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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La refondation de la Gauche unie espagnole : un virage vers les banques

Par Paul Stuart et Alex Lantier
4 août 2010

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Le 26 juin, l'Izquierda Unida espagnole (IU, Gauche unie) - une coalition de partis de la classe moyenne comprenant des groupes régionalistes et écologiques et dominée par le Partido Comunista de España stalinien (PCE) - a tenu son congrès de refondation à Madrid. L'IU avait axé son congrès sur un document, « Appel à la Gauche » et sur les interventions de personnalités influentes du parti, dont le coordinateur général de l'IU Cayo Lara.

La chose a été une énorme duperie politique. L'IU ne « refondait » pas sa politique mais réaffirmait son soutien de longue date au Partido Socialista Obrero Español (PSOE) actuellement au pouvoir - et ce, en dépit de la politique d'austérité et de guerre du premier ministre PSOE José Luis Rodríguez Zapatero. La conséquence en est toutefois un virage brutal vers la droite l'IU s'apprêtant à défendre les attaques massives à l'encontre de la classe ouvrière projetées par les classes dirigeantes espagnole et européenne.

La principale question à résoudre au congrès était de savoir comment l'IU chercherait à désarmer politiquement la classe ouvrière et utiliserait les positions qu'elle occupe au sein de la bureaucratie syndicale pour empêcher que les grèves ne se développent en lutte politique contre Zapatero.

L'IU avait invité comme hôtes d'honneur à son meeting de pré-congrès une multitude de partis staliniens issus de toute l'Europe. Le premier à venir a été Rifondazione Comunista d'Italie qui contribua à dévier la vaste opposition au gouvernement Berlusconi en 2006 pour l'aligner derrière la candidature bourgeoise de « centre-gauche » de Romano Prodi. Avec le soutien de Rifondazione, notamment lors d'un vote de confiance en 2007 pour le soutien de son gouvernement, Prodi réduisit les retraites des travailleurs et poursuivit la participation de l'Italie à l'occupation de l'Afghanistan, à laquelle participe également l'Espagne.

D'autres appuis de l'establishment politique européen, dont le Parti communiste français et le parti allemand La Gauche (Die Linke), étaient également présents au congrès.

Par ses mots d'introduction, Lara présenta son organisation comme l'alliée du PSOE. Il a dit : « Ce qui est nécessaire c'est un changement de politique pour trouver une solution sociale à la crise et le gouvernement PSOE doit le chercher dans la gauche qui existe au parlement pour qu'elle le soutienne. » Lara a clairement indiqué que ceci avait été une politique de longue date de l'IU, remarquant que l'ancien dirigeant de l'IU, Gaspar Llamazares avait « déjà à plusieurs reprises fait cette proposition au PSOE. »

Lara a loué les syndicats - qui ont joué un rôle clé dans les négociations et la concertation des coupes sociales avec Zapatero - en les qualifiant de « plus forts bastions de la résistance en dépit de l'agressivité du capital et de la politique gouvernementale. »

En dépit de ses louanges pour l'establishment de « gauche » de l'Espagne, Lara était parfaitement conscient du mécontentement grandissant au sein de la classe ouvrière. Se disant lui-même « conscient de la faiblesse politique de cette gauche », il précisa « qu'il était temps pour une transfusion de la base sociale désenchantée avec la politique du PSOE dans cette force politique de la gauche. »

Cette perspective est foncièrement déshonnête. Après avoir reconnu que la politique de Zapatero représentait une « agression » contre la classe ouvrière, Lara propose d'enfermer les électeurs hostiles à cette politique dans l'IU - une organisation qui cherche à aider et à conseiller Zapatero ! Une telle malhonnêteté en soi a cependant une signification objective : elle correspond aux besoins de la bourgeoisie d'instaurer une barrière pour empêcher que la classe ouvrière ne rompe avec la social-démocratie et n'adopte une politique socialiste révolutionnaire.

Après le discours de Lara, on donna la parole aux mêmes bureaucrates syndicaux qui sont en train de négocier la baisse des retraites avec Zapatero et d'édulcorer la législation du travail: Ramon Gorriz de la Confédération syndicale des Commissions ouvrières (Comisiones Obreras, CCOO) alignées sur le PCE et Toni Ferrer du syndicat majoritaire (Unión General del Trabajo, UGT) lié au PSOE.

L'assertion implicite de Lara - que les syndicats et l'IU pourraient persuader le PSOE d'appliquer une politique ne nuisant pas à la classe ouvrière - est fausse. La politique de l'ensemble de l'establishment politique est élaborée dans l'intérêt des principales banques et institutions financières mondiales qui exigent une destruction de l'Etat social dans l'ensemble du monde développé. C'est là la signification de la décision du sommet économique du G20 en juin de réclamer des réductions budgétaires draconiennes après que les gouvernements aient accepté en mai un plan de secours de 750 milliards.

Cette politique a particulièrement durement touché l'Espagne au moment où elle doit faire face à l'éclatement d'une bulle immobilière massive. Le pays est déjà confronté à un taux de chômage de plus de 20 pour cent, le deuxième en Europe. Le niveau de chômage le plus élevé d'Europe, évalué à 23 pour cent, se trouve en Lettonie ; celui-ci a triplé depuis la réalisation ces deux dernières années d'un programme de coupes budgétaires imposé par le Fonds monétaire international.

