wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : La mission parlementaire contre la burqa encourage les préjugés anti-musulmans

Par Antoine Lerougetel
25 septembre 2009

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

La mission parlementaire d'enquête sur la burqa et le niqab s'est réunie pour une seconde session le 9 septembre. Mise en place par le président Nicolas Sarkozy après qu'il a déclaré le 22 juin lors d'une réunion parlementaire que « la burqa n'est pas la bienvenue en France », beaucoup pensent qu'elle est en train de préparer une loi interdisant aux femmes de porter en public la burqa, ce vêtement qui recouvre le corps tout entier.

La commission qui s'était réunie pour la première fois le 8 juillet représente une attaque contre la liberté religieuse, les droits démocratiques et les principes fondamentaux de laïcité qui dénient à l'Etat le droit d'intervenir sur les questions d'opinions et de croyances personnelles .

Des évaluations officielles récentes estiment à moins de 2000 le nombre de femmes en France qui portent la burqa et démontrent que la question du port, par une toute petite minorité de femmes, de ce vêtement qui recouvre entièrement le corps  et le visage a été artificiellement gonflée de façon disproportionnée. Cela sert l'agenda politique du gouvernement Sarkozy, en s'attaquant aux musulmans et en créant une diversion antidémocratique par rapport à la trajectoire du gouvernement qui consiste à faire payer aux travailleurs la crise économique au moyen du chômage de masse et d'attaques contre le niveau de vie et les droits sociaux et démocratiques. La propagande contre la burqa qui est portée en Afghanistan est aussi utilisée pour promouvoir les interventions militaires de l'impérialisme français là-bas.

Selon un sondage paru sur le site internet d'informations oumma.com, 80 pour cent des musulmans français considèrent que le but de la commission est de stigmatiser l'Islam et 86 pour cent s'opposent à une loi réglementant le voile intégral.

La mission est composée de députés de tous les partis siégeant au parlement et est conduite par le député du Parti communiste (PC) André Gerin. Sarkozy sait que, comme ce fut le cas pour la question du port du voile islamique par des jeunes filles dans les établissements scolaires, et qui a été rendu illégal par une loi réactionnaire passée avec le soutien de la gauche bourgeoise en 2004, il peut rassembler la « gauche » et les organisations féministes de la classe moyenne derrière lui sur cette question.

Lutte ouvrière (LO) a déclaré son soutien à la mission tandis que le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) d'Olivier Besancenot a exprimé son consentement en maintenant un silence assourdissant sur cette question. Ces deux organisations avaient soutenu en 2004 la loi contre les jeunes filles portant le voile islamique à l'école, à tel point que la dirigeante de LO Arlette Laguiller avait défilé dans une manifestation féministe aux côtés de la ministre Nicole Guedj de l'UMP (Union pour un mouvement populaire) le parti conservateur au pouvoir.

Le PC participe entièrement à cette campagne anti-musulmane. Son quotidien L'Humanité a accordé à Gerin une interview sans exprimer la moindre critique sur ses déclarations provocatrices contre la burqa, comme celle-ci : « Le voile intégral dans la rue devient répulsif, choquant. » Le journal stalinien lui a aussi accordé un stand à la Fête de l'Humanité du week-end dernier.

La question de la burqa fournit les conditions nécessaires pour essayer d'organiser une chasse aux sorcières contre la population en utilisant l'appareil d'Etat. Eric Raoult, député UMP et rapporteur de la mission, déconcerté par les statistiques montrant qu'un très petit nombre de femmes portent la burqa en France a déclaré, « C'est pourquoi nous allons également consulter les bailleurs sociaux, très proches du terrain, ou encore les rectorats qui sont au courant lorsque se posent des problèmes d'identification des mères à la sortie du primaire. »

Le quotidien conservateur Le Figaro écrivait le 9 septembre, « Ces institutions pourraient cependant se montrer réticentes à rassembler des informations jugées sensibles sur les familles. » Le souvenir des services scolaires et sociaux à qui on avait demandé de dénoncer les Juifs et la Résistance, sous le régime collaborationniste de Philippe Pétain durant l'occupation nazie de la France (1940-1944) est encore très vif et une opposition populaire puissante persiste contre la délation aux autorités.

