Les ouvriers de Ford devraient rejeter l’accord contractuel
passé entre Ford et le syndicat UAW (United Auto Workers, Travailleurs unis de
l’automobile) et commencer à organiser des comités de base afin d’entamer une
lutte pour défendre les emplois et le niveau de vie. Cette lutte devrait
rassembler les ouvriers de General Motors, Chrysler et tous les ouvriers de l’automobile
dans une grève couvrant toute cette industrie afin de renverser les réductions
de salaire et de prestations imposées par l’administration Obama.
Les UAW a montré une fois de plus qu’ils ne défendent pas les
intérêts des ouvriers de l’automobile mais bien plutôt ceux des trusts, du
gouvernement et des centaines de fonctionnaires hautement rémunérés de
l’appareil syndical des UAW. Afin de commencer une lutte sérieuse, les
travailleurs de l’automobile doivent chasser les UAW des usines et construire
de nouvelles organisations de combat.
Dans ce dernier contrat à concessions, les UAW ont approuvé un
gel des salaires et une extension de l’emploi d’ouvriers « à salaire
débutant ». Cela va permettre à Ford d’accélérer ses plans pour se
débarrasser des ouvriers mieux payés du fait de leur ancienneté et pour créer
une main-d’œuvre durement exploitée et bon marché. Les travailleurs plus âgés
qui resteront seront soumis à des cadences accélérées et au surcroît de travail
dû à la destruction continue de la règlementation du travail déjà acceptée par les
UAW.
En acceptant l’arbitrage obligatoire sur les salaires et les
prestations à l’expiration du contrat actuel en 2011, les UAW privent en fait
les ouvriers du droit de voter sur ces questions et interdisent les grèves sur
les indemnités jusqu’en 2015. Cela ne peut signifier qu’une chose : les
UAW se préparent à imposer de nouvelles et massives concessions dans les six années
à venir.
En échange d’une acceptation du contrat, les travailleurs
reçoivent une « prime à la signature » de 1000 dollars – en quoi ils
se passent eux-mêmes la corde au cou – accompagnés de prétendus engagements
sur la « sécurité » de leur emploi. Ces promesses n’auront pas plus
de sens que toutes celles faites au cours des trente dernières années, où près
de 750.000 emplois automobiles furent détruits et où le nombre d’ouvriers
bénéficiant d’un emploi régulier est tombé de 174.000 à 41.000.
Cette fois le trust et le syndicat UAW ne peuvent pas, pour
extorquer des concessions, se servir de la menace de la faillite. Ford a fait
2,8 milliards de bénéfices au deuxième trimestre et on s’attend au troisième
trimestre à une amélioration de son bilan, le trust ayant gagné un pourcentage
de part de marché aux Etats-Unis cette seule année. En Europe, elle a obtenu sa
meilleure part de marché en près d’une décennie et en Chine ses ventes de
véhicules ont augmenté de 79 pour cent au troisième trimestre comparé à la même
période de l’année précédente.
Lorsqu’on lui demanda pourquoi les ouvriers de l’automobile
devraient, dans ces conditions, faire encore plus de sacrifices, le président des
UAW, Ron Getttelfinger, dit à la chaîne de télévision Fox Business News «
Nous voulons que Ford fasse des profits et nous espérons que [la société] aura
un bon trimestre…Et pour nous, il est important que nous mettions Ford, GM et
Chrysler au même niveau. Nous avons des accords catégoriels collectifs et nous
voulons profiter de cette occasion ».
Accords catégoriels collectifs voulaient dire qu’on amenait
tous les ouvriers de l’automobile au niveau des meilleurs contrats. Maintenant
cela signifie le contraire ; les UAW insistent pour que les travailleurs
de Ford soient forcés d’accepter les mêmes concessions que celles qu’ils ont
déjà forcé les travailleurs de GM et Chrysler à accepter.
Pendant des décennies les UAW ont prêché la doctrine
corporatiste du « partenariat ouvriers-direction », disant que les
travailleurs de l’automobile n’avaient qu’une responsabilité : celle de
garantir la rentabilité et la compétitivité des constructeurs automobiles
américains. Selon les UAW cela garantirait les emplois. Au lieu de garantir les
emplois, on a donné les milliards volés aux ouvriers de l’automobile à la
direction des trusts, aux grands actionnaires et aux banques de Wall Street qui
ont systématiquement démantelé l’industrie automobile.
