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  WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

Le déclin historique du Parti libéral démocrate japonais

Par Peter Symonds
16 septembre 2009

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La défaite majeure subie par le Parti libéral démocrate (PLD) aux élections japonaises le mois dernier marque plus que la fin de la mainmise prolongée de ce parti sur le pouvoir politique. La montée du capitalisme japonais après la seconde guerre mondiale, accompagnée par les succès des démocrates libéraux, dépendait avant tout d'un cadre stratégique et économique international construit sur la domination globale des États-Unis, laquelle est aujourd'hui en train de reculer. L'effondrement électoral dramatique du PLD dans le contexte de la plus grave crise économique depuis les années 1930 constitue un signe supplémentaire de ce que la politique, au Japon comme partout ailleurs, se dirige vers des temps troublés et imprévisibles.

Les mythes classiques concernant la politique japonaise – sur la domination naturelle des partis conservateurs au sein d'une société très stricte avec une population laborieuse placide et disciplinée – passent utilement sous silence les troubles révolutionnaires qui ont suivi la seconde guerre mondiale, quand le sort du capitalisme japonais était en jeu. Deux millions de personnes, dont beaucoup de civils, étaient morts durant la guerre, près de la moitié de la surface urbaine avait été détruite et l'industrie était à l'arrêt. Ayant subi les horreurs de la guerre, les privations économiques et la répression de l'état policier, la classe ouvrière était profondément hostile au régime militariste en place pendant la guerre, et elle était déterminée à se battre pour ses droits fondamentaux.

Dans une situation où les grands paris bourgeois étaient largement vilipendés, la stabilisation d'après-guerre au Japon, comme en Europe, s'appuya sur les trahisons de la Sociale-démocratie et, encore plus, du Stalinisme. Le Parti socialiste japonais (PSJ), le Parti communiste japonais (PCJ) et leurs syndicats respectifs connurent une croissance explosive. Au milieu d'une disette et d'une pauvreté constantes, les grèves et les manifestations étaient très répandues et amenèrent une large radicalisation. Une grève générale planifiée en février 1947 fut annulée sur ordre du chef de l'occupation américaine, le Général Douglas MacArthur. Pour les communistes, la décision d'abandonner cette grève était la conséquence logique de leur théorie stalinienne des deux étapes, celle-ci interprétait les réformes limitées apportées par l'occupation américaine comme un élément de la prétendue première étape démocratique de la révolution.

En réalité, en contenant le militantisme de la classe ouvrière, le PCJ donna à l'occupation américaine et à la bourgeoisie japonaise une bouffée d'air frais dont ils avaient grand besoin. Dans l'immédiat après-guerre, l'armée américaine avait libéré les prisonniers politiques, dont les dirigeants du PCJ, et purgé les politiciens et les bureaucrates associés au régime de guerre. Après 1947 et l'éclatement de la Guerre froide, Washington inversa la vapeur, permettant à des personnalités de droite de revenir à la vie politique et de mener une "purge des rouges" contre les communistes et leurs sympathisants dans la bureaucratie étatique et également, avec l'aide de certains dirigeants syndicaux américains, dans les syndicats.

Le PLD, créé en 1955 par la réunion du Parti libéral conservateur et du Parti démocrate, reposait entièrement sur le cadre établi par l'occupation américaine. La pierre angulaire de sa politique étrangère était le traité de sécurité américano-japonais conclu en 1952 qui mettait fin à l'occupation et établissait le Japon comme l'allié principal des États-Unis en Asie dans la Guerre froide. Économiquement, la renaissance de l'industrie dépendait fortement de relations commerciales privilégiées avec les États-Unis. La guerre de Corée de 1950 à 1953 donna un fort coup d'accélérateur économique au Japon, qui servait de base d'opérations aux troupes américaines. Politiquement, le PLD resserra son emprise sur le pouvoir par un habile découpage des circonscriptions électorales dans les campagnes, renforcé par des taxes à l'importation favorables aux paysans, ainsi que des subventions et le financement des projets de construction uniquement dans les circonscriptions qui élisaient ses membres.

Dans les années 1960, dans le contexte d'une croissance mondiale continue, le Japon devint le premier "miracle économique" asiatique. Les entreprises japonaises, entretenues derrières des barrières commerciales par le puissant ministère du commerce international et de l'industrie, exploitait la main d'œuvre à bon marché du pays pour trouver des débouchés importants sur les marchés américain et européen. Au cours de cette décennie, la croissance économique avait un taux annuel moyen de 10 pour cent.

