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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

La catastrophe minière de Virginie occidentale et l'effondrement du syndicat de mineurs, l'UMW

Par Jerry White
10 avril 2010

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Le décès d'au moins 25 mineurs de Virginie occidentale dans la pire catastrophe minière depuis plus d'un quart de siècle est la démonstration tragique et terrible de l'état des relations de classes de l'Amérique d'aujourd'hui.

A bien des égards, les conditions de travail dans les mines de charbon des Appalaches ressemblent à celles du siècle précédent. Confrontés à des niveaux de chômage et de pauvreté élevés, les travailleurs sont contraints de risquer leur vie dans des mines dangereuses.

Les multimullionnaires qui exploitent ces mines, tels le PDG de Massey Energy Don Blankenship, passent outre les règles de sécurité élémentaires et forcent les mineurs à faire des postes de 12 heures pour rentabiliser au maximum. Ils savent très bien qu'une fois que les médias seront partis et que les agences fédérales et de l'Etat auront fait leurs auditions, ils seront libres de continuer à tirer profit des décès et des mutilations des mineurs.

Comme une femme de la région l'a dit aux médias, « Nous ne sommes rien de plus que des marchandises jetables. »

Les mineurs ont face à eux des entreprises immenses avec de gigantesques ressources quand ils sont, eux, dépourvus d'organisation pour les défendre. Il n'en a pas toujours été ainsi. En effet, le site actuel où a eu lieu l'explosion était jusqu'au début des années 1990, un bastion du syndicat UMW et un centre de grèves déterminées et de résistance massive face à l'exigence du renforcement des cadences et d'attaques contre la sécurité des mines et la couverture de santé des travailleurs, de la part des patrons des mines de charbon

Mais même au plus fort de l'adhésion syndicale et de la puissance du syndicat, les mineurs de la base étaient souvent en conflit avec sa direction conservatrice et sa politique de collaboration de classes. Les acquis obtenus par l'UMW ont été arrachés grâce aux actions déterminées des travailleurs.

Mais depuis trois bonnes décennies, l'UMW répudie les traditions militantes auxquelles les mineurs étaient associés et cherchent à s'intégrer toujours plus étroitement avec la direction de l'entreprise et le gouvernement. Durant cette période, le syndicat a trahi les luttes les unes après les autres. Il en a résulté l'effondrement de l'UMW à tel point que ses membres actifs sont passés de 120 000 en 1978 à 14 000 actuellement.

Qu'est-ce qui sous-tend cette trahison et cette désintégration de l'UMW? Comment les mineurs sont-ils arrivés à cette situation terrible aujourd'hui?

Les mineurs, et particulièrement ceux de Virginie occidentale, faisaient partie historiquement des sections les plus militantes et les plus conscientes de la classe ouvrière américaine. Au cours d'un siècle de luttes ils ont fait preuve d'un courage, d'une solidarité et d'un sens du sacrifice incomparables.

Durant la plus grande partie du vingtième siècle, le poids social et la position stratégique des mineurs étaient quelque chose que l'establishment politique et industriel américain ne pouvait ignorer.

L'UMW prit racines dans le sud de la Virginie occidentale durant les Guerres des mines (« Mine Wars »)acharnées des années 1920 et 1930. Les noms de grandes batailles de classes, « Bloody Mingo », « Battle of Blair Mountain », « Matewan Massacre » donnent une idée de l'intensité du conflit social où les mineurs ripostaient à violence égale à la violence des compagnies minières, de leurs bandits armés et des autorités.

Les mineurs furent le fer de lance de la campagne pour construire les nouveaux syndicats industriels CIO des années 1930 et durant la Seconde guerre mondiale ils défièrent Roosevelt et lancèrent une grève nationale, obtenant des acquis substantiels au moment où l'industrie faisaient des profits records du fait de la production de guerre. A nouveau en 1947 les mineurs défièrent l'ordre de reprise du travail lancé par le Congrès en déclarant, « Que les sénateurs aillent extraire le charbon! » et obtinrent leur plus importante augmentation de salaire, amélioration des soins de santé et protections face à la loi antigrève Taft-Hartley.

En 1974, après une série de grèves sauvages, de manifestations de masse contre les conditions de travail dangereuses et la pneumoconiose, et des rébellions contre la direction de l'UMW, les mineurs obtinrent une augmentation de salaire et de prestations de 54 pour cent sur trois ans suite à une grève de 28 jours. Cela fut suivi par une grève historique de 111 jours en 1977-78 où les mineurs défièrent à nouveau un ordre de reprise du travail de la part du président, cette fois le démocrate Jimmy Carter.

Mais malgré la détermination et la solidarité des mineurs,leur mouvement a pâti d'une erreur politique finalement fatale. Il s'agit de la même faiblesse qui a miné l'ensemble du mouvement ouvrier américain.

