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WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

La véritable nature de la guerre en Afghanistan exprimée dans le massacre de Kunduz

Déclaration du Parti de l’égalité sociale (Allemagne)
12 septembre 2009

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Une frappe aérienne ordonnée par l’armée allemande la semaine dernière a causé l’un des pires massacres des huit ans de l’histoire de la guerre de l’OTAN en Afghanistan.

Il est maintenant évident qu’au moins 125 personnes ont été tuées lors de l’attaque survenue dans la nuit de jeudi, qui avait été ordonnée par le commandant militaire de l’équipe de reconstruction provinciale à Kunduz, le colonel Georg Klein. En plus des combattants armés, l’attaque a tué de nombreux habitants de villages voisins. Cet incident fut l’une des frappes aériennes les plus sanglantes depuis l’invasion du pays par les forces américaines à l’automne 2001.

Un tel massacre n’est pas le résultat de « mauvaises décisions », d’une supposée « indifférence aux règles de l’OTAN » ou d’une « situation incertaine ». C’est plutôt la conséquence inévitable de la logique objective de l’intervention militaire menée par les Etats-Unis en Afghanistan.

Le prétexte employé par les Etats-Unis et leurs alliés pour occuper l’Afghanistan huit ans plus tôt fut les attaques terroristes du 11 septembre 2001. L’objectif avoué de l’invasion était d’éradiquer les repaires du terrorisme international et de renverser le régime taliban, qui abritait Oussama ben Laden et al-Qaïda. En fait, les plans pour l’occupation militaire du pays avaient été établis bien avant le 11-Septembre.

L’Afghanistan, qui est situé au beau milieu des plus riches gisements en matières premières du monde, est d’une importance stratégique cruciale pour les Etats-Unis et les puissances européennes. C’est pourquoi, dans les années 1980, ces puissances ont financé la résistance contre le régime à Kaboul, allié de l’Union soviétique, dans une guerre qui a ravagé tout le pays. A cette époque, al-Qaïda était l’alliée des Etats-Unis, à côté duquel on trouvait de nombreux barons de la drogue et seigneurs de guerre, qui possèdent aujourd’hui un pouvoir et une influence considérables.

Le conflit en Afghanistan adopte aujourd’hui tous les traits caractéristiques propres aux guerres coloniales menées en Algérie, au Viêt-Nam et dans de nombreux autres pays. Le développement de la résistance à l’invasion du pays dirigée par les Etats-Unis en est une indication. Pendant que les médias occidentaux décrivent invariablement la résistance comme des « talibans », il est clair que l’opposition est de plus en plus formée des diverses sections de la population locale.

Il n’est pas difficile de comprendre les raisons d’un tel développement. D’une part, la population afghane doit faire face à la brutalité des troupes d’occupation, dont les bombardements ont à maintes reprises tué nombre de civils; de plus, elle est sous le joug des nouveaux pouvoirs dirigeants du pays, les barons de la drogue et les seigneurs de guerre, promus par les Etats-Unis et l’OTAN. Le président Hamid Karzaï, acclamé par le passé comme le phare du progrès et de la raison dans la région, est maintenant tellement associé à la corruption extrême et au népotisme que certains gouvernements occidentaux se sentent contraints de se distancer de son gouvernement — surtout parce qu’il est incapable de livrer la marchandise.

Les prétextes avancés par le Parti social-démocrate allemand et les Verts pour justifier au départ l’intervention de l’armée allemande dans la guerre, (que ce qui était en jeu concernait la reconstruction du pays, l’établissement de la démocratie et l’émancipation des femmes), ont depuis longtemps été démasqués en tant que mythes. Les soldats allemands se retrouvent de plus en plus impliqués dans des confrontations armées avec les insurgés et ont recours à de l’armement lourd et des tanks. Ce n’était qu’une question de temps avant qu’ils ne soient impliqués dans une attaque aussi violente que celle menée dans la nuit de jeudi.