De larges masses de travailleurs considèrent à présent le PSOE comme un instrument évident de l'aristocratie financière. Tout comme ses homologues sociaux-démocrates en Grèce et au Portugal, le PSOE a imposé des coupes massives : une réduction de 5 pour cent des salaires des travailleurs de la fonction publique, un allongement de deux ans de l'âge de départ à la retraite et une détérioration de la sécurité de l'emploi revenant aux travailleurs en vertu du code du travail. De telles mesures avaient permis au PSOE de procéder en juin à des coupes totalisant 15 milliards d'euros. Toutefois, afin d'atteindre les objectifs de réduction budgétaire fixés par l'Union européenne, l'Espagne devra réduire ses dépenses de quelque 80 milliards d'euros.

La défense de la politique du PSOE par l'IU est un signal évident qu'au milieu du réalignement général de la politique européenne et mondiale ayant lieu en ce moment, l'IU défendra fermement les intérêts de l'Etat. C'est là tout particulièrement le signal envoyé par le document du congrès de l'IU, l'« Appel à la Gauche. »

Ce document met en garde contre le mécontentement grandissant à l'égard de l'ensemble de l'establishment politique : « C'est l'une des pires conséquences de l'assujettissement intolérable de la social-démocratie aux dictats des marchés : le désillusionnement de la population à l'égard du rôle de la politique et la perte de légitimité de cette démocratie. »

L'IU propose d'en appeler à la bureaucratie de l'Union européenne, précisément l'une des principales forces à imposer les réductions à l'encontre de la classe ouvrière. L'IU écrit, « Si l'Union européenne ne fait rien pour enrayer la spéculation, qui le fera ? » En avertissant que la « perte de confiance dans une solution politique européenne de la crise est un défi majeur pour la Gauche européenne, » elle conclut : « Nous avons besoin d'une Union européenne sociale, sans quoi le fonctionnement de l'économie, la stabilité politique et les perspectives d'avenir finiront par être un jeu que tout le monde perdra. »

En remarquant qu'il y a « une crise éthique, politique et démocratique en Espagne, » l'IU écrit : « Démocratie ou plutocratie - l'alternative se pose en ces termes. » La distinction faite ici par l'IU est tout à fait fausse. Le soi-disant régime « démocratique » de Zapatero s'est révélé être lui-même un laquais de la plutocratie en adoptant servilement les coupes massives exigées par les banques.

Ce que cette formule exclut, c'est la seule voie viable : la lutte indépendante de la classe ouvrière pour le socialisme et le renversement du capitalisme. Cet oubli n'est évidemment pas un hasard, il vient de l'hostilité historique du PCE au socialisme.

Il y a une signification profonde de la défense par l'IU de la démocratie bourgeoise espagnole : c'est un régime dans la construction duquel le PCE et l'IU avaient été profondément impliqués. La crise de légitimité du gouvernement Zapatero est une condamnation politique directe de la politique du PCE même.

Lorsque le général Francisco Franco, le dictateur fasciste, est mort en 1975 en pleine vague de grèves et de protestations, le PCE avait réprimé des revendications en faveur d'un règlement de compte avec les fascistes et d'une exposition de l'OTAN pour ses alliances avec Franco après la Deuxième guerre mondiale. Au lieu de cela, il participa aux pourparlers secrets avec le PSOE et la Phalange fasciste pour aboutir au Pacte de la Moncloa et à la « transition » à la démocratie bourgeoise. Un pacte du silence sur les crimes du franquisme fut conclu: pas un seul fasciste n'a jamais été poursuivi en justice.

Lorsque la classe ouvrière réagissait à la politique de libre marché du premier ministre PSOE Felipe González - élu en 1982 - par une grève générale en 1988, l'IU avait détourné le mouvement pour l'empêcher de devenir une lutte contre le gouvernement. Le PCE avait créé l'IU en 1986 en plein milieu d'une campagne contre la présence de l'OTAN en Espagne dans l'intention d'empêcher les travailleurs d'exiger un règlement de comptes avec les crimes politiques et historiques du fascisme et en les engageant dans la voie du pacifisme bourgeois.

Depuis lors, l'IU a agi comme un comparse du PSOE et comme une partie intégrante de l'establishment politique. Son soutien étroit du PSOE a fait que son groupe parlementaire a rétréci de 21 sièges en 1996 à seulement deux aujourd'hui. Maintenant que le PSOE s'apprête à appliquer les dictats des banques, l'IU se prépare à le suivre - comme le suggère la conclusion de son document de congrès.

En appelant à la formation d'une « formation politique d'un type nouveau », l'IU écrit : « Cette refondation n'a pas pour objectif la simple survie d'un espace politique donné. Bien au contraire. L'objectif central de la refondation de l'IU est de la transformer en une organisation faisant des propositions utiles et viables pour une transformation sociale. »

Ceci ne fait que soulever la question : quelle transformation sociale « viable » peut-il bien exister sur la base d'une subordination politique à la social-démocratie et à l'Union européenne ? Aucune. Les économies énormes faites au moyen de coupes sociales feront des ravages dans la classe ouvrière.

L'IU ajoute que ce virage est « déjà irréversible. Au sein de l'Izquierda Unida nous sommes totalement engagés à le mener à bien. » L'IU explique que le but est de « construire une organisation dans laquelle nous devons coexister et travailler ensemble avec les divers secteurs de la gauche anticapitaliste : les écologistes, les communistes, les socialistes, les républicains et les nationalistes de gauche. »

Le fait que l'IU se sente obligée d'abandonner tout vestige d'une loyauté purement verbale qu'elle pouvait encore avoir envers le socialisme au moment où elle s'oriente sans retenue vers le PSOE et la bureaucratie de l'Union européenne est un indice du virage à droite massif qu'elle est sur le point de réaliser. Bien qu'elle cherche à embrouiller la population avec une étiquette politiquement androgyne d'« anticapitaliste », elle se révélera être totalement hostile à la classe ouvrière.

(Article original paru le 27 juillet 2010)

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