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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le PSG et le Parti La Gauche: un échange de lettres

Par Peter Schwarz
9 octobre 2009

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Nous publions ci-dessous la lettre d’un lecteur ayant pour sujet les positions du Parti de l’Egalité sociale(Partei für Soziale Gleichheit, Allemagne) face au parti allemand La Gauche et à diverses organisations petites bourgeoises se mouvant dans sa périphérie, suivie de la réponse de Peter Schwarz.

Bonjour les gens,

J’aimerais bien soutenir le PSG. En fait, je suis d’accord avec tout ce vous publiez. J’ai toutefois, deux questions :

1) Quelle est la position du PSG vis-à-vis des autres groupes « trotskystes », notamment le SAV et l’ancien Linksruck. Pourquoi n’est-il pas possible de collaborer avec eux ?

2) Pourquoi les résultats des élections européennes du PSG furent-ils enjolivés ? N’est-il pas plutôt évident qu’on n’a pas fait beaucoup attention au PSG, du moins pas chez les électeurs ? Pourquoi un score aussi mauvais ne peut-il pas être l’occasion de considérer de manière critique la stratégie? (Avec une perte de deux-tiers par rapport à la dernière élection, c’était plutôt un désastre, compte tenu surtout du fait que le PSG y a probablement consacré beaucoup plus de moyens qu’auparavant.)

Je ne veux pas affirmer que cette élection ait été d’une manière ou d’une autre significative mais vouloir tirer quelque chose de positif de ce résultat me semble relever du vœu pieu.

Avec mes meilleures et solidaires salutations

K.S.

* * *

Cher K.S.,

Nous nous réjouissons bien entendu lorsqu’il y a accord avec la politique du PSG. Dans votre cas, toutefois, il y a des doutes considérables que vous soyez vraiment d’accord avec « tout » ce que nous publions. Même si vous ne le dites pas ouvertement, votre lettre n’est rien moins qu’un appel à ce que nous rejoignons La Gauche (Die Linke) ou du moins que nous collaborions avec elle. Nous refusons ceci catégoriquement.

Vous n’êtes pas sans savoir que le SAV, au même titre que Linksruck, travaillent au sein de Die Linke. Les partisans allemands de la tendance Militant, et de la tendance de l’ex-trotskyste Tony Cliff, sont des membres du parti d’Oskar Lafontaine et de Gregor Gysi. Ce parti, aux dires de l’un de ses porte-parole, est le « début du développement d’un nouveau parti socialiste des travailleurs. » (1)

Si nous devions, comme vous le proposez, collaborer avec le SAV et le Linksruck, nous serions obligés de rejoindre Die Linke, ou du moins considérer le soutien de ce parti comme légitime.

Ce n’est pas notre position. Si vous suivez régulièrement nos publications, notre position à l’égard de Die Linke ne peut pas vous avoir échappé. Dans notre manifeste électoral pour les élections européennes de 2009, par exemple, nous disons au sujet de Die Linke : « Le PSG rejette catégoriquement toute collaboration avec ces partis. Nous les considérons comme nos adversaires politiques. La même chose vaut pour toutes les organisations qui défendent l’hégémonie des syndicats et qui préconisent la collaboration avec La Gauche ou qui, comme la soi-disant Plateforme communiste (Kommunistische Plattform), le groupe Alternative socialiste (SAV) et Linksruck (Tournant à gauche), font un travail à l’intérieur de ce parti. » (2)

Que représente Die Linke?

Dans le but de pouvoir correctement évaluer Die Linke, il faut étudier son programme, sa pratique politique, son histoire et sa composition sociale, au lieu d’être ébloui par ses clichés populistes. Une telle analyse montre que Die Linke est un parti d’Etat qui défend l’ordre bourgeois. Sa direction est composée d’anciens vétérans de l’ancien Parti socialiste unifié d’Allemagne (SED, le parti dirigeant de l’ancienne Allemagne de l’Est), du Parti social-démocrate (SPD) et de fonctionnaires syndicaux qui comptent à leur actif des décennies d’expérience dans la répression de la classe ouvrière.

Le programme de Die Linke défend la propriété capitaliste privée et l’Etat bourgeois. Il a fortement viré à droite depuis le début de la crise économique mondiale. Il a expressément soutenu le plan de sauvetage du gouvernement pour les banques qui a injecté des milliards d’Euros de fonds publics dans celles-ci pour payer leurs pertes spéculatives. Des membres en vue du parti se sont solidarisés avec la guerre menée par Israël dans la Bande de Gaza contre les Palestiniens. Et, lors du dernier congrès européen du parti, ils ont exprimé leur soutien pour l’Union européenne.

