Jeudi 19, dans une attaque délibérément médiatisée contre la communauté Rom,
le gouvernement français a déporté 93 Roms vers la Roumanie, leur pays
d'origine, sur deux vols au départ de Paris et de Lyon. Un vol
supplémentaire avec à son bord 100 déportés devait s'envoler vendredi 20 et
un autre encore le 26 août.
Le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux déclare que 700 Roms seront
déportés d'ici la fin du mois d'août. Il s'est vanté mardi 17 de ce que 51
camps de Roms avaient été démantelés au cours des trois dernières semaines
sur les 300 ciblés.
Les autorités font preuve d'une indifférence brutale envers les
souffrances infligées à ces familles qui sont confrontées à la persécution
systématique, à la pauvreté, au chômage et au manque d'accès aux services
sociaux. Lors d'une action qui a provoqué l'indignation de beaucoup, les
policiers, expulsant des familles Roms d'un squat de la banlieue parisienne
de Montreuil, ont séparé les hommes des femmes. Ils ont ensuite menacé de
retirer aux femmes leurs enfants si elles résistaient.
Le président Nicolas Sarkozy et ses ministres utilisent les émeutes
provoquées par la mort d'un jeune Rom, Luigi Dequenet, entre les mains de la
police lors d'un contrôle le 17 juillet dans le village de Saint-Aignan,
pour attiser le racisme et accroître la répression anti-Rom.
Tandis qu'il prend des mesures pour déporter un grand nombre de Roms,
Sarkozy met en place davantage d'attaques contre les droits des immigrés,
ouvrant ainsi la voie à la violence policière massive.
Le 30 juillet dans son discours à Grenoble, Sarkozy a exigé que le
gouvernement ait le droit de déchoir de la nationalité française les
immigrés condamnés à des peines. Ceci va à l'encontre des lois de la
constitution et de la législation européenne garantissant l'égalité des
droits de citoyenneté, quelles que soient les origines ethniques. Le
prétexte pour ce discours était la mort entre les mains de la police de
Karim Boudouda près de Grenoble, la veille de la mort de Dequenet.
En accordant son soutien entier à ces décès entre les mains de la police
et à l'utilisation par la suite de balles réelles contre les manifestations
à Grenoble, le gouvernement lance un message on ne peut plus clair aux
forces de police signalant qu'ils peuvent tirer à volonté sur la population.
Sarkozy joue entièrement la carte du racisme et du tout sécuritaire
cherchant désespérément à modeler un consensus national branlant pour la
politique droitière qu'il a adoptée, notamment suite à la crise financière.
Il est profondément impopulaire du fait des coupes sociales répétées contre
la classe ouvrière, et compromis par des allégations selon lesquelles son
parti a accepté des fonds de la milliardaire Liliane Bettencourt, l'aidant
en contrepartie à frauder le fisc. Ses principales initiatives de politique
étrangère, notamment la guerre en Afghanistan, sont également massivement
impopulaires.
En France et à l'étranger, la presse fait largement remarquer que ces
mesures servent à détourner l'attention de la politique impopulaire de
Sarkozy. Le magazine d'information allemand Der Spiegel écrit:
« Paris semble déterminé à utiliser ces expulsions comme un outil politique.
Des commentaires du type de ceux faits par Hortefeux et Estrosi [le ministre
de l'industrie] sont bien utiles pour faire les gros titres des journaux. »
Estrosi a demandé que les parents de jeunes délinquants se voient infliger
30 000€ d'amende et des peines de prison de deux ans.
Des ministres ont attaqué les Roms, usant de calomnies racistes.
L'association de soutien aux immigrés, France terre d'asile fait remarquer
que les déclarations d'Hortefeux selon lesquelles les camps de Roms sont
« sources de trafics illicites, d'exploitation des enfants à des
fins de mendicité, de prostitution ou de délinquance, » ne sont pas
« étay[és] par des faits chiffrés ou des exemples. » Et ajoute, « Ces faits
restent marginaux. »
« On fait des Roms des boucs émissaires, » a dit Maria Ochoa Llido, chef
du service des migrations et des Roms au Conseil de l'Europe. Elle a dit que
le vrai problème est que la France n'a pas réussi à mettre en place sa
propre loi exigeant que les municipalités de 5 000 habitants ou plus mettent
à la disposition des gens du voyage des aires d'accueil équipées.
Contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays européens, les Roms
n'auront pas le droit de travailler en France avant 2014.
