Le Parti de l'égalité socialiste (SEP) du
Sri Lanka a tenu une importante réunion publique dimanche dernier dans la ville
de Hatton sise au coeur de la région des plantations, au centre de l'île. Des
travailleurs locaux, des jeunes et des femmes au foyer sont venus assister à
cette réunion intitulée « La crise économique mondiale et la lutte des
travailleurs des plantations. » Elle était organisée dans le contexte
d'une indignation générale des travailleurs des plantations, provoquée par la
récente trahison des syndicats des plantations sur la question des salaires.
Conduits par le Ceylon Workers Congress,
(CWC, Congrès des travailleurs de Ceylan), les syndicats ont joint leurs forces
aux employeurs et au gouvernement pour imposer un accord salarial de misère aux
travailleurs des plantations. Tandis que les syndicats Up-country Peoples Front
(UPF, Front populaire du Haut pays) et le All Ceylon Plantation Workers Union,
(ACPWU, pan-Ceylan des travailleurs des plantations) se présentent comme des
opposants à l'accord salarial, ils contribuent en fait à contenir et réprimer
l'opposition qui se développe.
Des équipes du SEP ont fait une vaste
campagne pour préparer cette réunion parmi les travailleurs des plantations à
Agarapathana, Thalawakelle, Kotagala, Watawala, Maskeliya et Hatton en
distribuant des milliers d'exemplaires de la déclaration du SEP « Un
programme socialiste pour les travailleurs des plantations du Sri Lanka »
et d'autres articles du World Socialist Web Site.
Des membres du Comité d'action de la
plantation Balmoral avaient fait deux heures de route pour venir de
Agarapathana assister à la réunion. Ce comité a récemment été mis en place dans
la plantation Balmoral avec l'aide politique du SEP, ce qui indique qu'une
section importante de la classe ouvrière sri lankaise commence à s'extirper de
la camisole de force imposée par les syndicats.
Les travailleurs présents à la réunion ont
écouté avec attention les discours, expliqué leurs propres expériences et
échangé leurs points de vue durant la discussion, ce qui est le reflet de
profonds changements politiques en train de se produire non seulement parmi les
travailleurs des plantations, mais au sein de la classe ouvrière toute entière.
A. Shanthakumar, membre du SEP, présidait la
réunion. Il a dit que la récente lutte pour les salaires démontrait que les travailleurs
ne pouvaient pas défendre leurs droits avec les syndicats et qu'il fallait
réorganiser la société sur la base d'un programme socialiste. C'est, a-t-il
poursuivi, l'unique réponse aux tentatives du gouvernement et des patrons qui
cherchent à faire porter le fardeau de la crise capitaliste à la classe
ouvrière.
« Les travailleurs des plantations ne
peuvent pas lutter seuls », a-t-il dit et il a expliqué que le SEP
« appelait à l'unité pas seulement avec les travailleurs des plantations,
mais aussi des autres secteurs de la classe ouvrière, et à se tourner vers les
frères et soeurs de classe de l'Asie du Sud et du monde entier. »
Wije Dias, secrétaire général du SEP et A. Shanthakumar (à gauche) traduisant en tamoul
M. Thevarajah, membre du Comité politique du
SEP a commencé son discours en déclarant que la décision des travailleurs de la
plantation Balmoral de former un comité d'action indépendant avait une
signification internationale. Il a dit que dans le contexte actuel de récession
économique mondiale majeure « les travailleurs sont partout confrontés à
des problèmes similaires ».
Faisant référence aux luttes salariales des
travailleurs des plantations de 2006 et de ces dernières semaines, Thevarajah a
montré à l'assistance un fax envoyé à la police et sur lequel était inscrit le
nom de 34 travailleurs des plantations qui avaient manifesté à Bogawanthalawa.
De forts soupçons donnaient à penser que ce fax avait été envoyé à la police
par CWC parce que ces travailleurs s'opposaient à l'accord salarial du
syndicat. Il a dit que d'autres syndicats qui prétendent s'opposer à l'accord
salarial aurait aidé la police à rafler leurs propres membres et à les faire
comparaître devant les tribunaux. Ces actes, a-t-il dit, sont l'exemple
manifeste du rôle des syndicats comme gendarmes des entreprises.
Le secrétaire général du SEP Wije Dias a
commencé son intervention en expliquant que la présence de travailleurs de
plusieurs plantations de la région était le reflet de profonds changements en
train de se produire dans les relations sociales et politiques, au sein du
mouvement ouvrier au Sri Lanka et internationalement.
Bien que le précédent accord collectif des
travailleurs des plantations ait expiré en mars dernier, aucun syndicat n'a
revendiqué de nouvel accord salarial jusque cinq mois après la déclaration de
fin du conflit militaire contre les Tigres de libération de l'Eelam tamoul
séparatistes. « C'est parce que les syndicats ne voulaient pas perturber
la guerre impitoyable du gouvernement Rajapakse contre les Tamouls. Ils étaient
tous liés au char de guerre du gouvernement et soutenaient les lois d'urgence
et la loi de Prévention du terrorisme qui sont à présent utilisées contre nous
tous », a dit Dias.
« Et maintenant ils soutiennent la
nouvelle « guerre économique » que le président Rajapakse a déclarée
contre l'ensemble des travailleurs. De nombreux travailleurs se sont
instinctivement rendu compte que les syndicats ne sont pas des organisations
qui défendent leurs droits, mais sont devenus une extension des patrons et de
l'Etat capitaliste. »
« Quand le SEP a proposé de mettre en
place des comités d'action sur un programme socialiste, cela a attiré
l'attention et l'allégeance des travailleurs de la plantation Balmoral. En
mettant en place ce comité, les travailleurs Balmoral ont accompli un pas
important et qui sera suivi par le reste de la classe ouvrière. »
Dias a ensuite lu une lettre du président du
syndicat des employés de la banque centrale, W.M. Piyaratne au comité d'action
de la plantation Balmoral. La lettre dite : « Je considère votre
initiative de former un comité d'action sur la plantation Balmoral comme une
action qui va nous guider et nous renforcer. J'ai lu avec enthousiasme votre
appel aux travailleurs. J'exprime mon accord total avec votre opposition aux
syndicats qui ont imposé un salaire de misère aux travailleurs des plantations.
Veuillez prendre note que nous nous sommes engagés à agir pour soutenir votre
comité et vous défendre. Nous rejoignons aussi la lutte pour la formation de
comités d'action sur d'autres lieux de travail et bureaux. »
Une partie de l'assistance de la réunion de Hatton
Dias a dit que l'initiative des travailleurs
Balmoral faisait écho aux démarches faites dans les plantations à la fin des
années 1930, lorsque le Parti Lanka Sama Samaja Party (LSSP), alors trotskyste,
avait pris la décision d'établir des syndicats et de lutter pour un programme
d'indépendance nationale et de socialisme. Les travailleurs des plantations
avaient arraché des droits fondamentaux suite aux luttes engagées durant cette
période.
« Plus tard, les trahisons du LSSP,
après qu'il eut rejoint le gouvernement capitaliste en 1964, ouvrirent la voie
au recrutement de travailleurs par le Ceylon Workers Congress (CWC). Ses
trahisons, en tant que participant au gouvernement de l'United National Party
(Parti national unifié) dans les années 1980, mena à la formation du Upcountry
Peoples Front et permit au Janatha Vimukthi Peramuna de s'implanter parmi les
travailleurs.
D'une manière ou d'une autre, ces
organisations font toutes partie du gouvernement, a dit Dias. L'unique voie
pour les travailleurs consiste à prendre une position indépendante et à lutter
pour le programme du socialisme.
« Il s'agit d'une expérience commune de
la classe ouvrière internationalement. Les syndicats et les vieux partis de
« gauche » ont abandonné toutes leurs prétentions de
« gauche » et de défense de la classe ouvrière, a poursuivi Dias. Ce
n'est pas dû à quelques individus corrompus, a-t-il expliqué, mais à la
prémisse nationaliste réactionnaire sur laquelle ces organisations sont
fondées. La production capitaliste mondialisée a miné toutes les organisations
fondées sur l'Etat-nation et révélé leur véritable nature d'appendices du capitalisme. »
Dias a donné une vue d'ensemble historique
et politique de l'évolution de l'économie mondiale et de l'éruption des deux
guerres mondiales du siècle dernier. Il a dit que la restabilisation du
capitalisme a été rendue possible durant la période qui a suivi la Deuxième
Guerre mondiale du fait des trahisons de la social-démocratie et du stalinisme
et avec l'aide du dollar américain.
Il est revenu sur l'effondrement de cette
relative stabilité vers la fin des années 1960 et l'éruption de luttes révolutionnaires
un peu partout dans le monde au début des années 1970, en Grande-Bretagne,
Espagne, au Portugal et Vietnam avec la défaite de l'armée américaine en 1975.
Ces développements se sont aussi reflétés dans la grève générale des
travailleurs sri lankais en 1976 qui eurent raison du gouvernement de Sirima
Bandaranaike qui était venue au pouvoir avec le soutien du LSSP et du Parti
communiste stalinien.
Dias a expliqué que c'est parce qu'il
manquait à cette rébellion internationale de la classe ouvrière une direction
révolutionnaire que la classe capitaliste avait réussi à se maintenir au
pouvoir et commencé à restructurer l'économie à l'échelle mondiale. Cela avait
marqué la fin des programmes réformistes nationaux de toutes les organisations,
dont les syndicats, qui sont devenus ouvertement les gendarmes de l'ordre
capitaliste dans chaque pays. Dias a montré du doigt les syndicats des
plantations et leur décision de donner à la police le nom des travailleurs qui
protestaient contre leur trahison comme un exemple de plus de cette
dégénérescence.
Dias a appelé les travailleurs à suivre
cette démarche entreprise par les travailleurs de la plantation Balmoral et
insisté sur la nécessité de construire le SEP comme le parti révolutionnaire de
masse qui éduque et guide les travailleurs dans la lutte pour le socialisme
international.
Plusieurs travailleurs ont fait des
interventions importantes durant la discussion. Un travailleur de la plantation
Balmoral a expliqué : « Les syndicats ont signé la trahison concernant
les salaires non pas au nom des travailleurs, mais pour eux-mêmes et les
patrons. Pour un travailleur, un salaire de base de 285 roupies [1,70 euro],
c'est la misère. Nous avions commencé un jeûne pour protester contre la
trahison des syndicats quand nous avons rencontré des membres du SEP. Ils nous
ont expliqué ce qu'il valait mieux faire. »
Un travailleur de la plantation de Velioya
près de Hatton a fait part de ses expériences. En 2006, il était un dirigeant
local du CWC et engagé dans un jeûne de protestation pour des salaires plus
élevés. Le dirigeant du CWC Arumugam Thondaman s'était opposé même à cette
protestation limitée et les syndicats avaient conclu un accord pour un salaire
de base de 170 roupies.
« Cette fois les syndicats ont accepté
un salaire de base de 285 roupies, mais les travailleurs peuvent gagner 400
roupies, plus un repas, hors de la plantation. Ils [les syndicats] se prennent
pour qui pour décider de nos salaires ? » a-t-il demandé.
Plusieurs travailleurs des plantations ont
parlé avec le WSWS après la réunion. L'un d'entre eux de la plantation de
Velioya a dit être d'accord avec « toutes les interventions » et
exprimé son soutien pour la formation d'un comité d'action. « Les
travailleurs des plantations ont besoin du SEP, » a-t-il dit. « Ils
sont opprimés par tous les politiciens capitalistes. Le SEP devrait aider à
abolir cette exploitation capitaliste. »
Un membre du comité d'action des
travailleurs de la plantation Balmoral a expliqué qu'aucun des partis qu'il
avait rencontrés « n'avait enseigné la politique de cette façon. Nous
avons compris ce qu'il fallait faire pour aller de l'avant et comment prendre
des décisions et agir d'une façon correcte. »
(Traduit de l’anglais, article paru le 1er
octobre 2009)