Vingt trois travailleurs
d'aéroport espagnols qui avaient fait grève à l'aéroport de
Barcelone le 28 juillet 2006 et occupé les pistes ont été
condamnés à deux ans de prison avec sursis.
Le fait que le
gouvernement PSOE (Parti des travailleurs socialistes) de José Luis
Zapatero ait été en mesure de faire un tel procès et d'assurer
une condamnation constitue un dangereux précédent. Cela représente
une offensive majeure contre les droits démocratiques.
Plus de 400 travailleurs
employés par les services de manutention d'Iberia (transfert de
bagages, livraison de nourriture et nettoyage des avions) avaient
organisé une occupation de 11 heures et paralysé l'aéroport. Ils
protestaient contre la décision de la compagnie de direction de
l'aéroport, Aéroports espagnols et navigation aérienne (AENA) de
les transférer à d'autres compagnies avec la perte de 900 emplois
et l'imposition de nouveaux contrats pour des salaires plus bas. La
direction d'AENA déclarait avoir le droit de transférer les
travailleurs selon un accord signé avec les syndicats en mai 2005.
Au départ, près de 200
travailleurs ont été accusés de sédition suivant la loi
anti-terrorisme passée sous la dictature fasciste de Franco.
L'accusation de sédition implique des actes qu'un gouvernement juge
être de l'ordre d'une insurrection contre l'Etat. Les travailleurs
sont aussi accusés de toute une série de délits d'ordre public
suivant le Code pénal.
Finalement, 25 des
travailleurs et représentants syndicaux se sont retrouvés devant
tribunal. Le juge de la Haute cour de Barcelone, Gerardo Thomas a
récusé les accusations suivant la loi anti-terroriste et condamné
les grévistes pour des délits contre l'ordre public. Sa décision
bat en brèche celle prise deux ans auparavant par la Cour sociale
de Barcelone qui avait déclaré « impropres » les
sanctions prises par Iberia contre 59 travailleurs qui avaient été
suspendus pendant deux mois sans paye.
Thomas
a rejeté toutes les accusations contre les représentants
syndicaux, Omar Minguillon, personnalité en vue de la section des
transports, communications et mer du syndicat général du travail
(UGT) de Catalogne et principal représentant UGT chez Iberia, et
José Luis Gallardo, secrétaire général UGT de la région Baix
Llobregat en Catalogne qui siège au comité
d'entreprise
de la compagnie.
Thomas a accepté les
arguments de plusieurs témoins au procès, dont le directeur de
l'aéroport de Barcelone Fernando Echegaray et des membres du comité
d'entreprise, selon lesquels Minguillon avait passé toute la
journée à essayer de mettre fin à l'occupation.
Dans le cas de Gallardo,
le juge a dit qu'il n'y avait pas « la moindre preuve
permettant de quelque manière que ce soit de lui attribuer la
direction de cette action. » Il a accepté que Gallardo avait
été bousculé et poussé à terre lorsqu'il était intervenu pour
faire cesser la grève. Deux autres travailleurs ont été acquittés
car il n'y avaient pas suffisamment de preuves contre eux.
Les 25 travailleurs
condamnés sont Oscar de la Cruz Rodríguez, Manuel Porras Funes,
Sergio Ojeda Feliz de Vargas, Juan Albero Llobregat Cortés, César
Fernando Gancho Rodríguez, Juan José Nieto Ceriani, Pablo Martin
Álvarez Pagani, Javier Gil Cordero, César Ferrera Hoyero, Luis
Eduardo Duque Gálvez, Joel Freixenet Caballero, Sandra Martín
López, Pablo Arnedo Arnedo, Antonio Campos Cazorla, Santiago Noe
Guaita, Oscar Felipe Montero, Ascensión Martínez Muñoz, Andrés
Vazquez Garcia, Francisco Javier Gallardo Montero, Antonio Morales
Sallent, Carlos Alberto García Vega, Francisco Javier Guijarro
González, Javier Martín López, Julian José Beyret Tomás and
Sara Cano Velázquez.
Le juge Thomas a déclaré
qu'ils étaient coupables d'une « attaque sans précédent
contre l'ordre public dans les aéroports nationaux. » Les
preuves contre eux sont venues de gardes civils et des directeurs de
l'aéroport et de photos et de vidéos prises par les médias et les
caméras de surveillance, que Thomas a déclaré, malgré les
protestations de la défense, être des preuves acceptables.
