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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Les élections législatives 2009 en Allemagne : un complot du silence sur les implications de la crise économique

Par Peter Schwarz
7 septembre 2009

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Les élections parlementaires qui se déroulent tous les quatre ans sont considérées comme le scrutin le plus important en Allemagne. Elles déterminent non seulement la répartition des sièges au parlement allemand (Bundestag), mais aussi la composition du gouvernement.

A moins de cinq semaines de la date des élections, le 27 septembre, toutefois, l’absence de tout débat politique dans l’actuelle campagne électorale est devenue aussi évident qu’elle est un sujet qui domine les commentaires politiques. La presse se plaint du fait d’une campagne ennuyeuse et impute la faute soit à la réticence de la chancelière sortante de défier ses rivaux soit à l’apathie présumée de l’électorat.

La véritable raison est ailleurs. Tous les partis représentés au parlement allemand s'accordent à penser que le prochain gouvernement sera obligé de reporter le fardeau de la crise économique internationale sur la population. Personne n’est disposé à aborder la question de ce qui attend la population après les élections. Au lieu de cela, des querelles mesquines et des banalités (tel le scandale de la ministre de la Santé ayant utilisé une voiture de fonction à des fins personnelles) dominent la campagne électorale.

Il y a littéralement un complot pour dissimuler la véritable ampleur de la crise et pour reporter ses conséquences les plus graves à une date après les élections.

Comme le rapportait le 25 août le Financial Times Deutschland, en se référant à plusieurs présidents de groupes, il existe « une sorte d’accord moratoire entre l’industrie allemande et le gouvernement » pour différer la suppression massive d’emplois après la date des élections. Sitôt les élections passées, « L’industrie allemande envisage de pratiquer des suppressions massives d’emplois. » Le journal conclut en disant : « L’admission des patrons ne sert qu’à justifier la crainte que les coupes les plus cruelles sont encore à venir pour les travailleurs allemands. »

Des commentaires identiques ont été faits par l’ancien président de l’industrie allemande (BDI), Olaf Henkel, dans un article publié dans le journal économique Handelsblatt. Henkel, qui siège au conseil de surveillance de plusieurs grands groupes, écrit : « Directement après les élections non seulement les conséquences de la crise économique mais aussi la politique fait maison (à savoir du gouvernement) conduira à une augmentation considérable du nombre des chômeurs en Allemagne. » Il reproche aux partis gouvernementaux de ne pas être disposés « à dire maintenant la vérité au sujet des décisions qui devront être prises durant la prochaine période législative. »

Il règne aussi un silence absolu dans la campagne électorale sur les prochaines réductions des dépenses sociales. Tout récemment, la grande coalition a inscrit dans la Constitution une loi limitant l’endettement et qui obligera tout futur gouvernement à réduire le déficit budgétaire qui connaît une forte hausse par des coupes budgétaires drastiques. Les milliards octroyés aux banques, le trou béant des revenus fiscaux et le fardeau grandissant des paiements sociaux doivent être récupérés aux dépens des couches les plus faibles de la société. Toutefois, pas le moindre mot n’est dit à ce sujet durant cette campagne. Au lieu de cela, des affirmations creuses sont faites, promettant des augmentations des dépenses d’éducation, des améliorations sociales et des réductions d’impôts, des promesses qui seront mises au rebut après les élections.

La guerre en Afghanistan a également disparu en grande partie de la campagne électorale. Bien que le gouvernement ait plongé l’armée allemande de plus en plus profondément dans une guerre brutale et qui prend de plus en plus les formes d’un embrasement régional, il n’y a pas de débat public. Le ministre allemand de la Défense, Franz Josef Jung, refuse même de qualifier le conflit de « guerre ». Les véritables objectifs de la guerre, l’asservissement impérialiste d’une région stratégiquement importante, sont étouffés et niés.

Les soi-disant partis de l’opposition sont tous d’accord sur ces questions avec les partis de la grande coalition, l’Union chrétienne-démocrate (CDU), l’Union chrétienne-sociale (CSU) et le Parti social-démocrate (SPD). Les Verts avaient à la fois soutenu l’envoi de troupes en Afghanistan et l’Agenda 2010 antisocial quand ils étaient au gouvernement avec le SPD et ils restent de fervents partisans des deux politiques. Le Parti libéral démocrate (FDP) propose même d’aller plus loin dans les coupes sociales que ne le fait la grande coalition.

Le parti La Gauche (Die Linke) n’est pas une exception. Officiellement il appelle au retrait des troupes allemandes d’Afghanistan et à l’abolition des lois Hartz IV, mais n’entreprend aucune démarche pour mobiliser en faveur de ces revendications. Tout comme la chancelière Merkel, le dirigeant de Die Linke, Oskar Lafontaine, se réfère à Ludwig Erhard en le louant comme le père de « l’économie sociale de marché ». En réalité, Erhard fut un politicien de l’aile droite de la CDU et un défenseur sans faille du système capitaliste. Il fut obligé de démissionner comme chancelier suite à une série de grèves des mineurs en 1966. Les acquis sociaux remportés au milieu du boom d’après-guerre avaient été le résultat de la lutte des travailleurs contre Erhard. De tels acquis furent gagnés de haute lutte au milieu du boom d’après-guerre et toute répétition au milieu de la plus profonde crise économique mondiale depuis 1930 est exclue.

