La mission parlementaire d'enquête sur la burqa
et le niqab s'est réunie pour une seconde session le 9 septembre. Mise en place
par le président Nicolas Sarkozy après qu'il a déclaré le 22 juin lors d'une
réunion parlementaire que « la burqa n'est pas la bienvenue en
France », beaucoup pensent qu'elle est en train de préparer une loi
interdisant aux femmes de porter en public la burqa, ce vêtement qui recouvre
le corps tout entier.
La commission qui s'était réunie pour la
première fois le 8 juillet représente une attaque contre la liberté religieuse,
les droits démocratiques et les principes fondamentaux de laïcité qui dénient à
l'Etat le droit d'intervenir sur les questions d'opinions et de croyances
personnelles .
Des évaluations officielles récentes
estiment à moins de 2000 le nombre de femmes en France qui portent la burqa et
démontrent que la question du port, par une toute petite minorité de femmes, de
ce vêtement qui recouvre entièrement le corps et le visage a été
artificiellement gonflée de façon disproportionnée. Cela sert l'agenda politique
du gouvernement Sarkozy, en s'attaquant aux musulmans et en créant une
diversion antidémocratique par rapport à la trajectoire du gouvernement qui
consiste à faire payer aux travailleurs la crise économique au moyen du chômage
de masse et d'attaques contre le niveau de vie et les droits sociaux et
démocratiques.La propagande contre la burqa qui est portée en
Afghanistan est aussi utilisée pour promouvoir les interventions militaires de
l'impérialisme français là-bas.
Selon un sondage paru sur le site internet
d'informations oumma.com,80 pour cent des musulmans français considèrent que
le but de la commission est de stigmatiser l'Islam et 86 pour cent s'opposent à
une loi réglementant le voile intégral.
La mission est composée de députés de tous
les partis siégeant au parlement et est conduite par le député du Parti
communiste (PC) André Gerin. Sarkozy sait que, comme ce fut le cas pour la
question du port du voile islamique par des jeunes filles dans les
établissements scolaires, et qui a été rendu illégal par une loi réactionnaire
passée avec le soutien de la gauche bourgeoise en 2004, il peut rassembler la
« gauche » et les organisations féministes de la classe moyenne
derrière lui sur cette question.
Lutte ouvrière (LO) a déclaré son soutien à
la mission tandis que le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) d'Olivier
Besancenot a exprimé son consentement en maintenant un silence assourdissant
sur cette question. Ces deux organisations avaient soutenu en 2004 la loi
contre les jeunes filles portant le voile islamique à l'école, à tel point que
la dirigeante de LO Arlette Laguiller avait défilé dans une manifestation
féministe aux côtés de la ministre Nicole Guedj de l'UMP (Union pour un
mouvement populaire) le parti conservateur au pouvoir.
Le PC participe entièrement à cette campagne
anti-musulmane. Son quotidien L'Humanité a accordé à Gerin une interview
sans exprimer la moindre critique sur ses déclarations provocatrices contre la
burqa, comme celle-ci : « Le voile intégral dans la rue devient
répulsif, choquant. » Le journal stalinien lui a aussi accordé un stand à
la Fête de l'Humanité du week-end dernier.
La question de la burqa fournit les
conditions nécessaires pour essayer d'organiser une chasse aux sorcières contre
la population en utilisant l'appareil d'Etat. Eric Raoult, député UMP et
rapporteur de la mission, déconcerté par les statistiques montrant qu'un très
petit nombre de femmes portent la burqa en France a déclaré, « C'est
pourquoi nous allons également consulter les bailleurs sociaux, très proches du
terrain, ou encore les rectorats qui sont au courant lorsque se posent des
problèmes d'identification des mères à la sortie du primaire. »
Le quotidien conservateur Le Figaro écrivait
le 9 septembre, « Ces institutions pourraient cependant se montrer
réticentes à rassembler des informations jugées sensibles sur les
familles. » Le souvenir des services scolaires et sociaux à qui on avait
demandé de dénoncer les Juifs et la Résistance, sous le régime
collaborationniste de Philippe Pétain durant l'occupation nazie de la France
(1940-1944) est encore très vif et une opposition populaire puissante persiste
contre la délation aux autorités.
Elizabeth Badinter, personnalité bien connue
du Parti socialiste, associée aux droits des femmes et dont l'époux Robert est
célèbre pour avoir fait campagne pour l'abolition de la peine de mort est venue
témoigner à la session de la mission mercredi dernier. Elle a dit, « les femmes voilées sont la partie visible de la progression de
l’intégrisme musulman, […] le port du voile est l’étendard du salafisme [...]
