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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La presse européenne et les révélations de WikiLeaks

Par Stefan Steinberg
19 août 2010

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Deux semaines et demie après la publication de 92.000 documents par le site WikiLeaks, une chape de plomb a été placée par la presse européenne sur les détails des documents révélant l’occupation brutale de l’Afghanistan par l’OTAN.

L’hebdomadaire allemand Der Spiegel (bénéficiaire avec le Guardian et le New York Times d’un accès privilégié aux documents de WikiLeaks) avait fait figurer au premier plan les dossiers classifiés en exposant en particulier la collaboration des troupes d’élite allemandes avec les escadrons militaires visant des insurgés présumés pour des assassinats ciblés.

Dans sa dernière édition cependant, Der Spiegel avait en grande partie laissé tomber cette question en ne se référant qu’une seule fois à WikiLeaks dans un article de deux paragraphes et traitant des efforts des Etats-Unis pour améliorer leurs relations avec le Pakistan.

Le silence absolu ou presque de Der Spiegel est sans aucun doute lié à une offensive lancée par le gouvernement allemand pour mettre en question le matériel de WikiLeaks. La semaine passée, le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, avait pris la parole en public pour approuver la collaboration de l’armée allemande dans les assassinats ciblés et pour affirmer que de tels assassinats étaient juridiquement validés.

Nombre d’autres organes de presse en Allemagne et partout en Europe ont choisi de minimiser la portée des documents de WikiLeaks. La suppression d’articles traitant de ces documents fait suite à une série d’articles tant dans les journaux de droite que dans les journaux libéraux qui se faisaient l’écho de la presse américaine. Dans ces articles, l’importance des documents étaient minimisées par l’affirmation qu’ils ne contenaient pas grand-chose de nouveau en fait d’information. Dans le même temps, certains articles s’en prenaient à la crédibilité de l’éditeur et fondateur de WikiLeaks, Julian Assange.

A présent, des politiciens de tous bords se réfèrent aux critiques des médias contre WikiLeaks. Ils profitent de la suppression totale de ses divulgations sur les atrocités commises par les forces OTAN-USA pour renforcer leur engagement à la guerre en Afghanistan et au Pakistan. La condition qu’ils mettent à cet engagement est toutefois que les gouvernements européens aient leur mot à dire dans la conduite des opérations militaires.

Un document récemment divulgué par WikiLeaks et qui n’a littéralement pas été couvert dans la presse européenne est le rapport de la CIA intitulé « Pourquoi compter sur l’apathie pourrait ne pas être suffisant. » Ce rapport avait été rédigé dans le but défini de « renforcer le soutien en Europe de l’Ouest à la guerre en Afghanistan. »

Ce document, daté du 11 mars de cette année, reconnaît qu’une vaste majorité de gens en France et en Allemagne (80 pour cent dans les deux pays) est opposée à toute intensification de la guerre. Il met en garde que « si certaines des prévisions d’un été sanglant en Afghanistan se confirmaient, l’hostilité passive en France et en Allemagne contre la présence de leurs troupes en Afghanistan pourrait se transformer en une hostilité active et politiquement efficace. »

Remarquant que le facteur principal dans la chute du gouvernement néerlandais au début de l’année avait été la répudiation de sa promesse de retrait des troupes néerlandaises d’Afghanistan, le rapport de la CIA suggère que les autres gouvernements européens, notamment la France et l’Allemagne, pourraient subir le même sort en « ne voulant pas payer le prix politique d’une augmentation du contingent ou d’une extension des déploiements. »

Comme antidote, le rapport recommande une « communication offensive. » Dans le cas de la France, la CIA conseille de mettre l’accent sur le fait que « les Talibans renversent les progrès durement acquis en matière d’éducation des jeunes filles. » Pour contrecarrer « le pessimisme allemand » à l’égard de la mission de l’OTAN, le rapport suggère que « des messages dépeignant comment une défaite en Afghanistan pourrait exposer plus fortement l’Allemagne au terrorisme, au trafic de l’opium et aux réfugiés pourraient rendre la guerre plus acceptable aux sceptiques. »

