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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le gouvernement espagnol se prépare à utiliser l’armée contre les contrôleurs aériens

Par Paul Stuart
21 août 2010

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Les contrôleurs aériens de l'AENA (Aeropuertos Españoles y Navegación) ont voté à 98 pour cent en faveur d'une action contre l'attaque féroce lancée contre eux par le gouvernement du premier ministre José Luis Zapatero du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE).

Cependant, avant même le vote, le syndicat des contrôleurs aériens, l'USCA, cherche déjà à restreindre la lutte à une série de grèves symboliques et à fournir à l'AENA des préavis de 10 jours pour celles-ci.

En février, le gouvernement a imposé par décret une réduction de salaires de 40 pour cent aux contrôleurs. D'après la presse, il impose maintenant une augmentation du temps de travail annuel, passant de 1000 à 1600 heures et, en dépit d'une augmentation du taux d'employés malades, une réduction des périodes de repos.

Récemment, les représentants du gouvernement ont accusé les contrôleurs en arrêt maladie d'organiser une grève illégale. Le ministre du développement José Blanco a menacé de licencier une équipe, en arrêt maladie pour cause de stress et d'épuisement sévères, qui refusait de retourner au travail après qu'il ait ordonné de nouveaux examens médicaux impromptus. Blanco a menacé, «si leurs affirmations sont fausses alors ils enfreignent la loi, ce qui signifie que nous pouvons prendre des mesures juridiques qui risquent d'entraîner la perte de leur emploi.» D'après l'USCA, des travailleurs ayant des problèmes médicaux sérieux sont mis sous pression et ramenés au travail par l'AENA, certains d'entre eux étant sous tranquillisants.

Sur ordre de l'Union européenne (UE), le PSOE est engagé dans une série de provocations contre les contrôleurs aériens pour écraser l'opposition aux restructurations et aux privatisations. Avec une hypocrisie sans bornes, il utilise les faibles salaires imposés au reste de la population pour réduire les salaires des contrôleurs. Blanco a affirmé qu'il était «intolérable pour le gouvernement de payer des salaires de millionnaires à des employés publics tout en imposant l'austérité au reste de la population espagnole.»

Anticipant une grève, Blanco fait entraîner du personnel militaire pour remplacer les équipes de contrôleurs civils au cours d'un exercice d'urgence. Il n'a pas indiqué le moment où ils seraient disponibles, mais a dit qu’ils seraient « vus ». D'après un article, Mariano Casado, qui dirige le syndicat représentant les contrôleurs militaires espagnols, a déjà promis que ceux-ci allaient servir de briseurs de grève, déclarant que l'armée « a les capacités » de gérer l'aviation civile mais avait besoin de temps pour s'adapter.

Blanco négocie actuellement avec le ministre de la défense pour préparer les conditions du déploiement des personnels de l'armée de l'air dans des tours de contrôle civiles en utilisant la Loi de 2003 sur la sécurité aérienne créée par le gouvernement de José Maria Aznar, du conservateur Parti populaire (PP). Blanco a déclaré, « Dans les situations exceptionnelles, nous allons employer des contrôleurs aériens militaires pour garantir le trafic aérien dans notre pays. »

Ce n'est pas une menace isolée. Le mois dernier, le gouvernement du PP de Madrid a menacé de déployer des troupes pour maintenir les services du métro après une grève des travailleurs contre une réduction de 5 pour cent des salaires et au cours de laquelle ceux-ci avaient voté contre les accords de service minimum entre le syndicat et la direction du métro. Ignacio Gonzalez, vice-président du Parti populaire (l’héritier politique du dictateur militaire Francisco Franco) qui dirige le gouvernement de la région de Madrid, les a menacés en déclarant qu'il « ne rejetait pas l'option » d'une prise de contrôle par l'armée du métro madrilène.

Cette menace est sans précédent dans l'Espagne post-fasciste et n'aurait pas pu être faite sans consulter en premier lieu les ministres sociaux-démocrates. Cela aurait signifié le déploiement de dizaines de milliers de soldats dans toute la capitale. Devant la menace d'une intervention militaire dans le métro les syndicats ont immédiatement appelé à la fin de la grève, entamés des négociations et imposés la réduction de 5 pour cent de manière détournée. C'est le second gouvernement social-démocrate en Europe à s'en remettre à l'armée pour imposer l'austérité. En Grèce, le gouvernement du PASOK a récemment déployé des troupes et des équipes anti-émeutes contre les camionneurs.

C’est là le dernier assaut dans une longue bataille contre les contrôleurs aériens, qu'un ministre a décrits comme ayant « des privilèges incompréhensibles ». Après que leurs salaires aient été réduits de 40 pour cent, Blanco les a critiqué disant, « Ils ne peuvent pas dire qu'ils sont mal payés alors que beaucoup gagnent deux fois et demi plus que le docteur qui a signé leur feuille de maladie. » Il a ajouté avec une haine de classe évidente, « L'an dernier ils ont reçu un salaire triple pour les heures supplémentaires, ce qui semblait alléger aussi bien leur stress que leur anxiété. »

Ceci est dit par un gouvernement qui a transféré des milliards d'euros vers une petite couche d'aristocrates de la finance tout en appauvrissant la classe ouvrière. Ce que Blanco n'a pas expliqué c'est qu’on avait offert aux contrôleurs des heures supplémentaires payées triples pour les inciter à faire 600 heures de plus par an, afin de garantir le service aérien durant la saison touristique très chargée. Les contrôleurs commencent maintenant à en ressentir les conséquences. Les représentants syndicaux ont indiqué que les contrôleurs avaient, pour beaucoup d'entre eux, travaillé en continu 28 jours durant.