En plein milieu de la campagne pour l’élection législative au Bundestag (parlement fédéral), quand un massacre organisé par les forces armées allemandes à Kunduz, en Afghanistan, coûta la vie à plus d’une centaine de personnes, révélant la véritable nature de la guerre en Afghanistan, Die Linke laissa tomber sa revendication pour le retrait immédiat des troupes allemandes. Depuis ce jour, il a souligné qu’un retrait de ces troupes ne devrait pas avoir lieu même « après demain », réclamant une « stratégie de sortie. » Cette revendication correspond au projet pour l’Afghanistan du ministre social-démocrate des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier qui appelle à un renforcement du personnel de formation de la police et de l’armée ainsi qu’aux projets du commandant américain McChrystal qui veut déployer des dizaines de milliers de soldats américains supplémentaires. L’expression « stratégie de sortie » n’est qu’un autre terme pour une intensification de la guerre dans le but d’assurer une décision plus rapide.

Le parti Die Linke procède toujours selon ce même schéma. Il tente de détourner toute mobilisation populaire à l’encontre des attaques sociales ou de la guerre en recourant à des clichés démagogiques pour pouvoir, au moment opportun, assujettir l’opposition populaire aux besoins de l’impérialisme allemand. Visiblement, il se prépare à assumer une responsabilité gouvernementale au cas où une aggravation de la crise sociale l’exigerait.

Dans plusieurs Länder et communes de l’ancienne Allemagne de l’Est, Die Linke et son prédécesseur, le Parti du socialisme démocratique (PDS), participent ou participaient au gouvernement, agissant comme des garants fiables des intérêts capitalistes. Dans la capitale, à Berlin où, dans une coalition avec le Parti social démocrate (SPD), Die Linke/PDS fait partie du gouvernement depuis huit ans, ce parti contribué à l’application d’un programme d’austérité drastique aux dépens du secteur public et des personnes socialement défavorisées.

Le SAV justifie son soutien de Die Linke en affirmant qu’il est pour le moment « en dépit de tous ses antagonismes et erreurs le seul point de départ d’un rassemblement des forces » qui sont susceptibles de former un parti combatif de travailleurs. Il compte « plusieurs milliers d’adhérents et d’électeurs qui voient dans le parti l’occasion de formuler à un niveau politique les intérêts des salariés et des personnes socialement déshéritées. » La lutte pour le marxisme et les idées révolutionnaires a lieu principalement « au sein et autour » de Die Linke. Ceux qui renoncent à travailler au sein de Die Linke restent prisonniers de « niches d’extrême gauche, » affirme le SAV.

C’est une mauvaise interprétation de Die Linke. Le parti n’est pas une organisation centriste qui, sous la pression des masses, se déplace vers le socialisme. Il n’a pas de vie démocratique intérieure et sa direction est en grande partie réfractaire à toute pression d’en bas. Il détermine sa politique par-dessus la tête de ses adhérents et n’est soumis à aucun contrôle démocratique de la part de ses fédérations locales.

Il n’est pas possible non plus de comparer Die Linke aux partis sociaux-démocrates d’avant-guerre qui, comme le Parti travailliste britannique ou le SPD allemand, représentaient également un programme bourgeois mais disposaient encore d’une influence de masse parmi les travailleurs. Cette influence de masse fait défaut à Die Linke. Ce n’est pas un parti de masse. La majorité de ses membres sont passifs ou ce sont des retraités et seule une petite partie d’entre eux vient de la classe ouvrière.

Ses électeurs sont également issus majoritairement de la classe moyenne. Une étude de l’Institut allemand de recherche économique (DIW) avait conclu l’année dernière que les personnes à faible revenu ou susceptibles de descendre dans l’échelle sociale ne comptent pas parmi ceux de ses partisans dont la représentation est supérieure à la moyenne. C’est surtout dans l’ancienne Allemagne de l’Est que Die Linke peut principalement compter sur des partisans bien éduqués et financièrement à l’aise. Là, la part des partisans de Die Linke est supérieure chez les « éléments plus fortunés de la classe moyenne. » A l’Ouest, où l’influence est sensiblement plus faible, la plupart des partisans viennent de la classe moyenne inférieure.