Après la divulgation par WikiLeaks, des sections de la presse européenne ont justement initié une telle « communication offensive. » En écrivant dans Die Welt le 29 juillet, le correspondant politique en chef de ce journal, Ansgar Graw, a reconnu la « note pessimiste » des documents de WikiLeaks. Mais, a-t-il commenté en mettant en avant l’argument que tout retrait des forces militaires ne servirait qu’à « accroître la détermination à lutter des extrémistes et des terroristes. »

Un retrait des troupes serait « un coup porté non seulement contre le président et les Etats-Unis mais contre l’Occident en général, » a écrit Graw. Au lieu de cela, ce qui est nécessaire a-t-il poursuivi, « c’est une dernière manifestation de force de la part de tous les Etats membres de l’OTAN participant à la FIAS [Force internationale d’assistance à la sécurité, ISAF] » et basée sur « un renforcement militaire et financier de l’engagement allant jusqu’en 2015 et au-delà. »

Graw a de plus plaidé en faveur d’une nouvelle stratégie destinée à établir de nouveaux centres de pouvoir dans les provinces, basés sur des concessions faites aux dirigeants talibans. Cette stratégie qui est de plus en plus favorisée par les gouvernements de Paris et de Berlin affaiblirait l’autorité exercée par le commandement militaire américain sur les forces européennes.

Après un bain de sang de presque neuf années et des dizaines de milliers de morts afghans, il est clair que la « dernière manifestation de force» préconisée par Graw, en plus des « assassinats ciblés » acceptés par le ministre allemand des Affaires étrangères, signifient une considérable intensification de la mort et de la destruction en Afghanistan.

En France, le « journal de référence » Le Monde a publié mardi un article soulignant les critiques formulées contre les documents de WikiLeaks par un nombre d’organisations des droits de l’Homme dont Amnesty International. En répétant la ligne du Pentagone, ces organisations affirment que le matériel de WikiLeaks met en danger les informateurs et les collaborateurs des forces d’occupation.

La seule voix significative contre le déploiement français est celle de l’ancien ministre de la Défense Paul Quilès qui a déclaré au Monde que l’opinion publique sait à présent que l’opération de l’OTAN en Afghanistan n’est pas « une guerre contre le terrorisme. » En citant l’ancien président Charles de Gaulle, Quilès a souligné le besoin d’une politique étrangère française indépendante.

Dans ses propres éditoriaux, Le Monde explique qu’il n’y a pas d’alternative à l’opération de l’OTAN en Afghanistan tout en pressant les députés de mieux justifier la guerre.

Ceux qui sont derrière le site WikiLeaks avaient sans aucun doute espéré que la divulgation des crimes de guerre OTAN-USA en Afghanistan déclencherait un débat public honnête et ouvert à tous en renforçant entre autres les forces plaidant en faveur d’une fin de la guerre et de l’occupation OTAN-USA.

Finalement, le manque de toute opposition véritablement démocratique aux crimes de guerre impérialistes dans la presse traditionnelle des deux côtés de l’Atlantique a créé des conditions où les défenseurs les plus virulents de la guerre Afpak sont en mesure de monter leur propre offensive pour une nouvelle escalade tout en menant une campagne pour la fermeture du site WikiLeaks.

Le refus de l’ensemble de la presse de l’establishment de défendre WikiLeaks est reflété par une multitude d’organisations ex-radicales qui ont minimisé la révélation des atrocités OTAN-USA en refusant d’organiser une opposition à la guerre en Afghanistan.

Au cours de ces deux dernières semaines, les sites internet tant du Nouveau Parti anticapitaliste en France que du parti La Gauche en Allemagne n’ont publié ni articles sur les divulgations de WikiLeaks ni déclarations pour la défense du site contre la répression d’Etat.

Il existe un sentiment anti-guerre grandissant et général aux Etats-Unis et en Europe mais il ne peut trouver une expression que sur la base d’une mobilisation indépendante de la classe ouvrière contre le militarisme et la guerre. Cette mobilisation doit s’appuyer sur un programme socialiste et internationaliste pour le renversement du système capitaliste de profit, source de la guerre impérialiste.

 (Article original paru le 13 août 2010)

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