Bien que cinq partis siègent actuellement au Bundestag, les différences programmatiques entre eux sont tellement minimes que chaque parti pourrait en principe coopérer avec l’autre. Aucun n’est prêt à défier le pouvoir des banques et des grands groupes qui sont responsables de la crise économique et qui engrangent à présent de nouveaux profits et une nouvelle richesse. Ils se font tous concurrence pour la seule et même mince couche d’électeurs, les sections les plus riches de la classe moyenne qu’ils qualifient de « mainstream » (courant dominant.) La population laborieuse est en grande partie exclue de jouer un rôle quelconque dans l’élection.

Il y quatre ans, la dirigeante du CDU, Angela Merkel, et le dirigeant du FDP, Guido Westerwelle, avaient préconisé une coalition noir-jaune de leurs partis avant les élections. Ce qui fut déjoué par le résultat des élections qui manqua de fournir aux deux partis une majorité. Cette fois-ci, Merkel a été plus prudente et ne s’est pas engagée à former une coalition avec la FDP.

Sa décision n’est pas seulement due au fait que le résultat des élections est incertain. Selon les sondages actuels, une coalition CDU-FDP remporterait une étroite majorité, mais de tels sondages ne sont souvent pas fiables (en 2005 ils avaient été imprécis et avaient occasionné une erreur de l’ordre de 7 pour cent) et environ 40 pour cent des personnes interrogées restent indécises. Mais, ce qui est plus important, c’est qu’il subsiste des doutes dans des sections du camp conservateur quant à savoir si la coalition CDU-FDP serait capable de contenir l’opposition populaire ainsi que la colère. Sous un gouvernement formé presque entièrement de politiciens ouvertement pro-patronaux, il serait bien plus difficile pour les syndicats de tenir en bride la classe ouvrière. Au cours de ces onze dernières années, les syndicats ont joué un rôle crucial dans l’application des coupes sociales en étouffant toute opposition générale, d’abord sous le gouvernement Schröder et, plus récemment, sous le gouvernement Merkel.

Plusieurs politiciens conservateurs de premier plan ont pour cette raison invité le FDP à modérer sa rhétorique néolibérale. Le premier ministre bavarois, Horst Seehofer (CSU), qui gouverne à Munich en coalition avec le FDP, a averti le dirigeant du FDP, Guido Westerwelle, qu’il rencontrerait « la résistance de la CDU » en cas d’« attaque néolibérale après les élections. » Des commentaires identiques sont venus du premier ministre sarrois, Peter Müller (CDU), qui doit se faire réélire ce week-end, ainsi que de son collègue Jürgen Rüttgers (CDU) de Rhénanie-du-Nord/Westphalie. Rüttgers qui gouverne aussi son Land en coalition avec le FDP, craint, selon le magazine Der Spiegel, qu’« une tempête de protestations contre une alliance CDU-FDP » au niveau fédéral puisse lui coûter les prochaines élections régionales en Rhénanie-du-Nord/Westphalie en mai 2010.

Se référant à des sources CDU, Der Spiegel rapporte que la chancelière Merkel « préconiserait avant tout une reconduction de la grande coalition… Une poursuite de la coopération avec le SPD offrirait de nombreux avantages du point de vue de la chancelière. » Une grande coalition est sûre d’avoir une nette majorité dans les deux chambres du parlement allemand, le Bundestag et le Bundesrat. Une telle majorité ferait défaut à une coalition CDU-FDP si la CDU enregistrait de mauvais résultats lors des élections régionales imminentes. De plus, la coalition avec le SPD a fourni au gouvernement le soutien sans entraves des syndicats qui ont appliqué des accords à bas salaires ou, comme l’a fait le syndicat des cheminots Transnet durant la dernière grève des conducteurs de train, ont ouvertement agi comme briseurs de grève.

Le SPD souhaiterait également poursuivre la grande coalition. Après une chute dans les sondages à un niveau de soutien d’environ 22 pour cent et refusant pour le moment de former une coalition avec Die Linke au niveau fédéral, la grande coalition offre la seule perspective pour le SPD de rester au gouvernement.

Dans le même temps, une poursuite de la grande coalition mènerait inévitablement à la poursuite du déclin du soutien à la CDU et au SPD, les deux soi-disant partis populaires traditionnels de la politique allemande. Après onze années passé au gouvernement le SPD souffre d’une diminution chronique des adhérents et enregistre dans les sondages son plus mauvais résultat de la période d’après-guerre. Et, en dépit d’un bon score personnel de la chancelière Merkel dans les sondages, la CDU n’a pas été en mesure d’améliorer son maigre résultat de 2005. Le parti tourne actuellement autour de 36 pour cent.

Des négociations intenses sont menées pour trouver des alternatives à une grande coalition. Si le 27 septembre une nette majorité CDU-FDP se dessinait, alors une coalition de ces partis, y compris la CSU, serait probable. Mais les Verts, qui ont pour la première fois formé à Hambourg au niveau régional une coalition avec la CDU, ont fait connaître leur volonté de collaborer avec la CDU et la CSU. Les questions programmatiques ne présentant pas d’obstacle majeur pour l’ancien parti écologique. Les Verts ne cachent pas leurs relations étroites avec le monde des affaires et ils défendent avec véhémence l’intervention de l’armée allemande en Afghanistan.

Die Linke joue un rôle clé dans les considérations concernant les futures coalitions. Si les conflits sociaux s’intensifiaient alors le parti deviendrait utile. Dans les Länder (tels Berlin) et les municipalités en Allemagne de l’Est où il partage le pouvoir, il agit comme un appui fiable pour l’ordre bourgeois. A présent, il pourrait entrer pour la première fois dans le gouvernement d’un Land en Allemagne de l’Ouest.

La première tentative de ce genre du parti avait échoué l’année dernière dans le Land de Hesse. Des adversaires au sein même du SPD avait sabordé la tentative de la dirigeante régionale du parti, Andrea Ypsilanti, de former une coalition avec Die Linke et les Verts. Ils avaient profité du fait qu’Ypsilanti avait catégoriquement exclu avant les élections toute coopération avec Die Linke. Toutefois, dans le petit Land de Sarre, en Allemagne de l’Ouest, où des élections doivent avoir lieu dimanche prochain, il y a de bonnes chances que le SPD, Die Linke et les Verts forment un gouvernement commun, et ce à peine quelques semaines avant les élections législatives.

Die Linke est particulièrement fort en Sarre en raison du rôle joué par Oskar Lafontaine au niveau régional. Lafontaine a dirigé le SPD de Sarre pendant 19 ans et a pendant 14 ans gouverné le Land comme premier ministre avant de prendre la direction du SPD au niveau fédéral. Plus tard, il a quitté le SPD pour fonder Die Linke. Selon des sondages d’opinion, le camp de la CDU et du FDP sont au coude à coude avec le camp du SPD, Die Linke et les Verts. Le SPD a déjà fait savoir dans le Land de Sarre qu’il démarrerait immédiatement des négociations avec Die Linke et les Verts pour la formation d’une alliance au cas où les trois partis dépasseraient la CDU et le FDP. La direction nationale du SPD a déjà donné le feu vert à une telle coalition.

Il y a de grandes chances aussi qu’une coalition réunissant Die Linke, le SPD et les Verts puisse remplacer la CDU sortante dans le Land de Thuringe, en Allemagne de l’Est, où des élections ont également lieu ce dimanche. Les élections régionales sont traditionnellement un genre de test décisif pour les élections fédérales et les élections régionales de dimanche pourraient bien influencer le résultat du 27 septembre. Le SPD a catégoriquement exclu une coalition avec Die Linke pour la prochaine période législative mais souhaite maintenir ouvertes d’autres options par la suite. Il est aussi tout à fait possible que les prochaines élections législatives se déroulent en l’espace de moins de quatre ans si la situation économique et sociale continue de se détériorer.

Quant à Die Linke, il a montré clairement qu’il était prêt à tout pour se faire reconnaître par le SPD en tant que partenaire gouvernemental. En Sarre, Lafontaine a déjà réuni une équipe gouvernementale acceptable au SPD et aux Verts. Il est question de Heinz Bierbaum, comme ministre de l’Economie, aux côtés de l’ancien membre des Verts, Barbara Spaniol, comme ministre de l’Education et de Volker Schneider qui a travaillé durant de nombreuses années dans le groupe parlementaire SPD, comme ministre du Travail.

En Thuringe, où le SPD est nettement plus faible que Die Linke, le candidat tête de liste, Bodo Ramelow, a indiqué qu’il permettrait au SPD d’occuper le poste de premier ministre. Politiquement, une démarche sans précédent. Normalement c'est le parti bénéficiant du plus grand soutien électoral qui prend la tête du gouvernement dans une coalition de partis.

Une fois au gouvernement, Die Linke agirait en Sarre, en Thuringe ou à un niveau fédéral, exactement comme il le fait à Berlin. Dans la capitale allemande, Die Linke a entièrement soutenu les coupes introduites par le SPD et a appliqué impitoyablement les lois antisociales Hartz IV. La tâche la plus importante du parti est à présent de renforcer le SPD qui est en train de perdre rapidement son soutien suite à sa politique droitière.

Même si le résultat électoral devait rester ouvert le 27 septembre, une chose est sûre : le prochain gouvernement, indépendamment de sa composition, rejettera le fardeau de la crise sur la population. Pour se défendre et pour empêcher qu’un tel désastre se produise, la classe ouvrière a besoin d’un nouveau parti. La construction d’un tel parti est l’objectif du Parti de l’Egalité sociale (Partei für Soziale Gleichheit, PSG) en présentant ses propres candidats aux élections.

(Article original paru le 29 août 2009)


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