Elizabeth Badinter, personnalité bien connue du Parti socialiste, associée aux droits des femmes et dont l'époux Robert est célèbre pour avoir fait campagne pour l'abolition de la peine de mort est venue témoigner à la session de la mission mercredi dernier. Elle a dit, « les femmes voilées sont la partie visible de la progression de l’intégrisme musulman, […] le port du voile est l’étendard du salafisme [...] En France, on combat les idéologies destructrices qui portent atteinte à la dignité humaine, on lutte contre les sectes, le nazisme, l’antisémitisme, il faut combattre l’intégrisme. » Elle a exhorté, dans le style classique de l'extrême-droite raciste, les immigrés à « se plier aux us et coutumes du pays où l’on vit » ou alors à quitter ce pays. « Pourquoi ne pas gagner les terres saoudiennes ou afghanes où nul ne vous demandera de montrer votre visage ? »

Le stalinien Gerin a dit à la presse le 27 août, « Pour moi, la question du voile intégral, c'est un combat républicain. Le voile intégral n'a rien à voir avec l'Islam. Le voile intégral, c'est l'iceberg de la marée noire des fondamentalistes dans certains territoires de notre pays. »

Le Figaro du 9 septembre rapporte que Fadela Amara, ancienne dirigeante de l'association féministe Ni putes ni soumises et qui a rejoint le gouvernement Sarkozy en 2007, « s'est prononcée à plusieurs reprises pour une loi, réfléchit à une interdiction de la burqa dans le service public : écoles, hôpitaux, mairies… mais aussi dans les transports. Enfin, des contrôles d'identité seraient effectués dans les lieux sensibles comme les gares et les aéroports. »

S'adressant à la mission parlementaire, celle qui lui a succédé à la tête de Ni putes, ni soumises, Sihem Habchi a déclaré, « Il faut choisir entre la burqa ou la République. »

La tentative de Yazid Sabeg, commissaire à l'Egalité et à la diversité des chances dans le gouvernement Sarkozy, de réfuter les déclarations de la campagne anti-burqa a déchaîné une avalanche de critiques dans la presse. Saberg a affirmé que « l'on peut penser ce que l'on veut de la burqa, de son caractère régressif ou non... L'Etat n'a pas à se prononcer sur les tenues vestimentaires des Français. »

Dans une interview au quotidien catholique La Croix, il a attaqué la confusion semée par cette campagne anti-burqa qui évite « le vrai débat sur les vrais enjeux qui sont d'abord économiques et sociaux ». Il a ajouté, « La crise s'aggrave dans les quartiers et les tensions sociales sont à leur maximum. Il n'y a plus de travail, plus de logement, le système éducatif ne remplit plus son rôle. Occupons-nous de ces vrais sujets. Au lieu de cela, la polémique sur la burqa va rouvrir des frustrations, des antagonismes, des racismes. »

Des membres UMP de la mission parlementaire ont publié une déclaration appelant à la démission de Sabeg : « Ces propos mettent directement en cause le travail de la mission parlementaire et foulent aux pieds l'égalité des sexes et la dignité de la personne. Monsieur Sabeg n'a plus la crédibilité pour être ministre de la République; il doit démissionner. »

Lors d'une cérémonie en hommage à deux soldats français tués dans la guerre néocoloniale d'occupation de l'Afghanistan, Sarkozy a utilisé le même langage que les partisans de l'interdiction de la burqa et du niqab. Prétendant que cette guerre, menée en réalité à des fins de contrôle sur cette région stratégique riche en pétrole et en gaz, était un « combat contre la barbarie, contre l'obscurantisme ».

Il a affirmé que le bilan actuel de 31 soldats français morts en Afghanistan était « un sacrifice qui n'aurait aucun sens si nous laissions le terrorisme, si nous laissions des factions moyenâgeuses, des barbares, triompher. Ce sacrifice n'aurait aucun sens si nous abandonnions le peuple afghan à ce qu'il faut bien appeler ses bourreaux...Nous resterons le temps nécessaire... »

Il n'a fait aucune référence aux milliers d'Afghans tués et mutilés par les forces d'occupation françaises et de l'OTAN, souvent suite à des bombardements aveugles.

Le contenu antidémocratique de cette campagne anti-burqa apparaît encore plus clairement si l'on considère l'histoire coloniale française. En 1958, au plus fort de la répression sanglante par l'armée française de la lutte d'indépendance de l'Algérie, les autorités avaient demandé aux femmes algériennes de retirer leur voile pour signifier leur soutien au régime colonial français. De nombreuses femmes algériennes qui ne portaient déjà plus le voile, l'avaient repris à nouveau en signe de défi.

Aujourd'hui, l'impérialisme français avance une fois encore l'argument faux selon lequel il tente de libérer les femmes en interdisant diverses formes d'habits musulmans. En fait, l'absence d'opposition à cette campagne réactionnaire au sein de l'establishment politique, de l'UMP au NPA et à LO, témoigne de l'absence de tout courant politique pour la défense des droits démocratiques au sein de la bourgeoisie française.

(Article original anglais paru le 19 septembre 2009)


Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés