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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France: L'emprunt national prépare un transfert d'argent massif vers le patronat

Par Pierre Mabut
15 septembre 2009

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Le 26 août, le président Nicolas Sarkozy a mis en place sa commission chargée d'établir les « priorités stratégiques » concernant l'investissement de l'argent qui sera collecté par un grand emprunt national au début de 2010. Les reportages des médias et la composition même de la commission montrent clairement que le gouvernement Sarkozy prépare un transfert d'argent en direction des grandes entreprises. L'extension de la dette nationale entraîne une fois de plus une énorme redistribution de richesse tenant les travailleurs à l'écart.

La commission est dirigée par deux anciens premiers ministres, Alain Juppé du parti au pouvoir de Sarkozy (Union pour un mouvement populaire) et qui avait perdu son poste du fait de la grève des cheminots de 1995, et Michel Rocard du Parti socialiste (PS.) Ils vont diriger la préparation de l'emprunt et de l'investissement d'Etat de quelque 80 à 100 milliards d'euros. Il reste encore à décider de la manière de collecter cet argent, soit par un emprunt sur les marchés internationaux soit par des bons du Trésor proposés aux Français.

La commission devra rendre son rapport le 1er novembre.

Sarkozy a demandé à la commission qui compte 24 membres de penser « au-delà de l’horizon de la crise » et sur «les investissements les plus utiles dans une vision de long terme. » Les propositions qui ont filtré dans les médias laissent clairement entendre que les investissements seraient utilisés non pas pour remettre à flots des industries durement touchées ou aider des travailleurs confrontés au chômage et à des baisses de salaire, mais plutôt pour remplir les livrets de commandes des grandes entreprises les plus puissantes de France et pour renforcer la compétitivité française dans le domaine de l'industrie des hautes technologies.

Le prêt sera utilisé pour ce que Sarkozy appelle « la croissance de demain » dans trois « défis majeurs, » à savoir «  l’économie de connaissance »(financement de l'université et des programmes de formation), « la compétitivité des entreprises » et « les équipements industriel innovants. » Ce grand financement qui est proposé au patronat français pour qu'il s'équipe dans la guerre pour gagner des marchés se justifie en vue du «  renforcement des entreprises innovantes et exportatrices, et en particulierde leurs fonds propres, [qui] est plus strategique que jamais au moment où elles émergent d’une crise exceptionnelle. »

Parmi les propositions possibles, on compte davantage de fonds pour le programme de l'Airbus 350, l'extension du réseau TGV (Train à grande vitesse), le financement d'un prototype de réacteur nucléaire de quatrième génération et la recherche dans les énergies renouvelables et la bio et nano technologie.

Un autre signe qui témoigne de ce que l'argent sera utilisé sans tenir compte des intérêts du public, est qu'il n'a nullement été question de nationaliser les entreprises qui recevront cette manne extraordinaire de la part des contribuables français.

La composition de la commission pour le grand emprunt national souligne encore plus le caractère pro-patronal de la commission.

Parmi ses membres les plus en vue on compte Denis Ranque, ancien PDG de l'entreprise de défense et d'électronique Thalès; le directeur des affaires publiques du géant de l'énergie nucléaire Areva, Edouard Philippe; le président de la banque d'investissement Oddo Corporate Finance, Fatine Layt; la fondatrice de Terra Femina, Véronique Morali qui est aussi une conseillère clé de Laurence Parisot, présidente du Medef (la fédération des patrons de France); Christian de Boissieu, président du droitier Conseil d'analyse économique du premier ministre et Olivier Ferrand, le président âgé de 38 ans, du groupe de réflexion Terra Nova, proche du PS.

Un autre membre notable de cette commission est Nicole Notat, ancienne secrétaire générale du syndicat CFDT (Confédération française démocratique du travail) et à présent une femme d'affaire. Elle avait soutenu le premier ministre Alain Juppé en 1995 lorsqu'il avait transféré la dette de la sécurité sociale sur le dos des travailleurs par son impôt CRDS (Contribution pour le remboursement de la dette sociale.)

En un mot, l'élite politique française mobilise les ressources financières de l'Etat derrière plusieurs de ses industries les plus compétitives internationalement, notamment l'énergie nucléaire, les transports, la haute technologie. Cela va attiser davantage les tensions internationales avec les partenaires commerciaux tels l'Allemagne et les Etats-Unis qui rivalisent aussi en ces domaines.

Il existe aussi une dimension militaire et stratégique significative à ce projet d'emprunt national: L'expertise industrielle française, notamment dans les centrales nucléaires et les systèmes d'armement, est cruciale pour les projets d'extension de l'influence de l'impérialisme français à l'étranger. L'installation récente d'une base militaire à Abou Dhabi était liée à la vente de deux centrales nucléaires de construction française dans ce pays. Le gouvernement français espère vendre davantage de ces centrales à l'Arabie saoudite et à d'autres pays du Golfe.

Cette politique est en continuité directe avec la politique économique de Sarkozy depuis que la crise financière mondiale a éclaté il y a un an: à savoir le renflouement des intérêts impérialistes aux dépens des contribuables, tout en imposant davantage de coupes sociales contre la classe ouvrière.

Ce grand emprunt national va alourdir davantage encore la dette de l'Etat qui s'élevait à la fin de 2008 à 1 327 milliards d'euros, soit 68 pour cent du PIB. En 1978 la dette était de 5 pour cent. Le déficit budgétaire du gouvernement a plus que doublé pour atteindre 109 milliards d'euros en l'espace de 12 mois. La deuxième plus importante dépense du budget de l'Etat est le financement des intérêts de la dette publique, qui s'élèvent à 50 milliards d'euros par an, ce qui représente 20 pour cent du budget.