Le taux de maladie commençant à causer de petits retards dans les services aériens, Blanco avait lancé une attaque publique accusant les travailleurs de lancer une grève « illégale » avec les arrêts maladie, qui aurait fait partie d'une « campagne orchestrée » pour perturber le trafic aérien. Il a imputé leurs taux de maladie en augmentation à des faiblesses psychologiques plutôt qu'à l'augmentation de leur charge de travail. Il a déclaré, « La plupart des cas ont été imputés au stress et à l'anxiété […] ce qui n'est pas compatible avec ce secteur d'activité. Pour être un contrôleur aérien il ne suffit pas d'avoir un bon niveau d'anglais, il faut aussi être psychologiquement fort. »

Le ministère de Blanco est en train de créer une nouvelle série de tests pour vérifier les capacités psychologiques du personnel, un mécanisme qui sert de toute évidence à l'intimidation et aux licenciements massifs. Blanco s'est également penché sur des règlements de santé qui devraient empêcher les travailleurs d'appeler pour dire qu'ils sont malades juste avant de commencer leur service, menaçant de les renvoyer s'ils le font à l'avenir.

Pour l'ANEA et les sociaux-démocrates, la répression est le seul plan de « secours » pour un événement aussi banal. Blanco a immédiatement demandé que le gouvernement accélère la privatisation du contrôle aérien et si nécessaire qu’il l'impose par décret. Le gouvernement a passé un décret le 23 juillet qui donne aux opérateurs privés le cadre légal pour se porter candidats à l’obtention des contrats de gestion des aéroports espagnols.

Les menaces d'intervention militaire contre les luttes des travailleurs représentent les premières tentatives de déploiement de l'armée depuis la fin de la dictature de franco et la tentative de coup d'état de 1981, lorsque les ministres PSOE étaient visés par d'ex-officiers fascistes. À l'époque, Felipe Gonzalez, qui est devenu Premier ministre du PSOE en 1982, avait été expulsé sous la menace des fusils avec le dirigeant du Parti communiste Santiago Carrillo.

Pourtant, et c'est crucial, la nouvelle menace de la réimposition du contrôle militaire contre la classe ouvrière ne vient pas des ex-fascistes mais du PSOE lui-même.

Les syndicats jouent leur rôle dans un effort concerté pour conditionner la population à considérer les troupes déployées contre la classe ouvrière comme un fait normal. Ils le font en détournant l'attention des travailleurs vers des questions secondaires, comme celle des conséquences pour la santé et la sécurité de l'usage de contrôleurs militaires; ils font ainsi diversion vis-à-vis des implications graves contenues dans le fait qu’un gouvernement social-démocrate se prépare à déployer l’armée contre la classe ouvrière.

Cela a été résumé dans la réponse de Gustavo Barba, dirigeant du syndicat des pilotes COPAC, qui a déclaré que l'usage des contrôleurs militaires n'aurait pas « les mêmes capacités et le même niveau de sécurité. »

L'USCA, au lieu de se retirer des négociations pour protester, a intensifié les négociations avec l'AENA. Le président de l'USCA, Camillo Cesa, a minimisé les implications du déploiement imminent de personnel militaire, déclarant, « Nous pensons que cette décision est précipitée parce que [l'armée] n'a pas le même niveau d'entraînement que nous, et qu'il y a des différences nettes entre leur travail et le nôtre. »

Les remarques de Cesa avaient le sens d’un appel au PSOE pour que celui-ci donne du temps et de l’espace à la direction syndicale pour obtenir une défaite de la lutte et l’imposition d’un accord qui lui convienne. Cesa a déclaré que plus de la moitié d'un nouvel accord quant au « cadre » établi par le gouvernement et l'UE avait déjà été validé pat l'AENA.

Les syndicats et le gouvernement sont assistés en cela par Izquierda Unida (IU, Gauche unie). L'IU a été fondée par le Parti communiste espagnol en 1986 en tant que partie de ses efforts pour préserver l'emprise politique du PSOE et de la bureaucratie syndicale sur la classe ouvrière. Tout en prononçant à l'occasion quelques phrases opposées au PSOE, l’IU reste hostile à toute lutte politique contre le gouvernement.

Le site Web de l'IU a maintenu un silence presque complet sur la menace du PSOE de déployer l’armée. Il n'y a eu aucune déclaration incitant à s'y opposer de la part des syndicalistes importants de l'IU présents dans le syndicat Comisiones Obreras (CC.OO, Commissions ouvrières) ou dans celui de la Unión General del Trabajo (UGT, Syndicat général des travailleurs), proche du PSOE.

Durant un débat au parlement, le député IU Gaspar Llamazares a eu l'occasion de demander une offensive de la classe ouvrière contre le gouvernement PSOE et l'élite financière qu'il sert. Au lieu  de cela, il a cherché à instiller la prostration politique et l’approbation, se contentant de dire, « cela me fait peur parce qu'un jour le pouvoir des décrets pourra être utilisé conte moi, ou le reste des travailleurs du pays. »

(Article original paru le 10 août 2010)

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