Cette propagande anti-Rom hystérique est utilisée pour accélérer les
opérations policières en cours. L'année dernière, 10 000 Roms ont été
déportés vers la Roumanie ou la Bulgarie sur 44 vols, dont 30 pour cent
étaient des rapatriements forcés selon le ministère. Les deux vols de jeudi
en partance pour la Roumanie étaient les 25e et 26e de l'année. En 2009,
près de 11 000 ont été rapatriés, « soit une augmentation de plus de 20 pour
cent par rapport à 2008, » selon l'Office français de l'immigration et de
l'intégration.
Le gouvernement prétend que ces déportations, avec prise en charge du vol
par l'Etat et 300€ accordé à chaque adulte et 100 € par enfant, sont
volontaires. Ceci est contesté par les avocats des Roms. Selon Associated
Press, ils ont dit « Les rapatriements étaient loin d'être volontaires, et
que ceux qui refuseraient l'offre se retrouveraient en centre de rétention
et seraient finalement rapatriés sans aide au retour. »
Le Conseil de l'Europe estime que deux tiers des Roms qui ont été
renvoyés à Bucarest avec des incitations financières reviennent en France.
Le gouvernement a annoncé le lancement le 1er septembre d'une base de
données biométriques, appelée Oscar, pour conserver les empreintes digitales
des gens soumis à « l'aide au retour. » Les autorités les empêcheront ainsi
de percevoir d'autres aides au retour.
Les Roms, en qualité de ressortissants de pays de l'Union européenne
(UE), ont le droit de circuler au sein de l'UE. Mais la loi française exige
qu'ils soient en possession d'un permis de travail ce qui leur est quasiment
impossible à obtenir et qu'ils prouvent qu'ils ont les moyens de subvenir à
leurs besoins s'ils envisagent de rester plus de trois mois dans le pays.
Il y a entre 10 à 12 millions de Roms, citoyens de pays européens et
d'ailleurs. Un bon nombre d'entre eux sont confrontés à la discrimination et
à un taux de chômage élevé; ceux qui sont expulsés de France ne s'attendent
pas à trouver de travail en Roumanie ou en Bulgarie.
Les Roms vivent en France depuis le 15e siècle. Avec l'abolition de
l'esclavage Rom au 19e siècle en Moldavie, Valachie et Transylvanie, la
diaspora Rom s'est étendue dans toute l'Europe. En France, il y a 400 000
Roms, pour la plupart de nationalité française, et qui sont sédentarisés et
ont un métier. Il y en a aussi beaucoup qui sont des commerçants itinérants
qui dépendent des camps spécialement mis à leur disposition. Néanmoins du
fait d'un manque de sites, ils doivent souvent monter leur camp sur des
sites non autorisés.
Entre 12 et 15 000 Roms, citoyens de Roumanie et de Bulgarie, sont venus
légalement en France depuis que leurs pays ont rejoint l'Union européenne en
2007. Selon la BBC, 10 autres pays de l'UE dont l'Allemagne, l'Italie, le
Danemark et la Suède, qui accueillaient aussi des Roms, adoptent également
une politique de déportation. Des mesures transitoires adoptées par une
dizaine d'Etats, dont la France, limitent l'accès au travail et la durée de
séjour des immigrés roumains et bulgares jusqu'au 12 décembre 2013, date où
ces restrictions prendront fin.
Les communautés Roms de Bulgarie et de Roumanie comptent respectivement
quelque 750 000 et deux millions de personnes, dont une minuscule proportion
a émigré dans d'autres pays de l'UE depuis qu'ils ont rejoint l'Union
européenne. Le Monde affirme qu'il y en a 22 000 en Belgique et
probablement davantage en Italie et en Allemagne.
Il n'y a aucune opposition sérieuse de la part du Parti socialiste,
d'autres forces de la « gauche » bourgeoise ou des syndicats face à ce
sinistre virage pris par le gouvernement qui développe une politique
proto-fasciste.
Les partis socialiste et communiste, bien qu'ils critiquent l'affirmation
de Sarkozy selon laquelle les immigrés sont la cause de la criminalité,
l'attaquent par la droite l'accusant de ne pas réprimer les jeunes et les
ghettos avec la vigueur nécessaire. Martine Aubry, maire de Lille et
première secrétaire du PS, s'est félicitée pour les 4 000caméras de
surveillance qu'elle a fait installer dans sa ville comme preuve de son
attachement au tout sécuritaire.