L’accord à concessions conclu il y a deux
semaines entre le syndicat United Auto Workers et la Ford Motor Company a
rencontré une vaste opposition chez les 41.000 salariés à emploi régulier de
Ford qui ont commencé à voter à son sujet la semaine dernière
L’UAW qui avait accordé à Ford en mars dernier
des concessions afin de réduire de 500 millions de dollars sa facture
salariale, est revenu à la charge pour exiger que 41.000 travailleurs acceptent
de renoncer à des acquis supplémentaires selon le modèle imposé par l’UAW aux
travailleurs de General Motors et de Chrysler.
En mars quarante pour cent des travailleurs de
Ford avaient refusé les révisions de contrat et dans le Michigan et l’Ohio
plusieurs sections syndicales locales l’avaient carrément rejeté. Ceci était
particulièrement significatif en raison des menaces incessantes proférées par
les responsables de l’entreprise, la Maison Blanche et les médias selon quoi le
rejet de l’accord pourrait occasionner l’effondrement de Ford, entraînant des
dizaines de milliers de licenciements et mènerait au sabotage du plan de
sauvetage gouvernemental de General Motors et Chrysler.
Craignant un rejet de l’accord, l’UAW a
retardé les réunions de ratification plutôt que d’essayer de faire passer
l’accord en force. Entre-temps, le syndicat a dépêché ses permanents dans tout
le pays pour mentir aux travailleurs et les intimider dans l’espoir d’imposer
l’accord et tout ce qu’il brade.
Cette fois-ci, l’UAW ne peut pas affirmer que
l’entreprise est au bord de la faillite. Ford a réalisé 834 millions de dollars
de chiffre d’affaires sur la première moitié de l’année et a gagné des parts de
marché sur GM et Chrysler tout en étendant ses ventes en Europe et en Chine.
Les médias au service de la grande entreprise ont fait connaître
leur inquiétude quant à la capacité de l’UAW à « vendre » l’accord.
La semaine passée, le Detroit Free Press avait intitulé son article sur
l’accord, « Les ouvriers sont frileux face à l’accord de Ford : les
syndiqués UAW risquent de le rejeter. »
L’UAW a accepté de geler les salaires des ouvriers à
« salaire d’entrée » et d’embaucher autant que possible de ces
ouvriers à bas salaire. Ceci permettra à Ford d’accélérer ses projets visant à
se débarrasser de travailleurs plus anciens et mieux payés en les remplaçant
par des travailleurs payés 14 dollars l’heure, la moitié de la paye actuelle,
et bénéficiant de peu de prestations ou pas du tout.
Les travailleurs plus anciens qui resteront subiront
l’accélération des cadences et la surcharge de travail résultant de la
destruction des normes de travail et de la flexibilisation acceptés par l’UAW.
De plus, l’UAW a accepté l’arbitrage obligatoire pour ce qui
est des salaires et des prestations ainsi qu’une interdiction de faire grève à
ce sujet après la date d’expiration de l’actuel contrat en 2011 et ce, dans le but de préparer l’imposition de concessions encore plus importantes au
cours des six prochaines années.
En échange, les travailleurs recevront une prime de signature
dérisoire de 1000 dollars ainsi qu’une soi-disant garantie de « sécurité
de l’emploi. » Ces promesses n’ont pas plus de sens que toutes les autres
faites au cours des trois dernières décennies où près de 750.000 emplois du
secteur automobile furent éliminés et où l’emploi régulier chez Ford est tombé
de 174.000 à 41.000.
Le Socialist Equality Party (SEP) appelle les travailleurs de
Ford à rejeter l’accord pour commencer à organiser des comités de travailleurs,
indépendamment de l’UAW, dans le but de démarrer la lutte pour la défense des
emplois et du niveau de vie. Le SEP appelle les travailleurs de Ford à établir
des contacts avec les travailleurs de GM et de Chrysler pour une grève
nationale pour l’invalidation des réductions des salaires et des prestations
imposées par le gouvernement Obama.
Le SEP a publié une déclaration qui soulève les questions
politiques inhérentes à la lutte des travailleurs de Ford en avançant une
alternative socialiste à l’exigence des grands groupes, du gouvernement et de
l’UAW que ce soit les travailleurs qui payent la crise du capitalisme
américain. Nous encourageons les travailleurs du secteur automobile à
télécharger et à distribuer cette déclaration. (Voir: Rejetez
les demandes de concessions de Ford et des UAW )
Mardi, une équipe de supporters du SEP a distribué la
déclaration à l’usine d’assemblage de Ford à Wayne dans la banlieue ouest de
Detroit. L’usine, qui fabrique la Ford Focus compact, emploie 2700 ouvriers.