Die Linke est le résultat d’une fusion de deux appareils bureaucratiques ou, plus exactement, des squelettes de deux appareils bureaucratiques qui s’étaient depuis longtemps détachés de la classe ouvrière. Lorsque le PDS et l’« Alternative électorale-travail et justice sociale » (WASG) avaient fusionné en 2005 pour les élections législatives, (la fondation officielle du Parti La Gauche ayant eu lieu deux ans plus tard), le PDS comptait environ 60.000 adhérents, 90 pour cent d’entre eux ayant fait partie du SED avant la chute du Mur de Berlin et 70 pour cent étant âgés de plus de 60 ans. Le WASG a ajouté 11.500 adhérents, en majorité des bureaucrates syndicaux expérimentés et des fonctionnaires du SPD ainsi qu’un mélange d’anciens radicaux petits bourgeois.

Le SED incarnait la caste bureaucratique dirigeante de la République démocratique allemande (RDA) appelée plus généralement Allemagne de l’Est. Il était fondamentalement hostile à la classe ouvrière qu’il réprimait, comme lors de la répression sanglante de la révolte ouvrière du 17 juin 1953. Le SED se sentait nettement plus proche de la bourgeoisie allemande que de la classe ouvrière. C’est ce qui fut révélé en 1989, lorsqu’il joua un rôle clé dans la restauration du capitalisme à l’Est. Dans son autobiographie, Hans Modrow, le chef du gouvernement en RDA à l’époque et le président d’honneur de Die Linke, a déclaré qu’il avait considéré que la voie vers l’unité allemande était inévitable et qu’il l’avait suivie avec détermination.

Le WASG fut créé par des fonctionnaires sociaux-démocrates qui craignaient qu’un déclin rapide du SPD sous le gouvernement Schröder laisserait un vide politique dans lequel des courants révolutionnaires pourraient prendre pied. Le WASG correspond à un effort pour empêcher ceci.

Ce n’est pas un hasard si c’est Oskar Lafontaine, qui a passé quarante ans au sein du SPD, qui se trouve à la tête de Die Linke. Il a été maire de Sarrebruck pendant onze ans, il a été ministre-président de la Sarre pendant 13 ans, il a été pendant quatre ans le dirigeant fédéral du SPD et pendant cinq mois ministre fédéral des Finances. Il est nettement plus conscient des dangers d’une révolte sociale pour l’ordre capitaliste bourgeois que n’importe quel autre politicien bourgeois.

Il est bien plus conscient aussi que tout autre politicien bourgeois des dangers que représente pour l’ordre capitaliste une révolte sociale. Sa démagogie populiste vise à détourner un tel mouvement et à lui barrer la route. Dès l’entrée au gouvernement de Die Linke ou dès qu’il se trouvera confronté à des événements politiques importants, il fera tomber son masque populiste.

Contrairement aux affirmations du SAV, Die Linke n’est pas le point de départ de la construction d’un parti combatif de travailleurs mais le résultat d’une initiative consciente de la part de représentants de la classe dirigeante. Sa seule raison d’être est de supprimer tout mouvement indépendant de la classe ouvrière. La plupart de ses membres souscriraient immédiatement à la formule du dirigeant du SPD et président de la République de Weimar, Friedrich Ebert : « Je hais la révolution comme le péché. »

Dans le but d’écraser la résistance sociale, Die Linke recourt non seulement à la propagande, il est aussi prêt à recourir à l’appareil répressif de l’Etat, comme le gouvernement SPD-Die Linke l’a à maintes reprises prouvé dans la capitale allemande de Berlin.

Notre mouvement international, le Comité International de la Quatrième Internationale (CIQI), a à son actif plus de cinquante ans d’expérience avec des tendances politiques qui ont cherché à liquider le mouvement trotskyste au nom de l’« entrisme. » Le CIQI fut créé en 1953 dans une lutte contre les tentatives de Michel Pablo et d’Ernest Mandel de dissoudre les sections de la Quatrième Internationale dans les partis staliniens. Pablo et Mandel justifièrent celles-ci en se référant au soi-disant double caractère du stalinisme. Ils affirmèrent que la destruction du stalinisme ne se ferait pas par la construction de la Quatrième Internationale, mais « sous forme d’une violente lutte au sein de la bureaucratie entre les éléments réclamant le statu quo ou même un pas en arrière et les éléments de plus en plus nombreux qui sont poussés par la puissante pression des masses. »