Les faillites et les restructurations de General Motors et de Chrysler
imposées par l’administration Obama ont préparé le terrain à une campagne de
réductions de salaire par les employeurs dans toute l’économie. Le New York
Times rapporta récemment que les réductions de salaire « se
produisaient plus fréquemment [aux Etats Unis] qu’à n’importe quelle époque
depuis la Grande Dépression ». Le salaire hebdomadaire des ouvriers de la
production, représentant 80 pour cent de la main d’œuvre, a diminué pour le
neuvième mois consécutif – la plus longue période en presque un demi-siècle.
L’ancien record avait été une période de deux mois pendant la récession de
1981-1982.
Tandis que les ouvriers perdent leur emploi, leurs économies
et leurs logements, l’aristocratie financière, a qui on a donné des milliers de
milliards en fonds publics, profite de la « relance économique ».
Cette semaine, un certain nombre de banques et d’institutions financières parmi
les plus importantes des Etats-Unis ont fait état de profits énormes et Wall
Street a ponctuellement distribué 140 milliards de dollars en primes cette
année. Les grands investisseurs ont célébré la nouvelle en faisant grimper la
bourse au-dessus des 10.000 points, la première fois en un an.
Après avoir réduit les prestations des retraités de
l’automobile, Obama prévoit de nouvelles coupes dans les frais de santé des
grands groupes. Sa restructuration du système de santé comprend une imposition
des « Plans de santé Cadillac » qui se traduira par des contributions
et des primes supérieures pour les ouvriers de l’automobile et leurs familles.
Les UAW ont été complices de ces attaques. En échange, ils
sont devenus un des plus importants actionnaires de Chrysler, Ford et GM. Il
serait plus exact, pour ce qui est des UAW, de parler d’une entreprise que d’un
« syndicat ». En tant que grand actionnaire, les UAW ont un intérêt
financier direct à la réduction des salaires et des prestations des ouvriers
qu’ils prétendent représenter.
Il faudrait organiser des comités de base afin de faire
campagne pour la défaite du dernier contrat et de préparer une grève nationale,
avec les ouvriers de GM et de Chrysler. Il faut rejeter le slogan nationaliste des
UAW (« Achetez américain ») et lancer un appel particulier aux
ouvriers de l’automobile du Canada, d’Amérique latine, d’Asie et d’Europe dans
le but de monter une lutte commune contre la destruction des emplois et des
salaires dans l’industrie automobile du monde entier.
La classe ouvrière a surtout devant elle une lutte politique
contre l’administration Obama et les deux partis du capitalisme américain, le
Parti démocrate et le Parti républicain. Afin de s’assurer que la richesse
produite par la classe ouvrière soit utilisée pour satisfaire les besoins de la
société et non pas pour renflouer les riches et faire la guerre, la classe
ouvrière doit prendre le pouvoir politique en ses propres mains.
Les ouvriers ne sont pas responsables de l’effondrement de
l’industrie automobile et encore moins de la pire crise que le capitalisme
américain et mondial ait connu depuis la Grande Dépression. Les gains mal acquis
de l’aristocratie financière et de l’élite économique devraient être confisqués
sans compensation. Il faut allouer des billions de dollars à la création
d’emplois sûrs et bien payés, à une santé garantie, au logement et à
l’éducation de tous et il faut mettre fin aux expulsions et aux coupures d’eau,
de courant et de gaz.
L’industrie automobile – construite grâce au travail de
générations entières de travailleurs – ne peut pas être laissée dans les mains
des directions d’entreprises et des locustes de Wall Street qui ont œuvré pour
la détruire. Cette industrie doit au contraire être transformée en un service
public, possédé et contrôlé par la population laborieuse, toutes les décisions
économiques, y compris l’élection de la direction, devant être soumises à un
vote démocratique.
La base nécessaire à une résolution de la crise économique
dans l’intérêt de la classe ouvrière est la lutte pour le socialisme, pour le
contrôle démocratique et rationnel des grandes banques et des grands groupes.
Les travailleurs doivent se poser la question fondamentale de qui détermine le
cours du développement social et économique – le profit ou le besoin social, la
richesse de l’aristocratie financière ou les intérêts de la classe ouvrière, le
capitalisme ou le socialisme.
Nous pressons tous les ouvriers de l’automobile qui sont
d’accord avec cette perspective de nous rejoindre et de construire le Parti de
l’égalité socialiste.