Les mineurs n'établirent jamais leur indépendance politique par rapport au Parti démocrate et à la politique capitaliste en général. Leurs luttes dans le cadre du syndicat UMW n'ont jamais acquis un caractère consciemment anticapitaliste.

Durant toute leur histoire, les luttes des mineurs ont continuellement soulevé les questions de perspective et de programme politiques. Dès le début du siècle, il y avait des demandes de nationalisation des mines au moment où des ralentissements économiques, la mécanisation et l'anarchie de la production du charbon pour le marché capitaliste conduisaient au chômage de masse, à l'appauvrissement des communautés minières et au sacrifice continu de la vie et de l'intégrité physique des mineurs sur l'autel de la course aux profits des patrons.

La nécessité d'une organisation politique de la classe ouvrière qui soit indépendante des deux partis du patronat se posa de façon récurrente tandis que les mineurs étaient confrontés à des injonctions, à des ordres de reprises du travail et à la répression d'Etat de représentants des deux partis qui étaient des agents corrompus des exploitants du charbon.

Mais dès les premiers jours, la direction de l'UMW s'opposa à toute lutte contre le système capitaliste. Dans une intervention à la radio en septembre 1937, le président de l'UMW John L. Lewis appela la classe dirigeante à reconnaître les syndicats parce que, dit-il, ils «se révèleraient être le meilleur rempart contre l'intrusion de doctrines de gouvernance étrangères. »

« Le syndicalisme, » dit Lewis, «  contrairement au communisme, présuppose la relation du travail; il se fonde sur le système de salaire et reconnaît pleinement et sans réserve l'institution de la propriété privée et du droit au profit d'investissement. »

Dès le début, la marque de fabrique des syndicats américains était son antisocialisme, sa servilité au système capitaliste et son opposition à toute lutte politique indépendante de la part de la classe ouvrière. Alors que les syndicats de par le monde partageaient essentiellement cette vision procapitaliste, l'arriération politique des syndicats américains était la plus prononcée.

En 1955, après que les socialistes et autres militants de gauche furent délogés de leurs postes à la direction du syndicat, les dirigeants du CIO fusionnèrent avec l'American Federation of Labor et établirent l'AFL-CIO sur la base de la défense explicite du système capitaliste et des intérêts impérialistes américains de par le monde. Durant les 25 années suivantes, alors que le capitalisme américain perdait sa position de domination économique dans le monde et que l'élite dirigeante remplaçait sa politique de relatif compromis de classe par une politique de guerre de classe acharnée, cette perspective conduisit la classe ouvrière à la catastrophe.

Tout comme son homologue britannique, Margaret Thatcher, le président Reagan, qui avait écrasé en 1981 la grève du syndicat PATCO des aiguilleurs du ciel, était déterminé à casser les mineurs afin de réaliser un retour en arrière permanent des conditions de l'ensemble de la classe ouvrière.

En 1985-86 avec le soutien total de la Maison Blanche et des autorités locales et de l'Etat, AT Massey Coal (mené par Blankenship) lança une campagne de casse syndicale contre l'UMW au cours de laquelle il rétablit les méthodes de violence de classes qu'on n'avait pas revues depuis les guerres des mines des premières décennies du 20e siècle.

L'UMW, dirigée par le président d'alors Richard Trumka (aujourd'hui président de l'AFL-CIO) riposta en isolant les 2 600 grévistes de Massey et en abandonnant la longue tradition du syndicat consistant à lancer un mot d'ordre de grève nationale à tous les mineurs. L'UMW ne fit rien pour défendre les mineurs déterminés qui furent arrêtés, furent victimes de coups montés et emprisonnés, puis après avoir laissé les grévistes s'user sur les piquets de grève pendant 14 jours, Trumka mit fin à la grève ouvrant ainsi la voie à un flot de casse des syndicats et de concessions dans toute l'industrie minière. L'UMW perpétra une trahison semblable lors de la grève de Pittston en 1989-90.

Les conditions objectives qui facilitèrent la domination d'une bureaucratie droitière sur la classe ouvrière, à savoir la puissance et les réserves économiques immenses du capitalisme américain et la domination mondiale de son industrie, n'existent plus.

Au moment où émerge de la crise actuelle une nouvelle ère de lutte de classes, les mineurs vont chercher à construire de nouvelles organisations de lutte. C'est absolument essentiel et crucial. Cependant, il faut tirer les leçons amères de l'histoire: avant tout, que la résistance des mineurs doit se fonder sur une lutte consciente pour la mobilisation politique, indépendante, de la classe ouvrière contre le système capitaliste et tous ses représentants politiques.

L'unique voie pour mettre fin au fléau des explosions, des effondrements dans les mines et de la pneumoconiose est de retirer les mines des mains du privé et de les transformer en services publics, d'en faire la propriété des travailleurs eux-mêmes et de les placer sous leur contrôle. Ceci nécessite la construction d'un mouvement socialiste de masse de la classe ouvrière.

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