Le SAV et l’ancien Linksruck n’ajoutent rien de neuf aux arguments de Pablo et de Mandel. Ils cherchent aujourd’hui à berner les gens d’une manière identique en leur faisant croire que les contradictions existant au sein de Die Linke mèneront à un nouveau courant révolutionnaire. Il y a cependant une différence: Pablo avait développé ses théories à un moment où le stalinisme se trouvait à l’apogée de sa puissance, étendait les formes des rapports de propriété de l’Union soviétique à l’Europe de l’Est et où il disposait dans certains pays (tels la France et l’Italie) d’une influence de masse au sein de la classe ouvrière.

L’entrisme de Pablo se référait aux organisations de masse staliniennes, sociales démocrates et nationalistes. L’entrisme du SAV et de Linksruck manque de tout contenu de classe. Il est devenu une formule pour la dissolution de la Quatrième Internationale dans littéralement n’importe quelle organisation. Ils ont rejoint un parti qui n’est même pas l’ombre des anciens partis de masse et qui n’a aucune relation avec la classe ouvrière. Leurs arguments pourraient également servir à justifier une entrée dans le SPD ou le Parti démocrate d’Obama.

Les résultats électoraux et le programme du parti

Abordons à présent votre deuxième question. Vous nous accusez d’« enjoliver » les résultats obtenus par le PSG aux élections européennes et vous nous demandez de considérer « de manière critique la stratégie. » Cela trahi une compréhension absolument opportuniste des élections. Nous participons aux élections dans le dessein de développer et de construire notre parti. En conséquence, la clarté du programme est une question cruciale. Dans des conditions où il n’existe pas encore d’élément révolutionnaire et socialiste significatif dans les masses, c’est d’autant plus important.

Par rapport aux 62 millions d’électeurs enregistrés, notre faible résultat électoral est un important indicateur du développement politique des masses. Il n’est cependant pas le point de départ de notre programme et de notre tactique. Notre programme ne se base pas sur le degré de résonance qu’il atteint à un moment donné. Il s’appuie sur une analyse de la situation objective et sur les expériences historiques faites par le mouvement ouvrier international. Notre critère n’est pas tel ou tel succès immédiat, en termes de votes, mais : notre programme est-il correct ? Correspond-il aux tâches qui découlent des changements dans la situation objective ? Prépare-t-il la classe ouvrière aux développements à venir ? Encourage-t-il l’initiative et l’indépendance politique des travailleurs ? Articule-t-il les intérêts historiques de la classe ouvrière ?

En 1938, quand Léon Trotsky discutait le programme de fondation de la Quatrième Internationale, il avait souligné ce point. Il avait posé la question, devons nous « adapter notre programme à la situation objective ou à la mentalité des ouvriers ? » et il avait répondu : « Le programme doit exprimer les tâches objectives de la classe ouvrière plutôt que la conscience arriérée des travailleurs. Il doit refléter la société telle qu’elle est et non pas l’état arriéré où se trouve la classe ouvrière. C’est un instrument pour surmonter et vaincre l’arriération. » (3)

Les élections européennes eurent lieu cette année au milieu de la plus profonde crise mondiale du capitalisme depuis 70 ans. C’est ce qui a servi de point de départ à notre programme électoral. Nous fûmes le seul parti à déclarer ouvertement que le capitalisme avait failli et que les grands problèmes sociaux de nos jours ne peuvent être résolus que par une transformation socialiste de la société.

Le manifeste électoral a expliqué quelles étaient les tâches politiques qui découlaient de la crise capitaliste en préparant la classe ouvrière aux luttes à venir. Dans son introduction il est dit : « Sous la surface, une énorme tempête sociale est en train de se préparer. Nous considérons de notre devoir de préparer politiquement une telle tempête et de lui donner une direction progressiste. Nous voulons poser les bases d’un mouvement socialiste de masse qui puisse briser le pouvoir du capital et établir des gouvernements ouvriers. »

Notre programme a eu beaucoup de soutien, ce qui s’est traduit par des réunions bien fréquentées et un grand nombre de nouveaux contacts et de membres. Avec quelques 10.000 votes, le résultat des élections fut néanmoins nettement inférieur à celui de l’élection de 2004 où le PSG avait reçu près de 26.000 votes.

Il y a plusieurs raisons à cela. La participation électorale parmi les travailleurs et les personnes socialement déshéritées était nettement inférieure à celle de l’élection précédente. Ceux qui ont été voter appartenaient aux couches plus fortunées de la classe moyenne urbaine qui soutiennent l’Union européenne, comme l’a montré le score supérieur à la moyenne atteint par les Verts et d’autres partis se basant sur ces couches. De plus, la candidature de plusieurs partis de protestation se concentrant sur une question spécifique, a aussi joué un rôle. Par exemple, le Parti des pirates nouvellement créé et qui s’oppose à la censure sur internet, a obtenu un soutien substantiel parmi les étudiants et les jeunes.

Ce qui est politiquement bien plus important c’est le fait que la croissance d’un parti révolutionnaire est étroitement liée à l’intervention active des masses dans les événements politiques. Il gagne en influence s’il est reconnu comme un parti de lutte étroitement lié aux activités des masses.

Les résultats relativement bons du PSG dans l’élection européenne de 2004 avaient été étroitement liés aux protestations de masse qui s’étaient déroulées à l’époque contre les « réformes » antisociales des lois Hartz. Ces manifestations qui s’étaient développées indépendamment des partis établis et des syndicats, avaient augmenté la confiance en soi de nombreux travailleurs qui soutinrent alors le PSG lors des élections. Pour ce qui est des élections européennes de cette année, l’opposition sociale s’est avant tout exprimée de manière passive, sous forme d’abstention. C’est ce qui a également affecté le résultat électoral du PSG. C’est en premier lieu Die Linke et les syndicats qui en portent la responsabilité pour avoir étouffé toute protestation sociale.

De telles fluctuations dans les résultats électoraux ne sont pas inhabituelles à la veille de grandes luttes de classe. Les résultats électoraux d’un parti révolutionnaire tel le PSG qui est engagé à rassembler un cadre marxiste, et dont les scores obtenus se mesurent actuellement en milliers ou en dizaines de milliers, ne peut pas être soumis aux mêmes critères que les machines électorales du parlementarisme bourgeois dont l’influence dépend de la taille de leurs appareils, de leurs moyens financiers et de leur présence dans les médias.

Il est tout à fait erroné de tirer des conclusions sur l’exactitude ou non de la ligne politique d’un parti révolutionnaire uniquement à partir du nombre de voix obtenues. Ceux qui procèdent selon ce modèle finissent inévitablement dans le camp de l’opportunisme. La tentative de gagner des votes par l’abandon des principes politiques mène à la désintégration totale. Ceci vaut également pour les partis plus importants comme le montre l’histoire du SPD.

Le SPD et les « élections Hottentot »

La réaction du SPD aux soi-disant « élections Hottentot », les élections (nationales) de 1907 au Reichstag, avait largement contribué à son tournant à droite qui allait finalement aboutir à la trahison historique de 1914, le parti votant en faveur des crédits de guerre.

Les élections de 1907 furent dominées par les questions de politique coloniale. Ces élections avaient été organisées à court terme après que le SPD et le Parti catholique du Centre (Zentrum) aient refusé de voter en faveur de crédits supplémentaires pour la guerre coloniale de l’Allemagne dans le Sud-Ouest de l’Afrique (l’actuelle Namibie). Les troupes allemandes avaient commis un génocide envers le peuple Herrero et avaient ensuite traité avec la même brutalité les Nama qu’ils qualifiaient de façon méprisante de Hottentots.

Le gouvernement, la flotte et les associations coloniales ainsi qu’un bloc de partis bourgeois, avaient mené une campagne électorale hystérique contre le SPD. « Le parti n’a jamais eu auparavant à affronter une telle offensive idéologique de nationalisme, de chauvinisme et de militarisme financée par le capital monopoliste ; il n’a jamais été confronté à un tel climat de pogrom. La propagande coloniale, l’idéologie raciste et la glorification de la guerre fleurissent » c’est en ces mots que le président d’alors du SPD, August Bebel, décrivait le climat qui régnait à l’époque. (4)

Cette campagne trouva un écho dans la petite bourgeoisie. Le SPD fut totalement isolé. Bien qu’il ait pu accroître le nombre absolu de ses voix, il perdit plus de la moitié de ses sièges au parlement parce que les partis bourgeois se rassemblèrent contre lui au second tour. Jusque-là, d’une élection à l’autre, le SPD avait été en mesure d’accroître le nombre de sièges au Reichstag.

Les divers courants existant au sein du SPD réagirent de manière tout à fait contradictoire à ce revers. L’aile droite considérait que les points de vue anti-impérialistes du parti avaient été la raison de la perte des sièges et plaidaient en faveur d’une attitude plus conciliante à l’égard de la politique coloniale et d’une concentration du travail sur le concret des réformes. L’aile gauche avait interprété les élections comme un tournant politique. « Les dernières élections au Reichstag représentent la fin du développement actuel et le point de départ du développement à venir, elles nous montrent que les développements futurs seront marqués par la politique mondiale. Politique mondiale signifiant militarisme et politique coloniale », écrivait Rosa Luxembourg.

Luxembourg avait décerné un lien direct entre la Révolution russe de 1905 et l’agitation menée contre le SPD. « La révolution russe a ébranlé le pouvoir inébranlable de la bourgeoisie, » avait-elle déclaré. « Elle a représenté une énorme bataille sociale de tous les exploités contre tous les exploiteurs, elle a montré le développement du pouvoir prolétarien tel que le monde ne l’avait jamais vu. » Elle avait aussi terrifié la bourgeoisie allemande qui craint que le prolétariat allemand ne recoure également à la grève de masse.

Luxembourg en avait tiré la conclusion que le SPD devait faire usage de plus en plus souvent de moyens révolutionnaires. Elle s’opposa de façon véhémente aux vues de l’aile droite selon laquelle les élections avaient affaibli le parti. Elle écrivait : « Nous avons perdu environ la moitié de nos sièges. Ceux qui croient toutefois que notre pouvoir politique s’est en conséquence affaibli, surestime l’influence du parlementarisme. Nous sommes un parti révolutionnaire. Notre pouvoir politique réside donc, non dans le nombre de nos sièges au Reichstag, mais dans le nombre de nos partisans au sein de la population. » (5)

Le président du SPD, Bebel était enclin à soutenir les vues de la gauche mais refusa de s’opposer à l’aile droite. Lorsque Richard Calwer, un représentant en vue de l’aile opportuniste, exprima ouvertement son soutien à la politique coloniale du gouvernement, Bebel prit sa défense au Reichstag. Quand, par contre, le texte de Karl Liebknecht, « Militarisme et anti-militarisme à l’adresse du mouvement international des jeunesses socialistes, » fut banni et que des poursuites pour crime de haute trahison étaient engagées contre lui, Bebel prit ses distances vis-à-vis du texte de Liebknecht. L’aile droite nationaliste qui déterminera la politique du SPD en 1914 était encore minoritaire en 1907 mais avait eu carte blanche pour répandre le poison du chauvinisme.

Où vous seriez-vous positionné dans ce conflit ? Probablement auriez vous aussi demandé : « Pourquoi un tel mauvais score ne peut-il pas être l’occasion de considérer de manière critique la stratégie? » et plaidé en faveur d’une adaptation à l’aile droite du parti.

J’espère avoir clairement montré que nous sommes déterminés à ne pas suivre cette voie. Nous suivons Rosa Luxembourg et interprétons le développement droitier des radicaux petits bourgeois qui s’accrochent à Die Linke comme étant le signe d’une aggravation de la situation sociale et politique, une situation qui ne permettra pas de demi-mesures et qui obligera toutes les tendances politiques à jouer cartes sur table. Au cas où nous suivrions le SAV en nous adaptant à Die Linke, nous commettrions une trahison d’envergure historique. A un moment où la perspective de la Quatrième Internationale a trouvé sa confirmation historique dans l’effondrement du stalinisme et des organisations réformistes et de la crise mondiale du capitalisme, cela signifierait abandonner une perspective révolutionnaire et désarmer la classe ouvrière à la veille des grandes luttes de classe.

Nous rejetons ceci totalement.

Pour le comité exécutif du PSG

Peter Schwarz

* * *

(1) Sascha Stanicic, porte-parole du SAV dans une interview à Linke Zeitung

(2) Elections européennes de 2009 Une réponse socialiste à la crise capitaliste

(3) Léon Trotsky, citation de : La crise mondiale du capitalisme et les tâches de la Quatrième Internationale, 1988, p. 73

(4) August Bebel: Eine Biografie, Dietz Verlag, Berlin 1989, p 647

(5) Rosa Luxembourg, Discours prononcé le 6 mars 1907, Œuvres choisies, Tome 2, Berlin 1986, p191.

(Article original paru le 28 septembre 2009)

 

 


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