A l'automne dernier, Sarkozy avait proposé une garantie d'emprunt de 360 milliards d'euros au secteur bancaire français ainsi qu'un « plan de relance » de 26 milliards pour le secteur des affaires, notamment les industrie de l'automobile et de la finance. Des mesures supplémentaires ont accordé à 13 banques 68 milliards de prêts.

Malgré la crise des finances de l'Etat, Sarkozy continue à demander des réductions d'impôt pour les grandes entreprises et les riches. La taxe professionnelle ( taxe que les entreprises locales paient aux municipalités) sera supprimée en 2010 et probablement pour toujours. Les municipalités dépendent de cette taxe professionnelle pour 16 pour cent de leurs revenus. Sarkozy a déclaré que « On ne peut plus avoir tout notre système de fiscalisation basé sur la production si on veut garder des emplois en France. »

Les ultra-riches de France continuent de profiter massivement de la réduction du taux d'imposition sur les tranches les plus élevées que Sarkozy a fait passer tout juste après avoir pris ses fonctions en 2007. En 2008, un abattement d'impôt a été accordé à 18 893 personnes qui ont chacune reçu, en moyenne, un chèque de 30 593 euros.

En même temps, il y a de nombreux reportages faisant état de projets d'augmenter les attaques contre la classe ouvrière, parmi lesquels figure en bonne place l'attaque de Sarkozy contre les retraites en 2007-2008. Le Journal du Dimanche (JDD) a publié un mémo confidentiel du gouvernement montrant qu'il a l'intention d'augmenter de 25 pour cent le forfait journalier hospitalier non remboursable. Actuellement fixé à 16 euros par jour, il devrait atteindre 20 euros. Une série de médicaments, dont les analgésiques, ne seront plus remboursés par la sécurité sociale. Des postes d'infirmiers et d'enseignants sont en train d'être supprimés, respectivement 20 000 et 13 500.

Le JDD a aussi rapporté que « le gouvernement est tenté par une thérapie de choc, » c'est à dire par des attaques massives, en réponse au déficit de 20 milliards d'euros de la sécurité sociale cette année, déficit deux fois plus élevé que l'an dernier.

Il est tout à fait symptomatique de la décrépitude de l'establishment politique français qu'aucune opposition ne se soit développée face aux projets de Sarkozy, et que le PS participe activement à ces projets.

Le quotidien Le Monde a dit que la « composition [de la commission] placée sous le signe de l’ouverture témoigne du souci du chef de l'Etat de désamorcer les polémiques. » En fait, l'inquiétude de Sarkozy témoigne principalement de la conscience qu'une opposition politique significative à cette mesure pourrait facilement révéler au grand jour son caractère de classe flagrant. La participation du PS et le silence de « l'extrême-gauche » sont essentiels à la création d'une aura d'unité nationale autour de cette proposition.

Le nouveau groupe de réflexion du PS Terra Nova, la force motrice derrière l'adoption par le PS de primaire pour l'élection présidentielle afin de consolider un candidat droitier du PS pour l'élection présidentielle de 2012, est très impliqué. Michel Rocard est à la direction à la fois de la commission pour le grand emprunt national et du comité scientifique de Terra Nova.

Olivier Ferrand, président de Terra Nova fait partie des quatre membres de la commission pour l'emprunt national qui rendront le rapport directement à Sarkozy. Ferrand a travaillé pour l'ancien président italien Romano Prodi à la commission européenne et était conseiller de campagne du social-démocrate Dominique Strauss-Kahn lorsque ce dernier s'était présenté à la nomination du candidat PS à la présidentielle de 2007. Strauss-Kahn est à présent directeur général du Fonds monétaire international, après que sa candidature à ce poste a été soutenue par Sarkozy.

Afin de créer davantage l'apparence d'un consensus national, Sarkozy s'est une fois de plus tourné vers la bureaucratie syndicale. Après des entretiens privés avec Bernard Thibault de la CGT (Confédération générale du travail, proche du Parti communiste) Sarkozy a annoncé son accord avec l'idée de Thibaut d'états-généraux de l'industrie qui débouchent sur « nouvelle politique industrielle. »

Le porte-parole de l'Elysée, Raymond Soubie a expliqué que ces états-généraux travailleraient « en parallèle » avec la commission. Thibault a dit, «ces états généraux devront déboucher sur une orientation politique définissant les atouts industriels du pays. »

Venant de la direction de la CGT, qui a supervisé la destruction de larges sections de l'ancienne base industrielle française, tels le textile et la sidérurgie, de telles remarques ont des relents profondément sinistres. Pour un gouvernement aussi anti-ouvrier que celui de Sarkozy, identifier les industries internationalement compétitive de France n'est que le prélude à une attaque massive sur les industries considérées comme non compétitives. Grâce à l'emprunt national de Sarkozy, d'immenses ressources de l'Etat auront déjà été consacrées à la consolidation des entreprises les plus fortes.

Tous les travailleurs ayant une conscience de classe doivent s'opposer de façon implacable à ces tentatives de la bourgeoisie et des syndicats de piller les finances de l'Etat et l'économie dans son ensemble pour la défense les intérêts internationaux de l'impérialisme français.

(Article original paru le 14 septembre 2009)

 


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