En France, on combat les idéologies destructrices qui portent atteinte à la
dignité humaine, on lutte contre les sectes, le nazisme, l’antisémitisme, il
faut combattre l’intégrisme. » Elle a exhorté, dans
le style classique de l'extrême-droite raciste, les immigrés à « se plier aux us et coutumes du pays où l’on vit » ou alors à
quitter ce pays. « Pourquoi ne pas gagner les terres saoudiennes ou
afghanes où nul ne vous demandera de montrer votre visage ? »
Le stalinien Gerin a dit à la presse le 27
août, « Pour moi, la question du voile intégral,
c'est un combat républicain. Le voile intégral n'a rien à voir avec l'Islam. Le
voile intégral, c'est l'iceberg de la marée noire des fondamentalistes dans
certains territoires de notre pays. »
Le Figaro du 9
septembre rapporte que Fadela Amara, ancienne dirigeante de l'association
féministe Ni putes ni soumises et qui a rejoint le gouvernement Sarkozy
en 2007, « s'est prononcée à plusieurs reprises pour
une loi, réfléchit à une interdiction de la burqa dans le service public :
écoles, hôpitaux, mairies… mais aussi dans les transports. Enfin, des contrôles
d'identité seraient effectués dans les lieux sensibles comme les gares et les
aéroports. »
S'adressant à la mission parlementaire,
celle qui lui a succédé à la tête de Ni putes, ni soumises, Sihem Habchi
a déclaré, « Il faut choisir entre la burqa ou la
République. »
La tentative de Yazid Sabeg, commissaire à
l'Egalité et à la diversité des chances dans le gouvernement Sarkozy, de
réfuter les déclarations de la campagne anti-burqa a déchaîné une avalanche de
critiques dans la presse. Saberg a affirmé que « l'on peut penser ce que
l'on veut de la burqa, de son caractère régressif ou non... L'Etat n'a pas à se
prononcer sur les tenues vestimentaires des Français. »
Dans une interview au quotidien catholique La
Croix, il a attaqué la confusion semée par cette campagne anti-burqa qui
évite « le vrai débat sur les vrais enjeux qui sont d'abord économiques et
sociaux ». Il a ajouté, « La crise s'aggrave dans les quartiers et
les tensions sociales sont à leur maximum. Il n'y a plus de travail, plus de
logement, le système éducatif ne remplit plus son rôle. Occupons-nous de ces
vrais sujets. Au lieu de cela, la polémique sur la burqa va rouvrir des
frustrations, des antagonismes, des racismes. »
Des membres UMP de la mission parlementaire
ont publié une déclaration appelant à la démission de Sabeg : « Ces
propos mettent directement en cause le travail de la mission parlementaire et
foulent aux pieds l'égalité des sexes et la dignité de la personne. Monsieur Sabeg n'a plus la crédibilité pour être ministre
de la République; il doit démissionner. »
Lors d'une cérémonie en hommage à deux
soldats français tués dans la guerre néocoloniale d'occupation de
l'Afghanistan, Sarkozy a utilisé le même langage que les partisans de
l'interdiction de la burqa et du niqab. Prétendant que cette guerre, menée en
réalité à des fins de contrôle sur cette région stratégique riche en pétrole et
en gaz, était un « combat contre la barbarie, contre
l'obscurantisme ».
Il a affirmé que le bilan actuel de 31
soldats français morts en Afghanistan était « un sacrifice qui n'aurait aucun sens si nous laissions le terrorisme, si nous
laissions des factions moyenâgeuses, des barbares, triompher. Ce sacrifice
n'aurait aucun sens si nous abandonnions le peuple afghan à ce qu'il faut bien
appeler ses bourreaux...Nous resterons le temps nécessaire... »
Il n'a fait aucune référence aux milliers
d'Afghans tués et mutilés par les forces d'occupation françaises et de l'OTAN,
souvent suite à des bombardements aveugles.
Le contenu antidémocratique de cette
campagne anti-burqa apparaît encore plus clairement si l'on considère
l'histoire coloniale française. En 1958, au plus fort de la répression
sanglante par l'armée française de la lutte d'indépendance de l'Algérie, les
autorités avaient demandé aux femmes algériennes de retirer leur voile pour
signifier leur soutien au régime colonial français. De nombreuses femmes
algériennes qui ne portaient déjà plus le voile, l'avaient repris à nouveau en
signe de défi.
Aujourd'hui, l'impérialisme français avance
une fois encore l'argument faux selon lequel il tente de libérer les femmes en
interdisant diverses formes d'habits musulmans. En fait, l'absence d'opposition
à cette campagne réactionnaire au sein de l'establishment politique, de
l'UMP au NPA et à LO, témoigne de l'absence de tout courant politique pour la
défense des droits démocratiques au sein de la bourgeoisie française.
(Article original anglais paru le 19 septembre
2009)