Comme
l'affaire avait duré quatre ans et qu'aucun des grévistes n'avait
de casier judiciaire, ils sont condamnés avec sursis. Thomas a dit
aussi qu'il ne forcerait pas les grévistes à payer les frais de
l'association des patrons, Fomento del Trabajo, dont la
participation au procès, a-t-il dit, n'était pas
« particulièrement appropriée. »
L'accusation voulait que
les travailleurs soient condamnés à trois ans et les officiels à
quatre ans sous la loi 209/1964. Il s'agit d'une loi parmi un
certain nombre de lois qui n'ont quasiment pas été changées
depuis la dictature de Franco, lorsque le gouvernement PSOE de
Felipé Gonzalez a fait voter un nouveau Code pénal en 1995.
Suivant cette loi, le personnel navigant et d'autres employés,
passagers ou tout autre personne d'accord avec eux qui « se
soulèvent collectivement dans les aéroports ou dans des avions
pour toute raison relative au transport aérien » sont
coupables de sédition et passibles d'emprisonnement. Les dirigeants
de mouvements séditieux sont passibles de sanctions plus lourdes
s'ils sont déclarés coupables.
L'UGT proche du PSOE et
les Comités de travailleurs (CCOO) dominés par le Parti communiste
espagnol ont déclaré les condamnations contre les 23 travailleurs
« injustes » et déclaré qu'ils feraient appel auprès
de la Cour suprême mais il n'y a absolument aucun commentaire sur
les sites Internet des syndicats. Les représentants de CCOO ont dit
qu'ils feraient des déclarations publiques plus
« exhaustives »lorsqu'ils auraient analysé « les
faits plus en profondeur », comme s'ils n'avaient pas eu assez
des quatre ans.
De
larges couches de la classe ouvrières soutiennent les travailleurs
de l'aéroport. Des commentaires des plus sagaces ont été publiés
dans El
Mundo.
« Deux ans de prison
pour des travailleurs qui demandaient de meilleures conditions de
travail, c'est incroyable! Et à côté il y a ceux qui ne sont pas
inquiétés pour telle ou telle raison. On n'est guère mieux lotis
qu'en ces temps où on frappait les paysans qui réclamaient de
meilleures conditions de travail. C'est ça la justice de la
'démocratie,' une règle pour les puissant et une autre pour les
travailleurs. »
« Une
attaque sans précédent contre l'ordre publique? Quel drôle de
type, ce juge! C'est comme quelqu'un qui vole deux poulets dans une
cour (et se sert d'un bâton pour forcer la porte) et qui écope de
deux ans pour vol avec violence. Et à côté les voleurs qui volent
avec le « fait aggravé » de détenir des fonctions
officielles, ils écopent de quoi? De RIEN DU TOUT... Quelle justice
de merde! »
« La majorité de
ceux qui nous font la leçon ignorent la réalité de 85 pour cent
des travailleurs des aéroports: des salaires de misère de 700
euros par mois... des contrats de rien du tout et pas le droit de
grève... On peut me dire ce qu'ils peuvent faire pour améliorer
leurs conditions de travail? »
« Quelle honte!
Comment peuvent-ils exonérer les dirigeants syndicaux et condamner
quelques innocents? Nous les travailleurs nous connaissons bien la
connivence corrompue qui existe entre l'UGT, le CCOO et les
anciennes compagnies publiques. »
« La vérité c'est
qu'on devrait soutenir ces 25 travailleurs! A quoi bon les
syndicats? Quand les deux dirigeants syndicaux sont acquittés ils
se demandent si « ça vaut la peine d'investir » dans 25
travailleurs, des pères et des mères, des chefs de familles avec
des maisons à payer et la corde au cou à la fin de chaque mois.
Cela ne vaut pas la peine, hein? Est-ce que ces 25- là devraient
continuer à se tuer au travail de longues heures durant et être
totalement idiots pour défendre leurs emplois encore une fois en
faisant tout simplement une grève légale... Et maintenant ils
souffrent encore, jour après jour, ne sachant ce qui va leur
arriver... Dites moi un peu si c'est juste, tout ça. Parce que je
crois moi que les innocents paient pour les coupables. »
Le gouvernement Zapatero
et l'élite dirigeante espagnole veulent faire un exemple des
travailleurs de l'aéroport afin d'intimider les autres. Ils sont
tout à fait conscients de l'opposition qui se développe en ce
moment en Espagne tandis que la crise économique s'intensifie et
qu'ils cherchent à décharger le fardeau de cette crise sur le dos
des travailleurs.