wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le « changement de paradigme » dans la politique étrangère allemande

Par Stefan Steinberg
10 avril 2010

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

Plusieurs récents commentaires dans la presse allemande ont exprimé l'inquiétude quant à la voie empruntée par la chancelière allemande Angela Merkel dans la crise de la dette grecque. Lors de la réunion, la semaine passée, des chefs d'Etat de l'Union européenne à Bruxelles, Merkel avait dicté les termes et dit sans ambages que tout soutien financier de la part de l'Europe serait assorti de conditions punitives et ne serait disponible qu'en cas d'extrême urgence.

Alors que l'attitude de Merkel a été louée dans certains commentaires politiques de droite et saluée par la presse à sensation allemande, d'autres commentaires ont remarqué que cette attitude représentait un changement fondamental de la politique étrangère allemande et présentait des conséquences profondes et peut-être même dangereuses.

La dernière édition du magazine Der Spiegel traite le problème sous le titre : « A quel point Angela Merkel est-elle européenne ? La chancelière abandonne la politique communautaire d'après-guerre. » Tout en célébrant encore une fois le rôle des « Grands chanceliers pro-européens de l'Allemagne » -- les deux conservateurs Konrad Adenauer et Helmut Kohl et le social-démocrate Helmut Schmidt - le magazine qualifie l'approche de Merkel à la crise de la dette grecque comme un « changement de paradigme » dans la politique étrangère allemande pour être une rupture fondamentale avec la politique de ses prédécesseurs.

Antérieurement, écrit le magazine, l'approche de la chancelière allemande avait été de « poursuivre tranquillement et fermement ses intérêts à Bruxelles avec l'aide de partenaires clé ou de la Commission européenne. » A présent, note Der Spiegel, Merkel est devenue « la première chancelière à avoir abandonné ce principe sur une question importante. Elle a clairement montré qu'il y a des intérêts allemands et des intérêts européens et qui ne sont pas obligatoirement les mêmes. »

Joschka Fischer, le ministre allemand des Affaires étrangères et le vice-chancelier de 1998 à 2005 ainsi que le dirigeant du Parti des Verts allemands pendant près de vingt ans, fait la même remarque dans un commentaire publié en début de cette semaine dans le journal Süddeutsche Zeitung.

Dans un article intitulé « Mme Germania, » Fischer pose la question, « Que se passe-t-il avec Angela Merkel ? Il n'y a pas si longtemps la chancelière allemande était encore célébrée comme 'Mme Europe' ; maintenant elle donne de plus en plus l'impression d'être Mme Germania. Au lieu de jouer un rôle dirigeant dans la crise financière et économique mondiale, la plus grande puissance économique de l'UE se recroqueville dans sa coquille. »

Fischer signale que jusque là l'Allemagne avait pu tirer un considérable profit du processus d'intégration de l'Europe. Il écrit, « L'Allemagne a toujours été le moteur de l'intégration européenne qui était alignée sur ses intérêts politiques et économiques [.] L'idée de base était simple : L'Allemagne donne et en profite. Si l'Allemagne devait mépriser la première partie de cette formule, le projet européen en subirait des dégâts sérieux - et aussi les intérêts nationaux allemands. Et pourtant, c'est la direction que la chancelière Merkel semble prendre. »

Fisher continue à critiquer l'appel de Merkel d'exclure de la zone euro les Etats membres qui ne remplissent pas les critères financiers en posant la question, « Croit-elle sérieusement que l'euro et l'UE pourraient survivre à une telle action punitive ? »

Il note également que l'insistance de Merkel à imposer des mesures d'austérité draconiennes à la Grèce et à d'autres pays de la zone euro se révélera être préjudiciable aux intérêts allemands en entraînant une « déflation dans ces pays qui sont les plus importants marchés d'exportation pour les produits allemands. »