Avec l’élection fédérale dans trois semaines, le massacre à Kunduz arrive à un bien mauvais moment pour le gouvernement allemand. Ce dernier est responsable de l’implication croissante de l’armée allemande dans une violente guerre coloniale, sans qu’il n’y ait eu aucune discussion publique. Selon les sondages, 71 pour cent de l’électorat allemand s’oppose à l’occupation de l’Afghanistan. Le gouvernement a fait tout ce qu’il pouvait afin de maintenir la question de la guerre en dehors de la campagne électorale. En effet, le secrétaire à la Défense Franz Josef Jung refuse toujours de qualifier l’intervention allemande en Afghanistan de « déploiement de guerre ».

Lors de la publication des premiers articles décrivant le massacre de Kunduz, Jung et la chancelière allemande Angela Merkel ont défendu les actions de l’Allemagne. Même dimanche, soit deux jours après l’attaque, ils soutenaient encore que seuls des « talibans armés » avaient été tués dans la frappe aérienne et qu’aucun civil n’avait été blessé. Ils ont justifié le massacre en déclarant que la frappe avait empêché que les deux camions-citernes volés ne soient utilisés pour attaquer un camp allemand.

Ils s’embrouillèrent cependant de plus en plus dans leurs contradictions. Une foule de faits nouveaux vint contrecarrer leur tentative de justifier le bombardement. Le gouverneur de la province, Abdoul Wahid Omarkhel, affirma à l’agence de presse allemande qu’il avait donné au président Hamid Karzaï une liste des victimes contenant de nombreux noms d’enfants âgés de 10 à 16 ans. Des photos d’enfants sévèrement brûlés firent le tour du monde.

Le jour même, le quotidien américain Washington Post a publié un reportage détaillé. Ayant obtenu la permission spéciale du commandant en chef des Etats-Unis en Afghanistan, le général Stanley McChrystal, un journaliste du Post a procédé à une enquête sur les lieux mêmes de l’incident, a interviewé des villageois, a visité des victimes à l’hôpital et a aussi assisté à des réunions entre les commandants allemands et américains.

Selon ce reportage, le colonel Klein aurait demandé jeudi soir un appui aérien des bombardiers américains pour attaquer deux camions-citernes transportant de l’essence qui avaient été saisis par des combattants de la résistance. Un membre de l’équipage du bombardier B1 détecta ensuite les deux camions qui s’étaient enlisés dans le fond sablonneux d’une rivière. Bien que les camions-citernes aient été immobilisés dans le sable, le colonel Klein a fait appel à un appui aérien supplémentaire.

Les chasseurs américains F-15 qui étaient arrivés sur les lieux ont envoyé des vidéos en direct de la scène aux quartiers généraux allemands. Les vidéos montraient clairement la présence de dizaines de personnes autour des deux camions. Le colonel Klein aurait supposément appris d’un informateur que toutes les personnes filmées sur la vidéo étaient des « combattants talibans armés ». Que cette discussion ait vraiment pris place ou non, à environ 2h30, le colonel Klein a ordonné aux chasseurs de bombarder la zone, qui a été transformée en quelques secondes en un violent brasier d’où personne n’aurait pu sortir vivant.

Washington Post et de nombreux témoins, les villageois des environs, y compris plusieurs enfants, s’étaient rués sur les lieux au milieu de la nuit pour obtenir leur part de l’essence des camions-citernes. Cette essence, qui était destinée originalement aux troupes d’occupation allemandes, est un luxe pour la vaste majorité des Afghans.

Selon les informations qui ont été publiées, le massacre de Kundux est un crime de guerre. Deux camions-citernes pris dans le sable de la rive ne peuvent être considérés comme une menace directe aux soldats allemands. Même si ceux qui ont ordonné l’attaque croyaient véritablement qu’aucun civil n’était menacé, cela ne justifie aucunement l’élimination de douzaines de combattants contre l’occupation dans un enfer brûlant. La brutalité avec laquelle de nombreuses personnes sont éliminées rappelle invariablement les attaques punitives des troupes allemandes contre les partisans des zones occupées en Europe du Sud, en Europe de l’Est et en Russie durant la Deuxième Guerre mondiale.

La responsabilité pour ce crime retombe sur tous les partis présents au sein du parlement allemand qui ont donné le feu vert au déploiement de l’armée allemande en Afghanistan. Tous, de façon unanime, ont réitéré leur soutien à la guerre à l’occasion de ce massacre.  Au plus, ils étaient prêts à critiquer les politiques d’informations déficientes du ministère de la Défense, à la lumière du flot de mensonges émanant tant du ministère que de l’état-major de l’armée allemande.

Tant la chancelière Angela Merkel (Union chrétienne-démocrate, CDU) et le ministre de la Défense Jung (CDU) ont expressément défendu les actes de l’armée allemande et assuré que les soldats en Afghanistan bénéficiaient de leur « soutien politique ». Quant au ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier (Parti social-démocrate, SPD), il était convaincu que les troupes allemandes en Afghanistan continueraient à avoir une « très bonne réputation » en dépit du massacre.

Les Verts, qui, avec les sociaux-démocrates, sont ceux qui ont déployé l’armée allemande en Afghanistan en 2001, craignent pour l’avenir de la mission allemande en Afghanistan. La présidente des Verts, Claudia Roth, a expliqué : « Il ne devrait pas y avoir de guerre en Afghanistan contre la population civile, car cela mine la confiance que l’on peut avoir envers les soldats internationaux et que cela nuit dans les faits au déploiement en Afghanistan. »

Le parti La Gauche a pris sur lui de neutraliser la vaste opposition à la guerre en Afghanistan. C’est le seul parti ayant des représentants au Bundestag allemand qui s’oppose à l’intervention allemande. La caractéristique la plus remarquable de cette opposition, toutefois, est le refus de ce parti de reconnaître le caractère colonial de la guerre. La Gauche considère que l’invasion de l’Afghanistan par l’OTAN fait partie de la soi-disant guerre contre le terrorisme, qui de l’avis de ce parti, doit être menée d’une autre façon et qui, de plus, a été complètement légitimisé au Bundestag par ses votes et ses discours.

La critique de La Gauche visait aussi la subordination des intérêts allemands à ceux des Etats-Unis. A la lumière des tensions croissantes entre les deux partenaires de l’OTAN, c’est une position qui pourrait rapidement être adoptée par les autres partis politiques au Bundestag.

Le fait que le crime de guerre à Kunduz a été connu aussi rapidement, et ce malgré les tentatives de l’armée et du gouvernement allemands d’étouffer l’affaire, est dû à l’augmentation des tensions entre l’Allemagne et les Etats-Unis. La couverture que le Washington Post a donné à ces événements, avec le soutien des commandants américains, et les visites hypocrites des victimes du bombardement par le général américain McChrystal, visaient à en jeter le blâme sur les « alliés » des Etats-Unis et à augmenter  la pression sur l’Allemagne pour qu’elle ajuste son intervention militaire aux besoins des Etats-Unis.

C’est aussi ainsi que le comprend le haut commandement allemand. Selon Spiegel-Online, les officiers de l’armée allemande ont décrit le comportement américain comme une « insolence abominable » et comme la politique d’« œil pour œil, dent pour dent ».

Il n’y a qu’une question sur laquelle les partenaires de l’OTAN sont unis, c’est qu’ils sont contre le peuple afghan qu’il cherche à dominer. En fait, les conflits entre les « alliés » sur le butin et les régions d’influences en Afghanistan et toute la région deviennent toujours plus aigus. Le ton tranchant des échanges entre les commandements allemand et américain est un avertissement que ces conflits pourraient rapidement se développer en un enfer mondial.

Le Parti de l’égalité sociale en Allemagne appelle pour le retrait immédiat de toutes les troupes hors de l’Afghanistan. Nous demandons que l’armée allemande soit dissoute et que les milliards de dollars dépensés en armes et pour la guerre soient consacrés à la satisfaction des besoins sociaux urgents. Non seulement les dirigeants militaires responsables, mais aussi les initiateurs du déploiement de l’armée allemande, Merkel et Jung (tous les deux du CDU), Steinmeier et Peter Struck (du SPD) doivent être accusés de crimes de guerre.

Cela ne pourra se réaliser que lorsque les travailleurs entreront dans l’arène politique comme une force indépendante des partis établis sur la base d’un programme internationaliste et socialiste. Le PES présente des candidats à Berlin et dans Rhin Nord-WestPhalie dans les élections fédérales pour lutter pour ce programme.

(Article original allemand paru le 8 septembre 2009)


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