice, Santé et Aide au développement), fortement représenté. La CSU se contente de trois et la CDU de sept ministères.

Une des nominations les plus importantes est celle de Wolfgang Schäuble (CDU). Celui qui fut jusqu’à présent ministre de l’Intérieur de la grande coalition (CDU/SPD) passe au ministère des Finances. Cet homme de 67 ans est au parlement depuis 1972 et il est le seul à avoir été au gouvernement avant la réunification. Il était avant 1989, sous Helmut Kohl, chef de la chancellerie. Pendant les événements de 1989-90, il devint ministre de l’Intérieur pour la première fois et négocia le contrat de réunification.   

Lors de son second passage au ministère de l’Intérieur il fit en sorte que les pouvoirs de la police et des services secrets soient renforcés systématiquement et chercha à imposer l’intervention de la Bundeswehr à l’intérieur, développant en même temps l’Etat surveillance et la réduction des droits civiques.

Schäuble est un représentant expérimenté de l’appareil d’Etat jouissant de la pleine confiance du patronat. Il n’aura pas peur d’imposer de drastiques mesures d’austérité et des coupes dans les systèmes sociaux, même contre une résistance massive de la population. On salua dans de nombreux journaux le fait qu’on l’envisageait comme ministre des Finances avec la remarque qu’il était le « candidat idéal » parce qu’il avait l’expérience politique et la poigne et qu’il n’avait plus rien à perdre. Le Financial Times de Londres fit ce commentaire que la chancelière avait mis ce ministère important entre les mains d’un allié expérimenté qui ne reculera pas devant l’imposition de « remèdes amers ». 

Schäuble lui-même dit clairement dans ses premières déclarations publiques qu’il tenait des mesures d’austérité importantes dans l’Etat et dans l’économie pour inévitables.

Une autre nomination indiquant la direction prise est celle de la jeune personnalité montante du FDP, Philipp Rösler. Il est à 36 ans le plus jeune ministre de ce gouvernement et représente une couche de parvenus privilégiés qui considèrent les assurances sociales publiques et le principe de solidarité qui les accompagne comme une restriction inadmissible à leur enrichissement personnel.

Rösler a une formation de médecin et il a fait sa carrière dans un parti qui s’identifie sans aucune retenue avec les lobbies de l’industrie pharmaceutique, des médecins et des pharmaciens. Sa nomination au ministère de la Santé signifie que le gouvernement va en direction d’un démantèlement des assurances sociales publiques. Les assurances retraite, maladie et vieillesse doivent être transférées dans un modèle privé où elles seront « couvertes par du capital ». Dans ce modèle, les assurés « peuvent décider eux-mêmes », selon la grosseur du porte-monnaie, ce qu’ils assurent et comment ils le font. « Des participations personnelles constituées de façon non bureaucratique sont indispensables à un comportement responsable du point de vue des coûts et de la santé ». 

Dans le programme électoral du FDP ceci est formulé de la façon suivante : « Nous opposons la responsabilité personnelle à la tutelle des excroissances bureaucratiques de l’Etat providence social- démocrate. Nous sommes pour l’Etat social libéral. La mission centrale de l’Etat n’est pas la création de l’égalité absolue, mais de la garantie de l’équité des chances et des prestations pour tous […]  La politique de l’égalité ordonnée par l’Etat a jusque-là toujours mené à l’absence de liberté. »

Significatif également est le passage de Karl-Theodor zu Guttenberg (CSU) du ministère de l’Economie à celui de la Défense qui, étant donné l’ampleur croissante des interventions de l’armée, est devenu une sorte de ministère des Affaires étrangères bis. Ce baron de 38 ans est l’héritier, côté paternel comme côté maternel, de plusieurs familles nobles étroitement liées à la tradition du militarisme allemand. Sa femme est une comtesse de Bismark-Schönhausen. Sa mère Christiane, fille d’un comte d’Eltz et étroit confident de l’ancien président croate Franjo Tudjman, épousa en secondes noces Adolf Henkell von Ribbentrop, le fils du ministre des Affaires étrangères d’Hitler, qui devint ainsi le beau-père de zu Guttenberg.

Des conflits étaient déjà apparents au sein du nouveau gouvernement et des partis de la coalition pendant les négociations sur le contrat de coalition. Le quotidien munichois Süddeutsche Zeitung titrait ainsi mardi 27 octobre : « La coalition commence et voilà qu’on se dispute déjà. » La signature du contrat de coalition s’est selon ce journal accompagné de virulents conflits à propos de la politique fiscale et de santé.  

Il serait toutefois erroné de déduire des conflits internes au gouvernement une incapacité à imposer les attaques envisagées. La force de la coalition Merkel-Westerwelle provient moins de sa force propre et de son unité que de l’absence de toute opposition sérieuse. Le SPD, les Verts et le Parti de Gauche ont tous, à leur manière, dit nettement qu’ils sont d’accord avec les objectifs fondamentaux du nouveau gouvernement. 

En Thuringe et en Sarre, le SPD et les Verts se sont décidés, à une grande majorité, cette semaine pour des coalitions avec le CDU et ont ainsi laissé entendre à Merkel qu’elle pouvait compter sur leur soutien. Dans le Land de Brandebourg le Parti de Gauche a signé son propre contrat de coalition avec le SPD, un contrat dont l’aspect central est l’élimination d’un cinquième des emplois dans les services publics – une tâche que le CDU ne pourrait mener à bien étant donné la résistance à laquelle il faut s’attendre.  

Les syndicats eux aussi ont déjà signalé leur accord à la nouvelle coalition. La vice-présidente du DGB, la fédération des syndicats allemands, Ingrid Sehrbrock, a voté pour le contrat de coalition au congrès de la CDU. Et le chef du syndicat de la métallurgie IG Metall, le plus important du DGB, annonça un jour après la signature du contrat de coalition, que son syndicat se retiendrait en fait de revendications salariales. « Je ne pense pas pour le moment que nous allons poser des revendications salariales élevées » dit-il. Le Süddeutsche Zeitung en conclut : « Le syndicaliste envoie par là un clair message avant tout en direction du gouvernement fédéral. »

Derrière le nouveau gouvernement se tient une coalition de tous les partis, soutenue par les syndicats. Cela encourage Merkel, Westerwelle, Schäuble et Cie à lancer un assaut général sur les systèmes sociaux et le niveau de vie de la population. La classe ouvrière doit se préparer à des luttes politiques véhémentes et tirer les conséquences nécessaires. Elle a besoin d’un nouveau parti qui lui donne la possibilité, indépendamment des partis établis et des syndicats, d’intervenir dans la situation politique.

(Article original publié le 28 octobre 2009)


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