Cependant, comme tous les booms d'après-guerre dans le monde, le "miracle" japonais fut relativement court. La première fissure apparut en 1971 lorsque le président américain Richard Nixon mit un terme au taux d'échange fixe entre l'or et le dollar qui avait établi le cadre économique mondial. L'année suivante, le gouvernement Nixon choqua profondément la bourgeoisie japonaise en établissant des liens diplomatiques avec la Chine sans se donner la peine de demander son avis à son allié de la Guerre froide. Les fortes montées du prix du pétrole dans les années 1970 frappèrent également durement le Japon. Même si l'économie s'en remit, la hausse des salaires obligea les entreprises japonaises à investir dans d'autres pays asiatiques où le travail était moins cher. De plus, le succès économique qui avait transformé le Japon en seconde puissance économique mondiale entraîna des tensions commerciales vives avec les États-Unis.

La ruine des Démocrates libéraux commença en 1993 par une série de défections de ceux qui voulaient un programme de libre marché et une politique étrangère plus agressifs. Le PLD perdit le pouvoir pour 11 mois en 1993-94 en faveur d'une coalition instable de nouveaux petits partis conservateurs et des socialistes. Le PLD revint au pouvoir en 1994 au sein d'une étrange coalition avec le parti socialiste dont le dirigeant, Tomiichi Murayama, était Premier ministre. Tout au long de la période d'après-guerre, le PLD au pouvoir et son opposition loyale, le PSJ, furent les principaux défenseurs du capitalisme japonais. Leur grande alliance au pouvoir détourna profondément les partisans du parti socialiste, qui subit de nombreuses divisions par la suite et ne put plus jouer de rôle politique important. Le PLD avança à tâtons d'une crise à l'autre, formant une suite de gouvernements faibles de courte durée, traversés de crises internes et incapables de mener à bien les restructurations économiques demandées par les grandes entreprises.

Le mandat du Premier ministre Juichiro Koizumi de 2001 à 2006 semble être une exception. Mais le succès politique de Koizumi reposait entièrement sur sa capacité à apparaître comme un "rebelle" contre la hiérarchie de son parti. Le PLD n'a fait confiance à Koizumi, qui a toujours été considéré dans le parti comme un inadapté excentrique, qu'au moment précis où il était confronté au risque de disparaître de l'arène politique. Koizumi exploita son image populiste pour faire passer une série de mesures de droite – la promotion du militarisme japonais, le soutien inconditionnel à la "guerre contre le terrorisme" de Bush, et des restructurations économiques supplémentaires. Après que des membres du PLD ont fait capoter son projet de privatisation postale en 2005, il a fait exclure les rebelles et a appelé à une élection anticipée – une première dans la politique japonaise. En se concentrant sur la privatisation de la poste, il a réussi à faire que les autres questions ne soient pas abordées – y compris la large opposition populaire à la guerre en Irak.

Mais l'impact des grandes restructurations libérales de Koizumi est vite apparu avec clarté, ce qui a entraîné un débat public sur les "gagnants" et les "perdants" de l'économie. Lorsqu'il a démissionné en 2006, sa popularité était déjà en forte baisse. Aucun de ses successeurs au poste de Premier ministre – Shinzo Abe, Yasudo Fukuda ou Taro Aso – n'a été en mesure de reproduire la mystification de Koizumi pour gagner de la confiance. La crise économique mondiale de l'année passée a fait ressurgir des ressentiments et une hostilité profonds, non seulement contre les démocrates libéraux, mais contre tout l'establishment politique japonais, au sujet de la dégradation du niveau de vie, des inégalités sociales grandissantes et du retour du militarisme.

Le déclin du PLD rouvre toutes les questions politiques et sociales irrésolues qui avaient éclaté après la seconde guerre mondiale avant d'être étouffées par le carcan de la politique d'après-guerre. La classe dirigeante va maintenant être obligée de se servir du Pari démocrate, un amalgame réalisé à la hâte entre des factions issues du PLD et du parti socialiste pour réaliser son programme – ce processus entraînera inévitablement le nouveau gouvernement vers une collision avec la classe ouvrière. Si l'histoire peut servir de guide, alors ces luttes prendront un tour révolutionnaire, et assez rapidement. Pour se préparer à ces convulsions, nous conseillons vivement aux travailleurs et aux jeunes d'étudier sérieusement l'histoire et le programme du mouvement trotskyste mondial, ce serait le premier pas vers la construction d'une section japonaise du Comité international de la Quatrième Internationale.

(Article original paru le 9 septembre 2009)

 


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