Durant le changement d’équipe l’après-midi, les ouvriers qui
avaient pris le tract du SEP, se sont arrêtés pour parler au World
Socialist Web Site. Il y avait une
vaste opposition à l’accord et un profond dégoût pour l’UAW. De nombreux
travailleurs étaient d’accord avec l’évaluation faite selon quoi l’UAW était un
« syndicat » de nom seulement et qui n’opérait que pour le compte des
entreprises et de l’appareil de l’UAW.
Mike
Mike, un travailleur qui a dix ans d’ancienneté
chez Ford a dit, « Quel genre de contrat est-ce si vous le changez tous
les mois ? La dernière fois ils ont dit que nous devions faire des
concessions pour sauver l’entreprise. Nous avons cédé notre couverture santé,
nos augmentations de salaire et nos primes. Je n’ai pas eu d’augmentation de
salaire ces huit dernières années.
« Je leur ai dit que je renonçais
volontiers à la prime de signature de 1000 dollars s’ils rétablissaient les 4
pour cent de hausse de salaire qu’ils me doivent. A qui va tout cet argent
qu’ils nous prennent ? Je sais que les responsables de l’UAW continuent de
recevoir leurs bonus. A présent, l’UAW détient des parts de Ford et d’autres
entreprises. Lorsque vous possédez une entreprise, vous ne pouvez pas être un
syndicat. L’UAW est une entreprise depuis bien longtemps et la section locale 900 est la section la plus riche.
« J’ai débuté en 1994 à l’usine de Rouge
et j’ai travaillé dans trois usines Ford. L’usine de fabrication de camions
Michigan Truck Plant à côté a fermé ses portes à l’expiration du dernier
accord. On avait dit aux travailleurs qu’ils pourraient garder leurs emplois
s’ils déménageaient avec leurs familles à Louisville, Kentucky. »
Juste à côté, l’usine fermée de Michigan Truck Plant
Commentant la hausse du chômage de masse et la
pauvreté à Detroit où les taux officiels de chômage ont atteint le niveau de 30 pour cent de la Grande Dépression, il a dit « C’est terrible le nombre de gens qui ont
perdu leur emploi et leur maison. Mon copain a dit qu’il y a à Detroit 27.000 maisons qui vont être barricadées. Dans le même temps, les riches continuent de traire
les vaches à lait du système pour devenir de plus en plus riches. Mais les gens
n’arrivent pas à obtenir une aide du gouvernement. C’est le capitalisme à 100 pour cent. »
Un travailleur plus jeune dit « l’UAW
abandonne le droit de grève, la seule chose dont disposent les travailleurs
pour lutter. A l’intérieur de l’usine, c’est d’ores et déjà comme à Wal-Mart.
Nous vivons dans une économie mondialisée maintenant. C’est l’esclavage
mondialisé », mais il n’y a pas de réponse mondiale de la part des syndicats,
dit-il.
Un autre travailleur a précisé, « UAW ne
veut pas dire ‘United Auto Workers’ (Travailleurs unis de l’automobile). Cela
veut dire ‘You Ain’t Working’ (tu ne travailles pas).
Dan
Dan, un ouvrier qualifié depuis 18 ans, a dit, « Depuis
trente ans nous n’avons cessé de tout abandonner. Mais les responsables à
Solidarity House [siège de l’UAW] ont gardé ce qu’ils avaient, ils n’ont rien
cédé du tout. Après que nous ayons renoncé à nos augmentations de salaire
indexées sur le coût de la vie, les responsables de l’UAW ont augmenté leurs
propres salaires. »
« Quelqu’un m’a dit ce qui se passait à ces congrès de
l’UAW à Atlantic City, New Jersey. Il a dit que les permanents avaient des
chambres à 1000 dollars la nuit et des prostituées de luxe. Qu’ils sont ensuite
partis en voiture avec le coffre plein d’alcool pour réapprovisionner leurs
bars chez eux. »
« Nous payons des cotisations pour maintenir leur train
de vie. Pourquoi avons-nous besoin de ce syndicat ? La section locale
organise une ‘réunion d’information’ pour discuter des modifications de
l’accord. J’appelle cela une ‘réunion de désinformation’ parce qu’ils ne nous
diront pas ce qu’est vraiment le contenu de l’accord. C’est comme dans 1984 où le Ministère de la Vérité est chargé de mentir aux gens. »
Résumant la colère grandissante au sein de la classe ouvrière
face au gouvernement Obama et à ses plans de sauvetage des banques, il a conclu
en disant « Alors que nous perdons tout, le total des bonus de Wall Street
va atteindre 140 milliards de dollars. Le gouvernement a pris tout l’argent du
Trésor pour sauver les PDG de l’assureur AIG et d’autres sociétés qui
distribuent des bonus. »