Selon Fischer, la principale responsabilité de l'actuel conflit au sein de l'UE incombe à l'Allemagne et à la France. « Plutôt que de diriger, le couple franco-allemand est constamment et ouvertement à couteaux tirés. Alors que la querelle est au sujet de qui paiera la restructuration de la Grèce, la véritable raison est la méfiance latente entre les deux partenaires, ce qui renferme le danger d'une aliénation permanente. »

Fischer parle au nom d'une couche de la bourgeoisie allemande qui veut utiliser la vacance de pouvoir laissée par le déclin des Etats-Unis pour accroître l'influence allemande et européenne sur la scène mondiale. Dans son discours, fait en 2007 à l'université Humboldt de Berlin, Fischer s'était plaint de « l'insignifiance croissante de l'Europe dans le monde » en dépit de conditions où « les Etats-Unis s'affaiblissent eux-mêmes en raison de leur politique d'unilatéralisme... »

Un an plus tard, Fischer réclamait l'établissement d'une « avant-garde européenne » pour faire avancer les intérêts du capitalisme allemand et européen face à la montée de conflits commerciaux grandissants entre d'un côté les Etats-Unis et de l'autre la Chine et les pays asiatiques. Le moteur de son « avant-garde » aurait dû être un axe franco-allemand fort.

A présent, Fischer est obligé de reconnaître que ses espoirs d'une union harmonieuse d'Etats européens ont été anéantis. A la suite de la crise financière de 2007-2008, les intérêts purement nationaux dominent de plus en plus la scène politique en Europe. De puissants facteurs économiques se cachent derrière ce développement. Les chiffres les plus récents du coût de la main-d'ouvre donnent un aperçu du gouffre économique énorme qui existe sur le continent européen.

Avec des coûts de main-d'ouvre moyens de 30,9 euros l'heure, l'Allemagne se classe au septième rang des pays européens. En Pologne, à peine à deux heures de voiture à l'Est de la capitale allemande Berlin, le coût de la main-d'ouvre est près de 80 pour cent moins cher avec 6,9 euros l'heure. La Bulgarie arrive en dernière position des membres de l'UE avec un coût de main-d'ouvre horaire de 2,9 euros.

Dans le même temps, la crise financière a entraîné une forte polarisation sociale au sein des pays individuels.

Ces différences économiques fondamentales forcent les pays européens à s'éloigner les uns des autres et les incitent à adopter une politique de plus en plus nationaliste.

Le changement de la politique allemande à l'égard de l'Europe a de profondes implications politiques. Durant plus de quatre décennies, la paix en Europe était liée à la division de la plus grande puissance économique du continent, et qui était supervisée par des Etats-Unis puissants d'un côté et la bureaucratie stalinienne de Moscou de l'autre. L'effondrement des Etats staliniens, la fin de la guerre froide et l'affaiblissement de la position des Etats-Unis ont créé les conditions pour qu'une Allemagne réunifiée fasse une fois de plus valoir ses intérêts sur la scène mondiale.

Fischer écrit que l'attitude adoptée par Merkel signifie un retrait de l'Allemagne dans sa coquille nationale mais il ne peut y avoir de retrait du marché mondial pour l'économie européenne la plus grande et la plus fortement orientée vers les exportations. Les puissantes forces productives déchaînées par une Allemagne unifiée obligent la bourgeoisie allemande à sortir de l'arrière-plan et à trouver le moyen « d'organiser l'Europe » plus directement et à visage découvert conformément aux intérêts financiers de l'Allemagne.

Par deux fois au siècle dernier, l'expansionnisme allemand avait été un facteur décisif et entraîné l'Europe et le monde dans la guerre. Une nouvelle tentative de l'Allemagne d'organiser l'Europe par la force ranimera inévitablement les anciens antagonismes et aura des conséquences catastrophiques pour le continent.

Ceci souligne le besoin pour la classe ouvrière européenne d'élaborer sa propre perspective indépendante fondée sur la lutte commune des travailleurs européens contre la bourgeoisie européenne et fondée sur un programme révolutionnaire des Etats unis socialistes d'Europe en solidarité avec la classe ouvrière mondiale.

(Article original paru le 3 avril 2010)

Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés