Le Portugal adopte un budget d'austérité tandis que s'intensifient les
attaques spéculatives contre l'Espagne
Par André Damon
3 décembre 2010
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La crise de la dette européenne s'est intensifiée vendredi, les
spéculateurs continuant leurs attaques les plus récentes contre l'Espagne et
le Portugal. Pendant ce temps, les tensions se sont accrues entre
l'Allemagne et les représentants de l'Union européenne au sujet de la
quantité d'argent à mettre de côté pour de futurs renflouements.
Les coûts des emprunts pour les gouvernements espagnols et irlandais ont
atteint jeudi leur plus haut niveau depuis l'adoption de la monnaie unique.
En réponse aux attaques continues, les législateurs portugais, incités par
le Premier ministre socialiste José Socrates, ont adopté un ensemble de
mesures d'austérité vendredi. Le budget inclus des coupes dans les retraites
et l'aide sociale ainsi que des augmentations d'impôts qui toucheront
surtout la classe ouvrière.
Ces coupes ont partiellement satisfait l'appétit des spéculateurs, et le
coût des emprunts pour le Portugal a un peu baissé après avoir atteint un
record plus tôt dans la journée. Les spéculateurs ont ensuite tourné leur
attention vers l'Espagne, faisant atteindre à leur coût d'emprunt un nouveau
record.
Le Premier ministre espagnol José Luis Zapatero a adopté un ton méfiant
vendredi, et, tout comme les dirigeants irlandais et grecs avant lui, a nié
penser à un renflouement de la part de l'UE. « Je devrais avertir ces
investisseurs qui vendent l'Espagne au rabais qu'ils vont commettre une
erreur et agiront contre leur intérêt. » a-t-il dit.
Les menaces de Zapatero n'ont pas réussi à calmer les spéculateurs, et à
midi, vendredi, le Financial Times faisait grand cas d'un possible
renflouement de l'Espagne. Le journal a prévenu que « un renflouement de
l'Espagne sur le modèle grec ou irlandais » coûterait 420 millions d'euros
et « étirerait la capacité de financement de l'UE jusqu'au point de rupture.
» L'économie espagnole est près de trois fois plus importante que celle de
l'Irlande et de la Grèce combinée, et représente plus de dix pour cent de la
production de la zone euro.
La vague de spéculations contre la dette espagnole a donné du poids aux
conflits au sein de la zone euro sur la somme à mettre de côté pour ce genre
de cas. Le comité exécutif de l'Union européenne, la Commission européenne,
a proposé cette semaine de doubler le fond de renflouement d'urgence qui est
actuellement de 440 milliards d'euros (ce qui, une fois combiné avec les
fonds promis par le FMI, se monte à 750 milliards.) Cependant, l'Allemagne
s'y est opposée, d'après le Wall Street Journal.
« De nombreux investisseurs et analystes doutent que l'UE ait promis
d'accorder suffisamment de financements pour sauver l'Espagne si le pays
devait perdre son accès aux marchés obligataires, » écrit le journal. « Le
soutien de la part de l'Allemagne, la plus large économie d'Europe et
principal contributeur au principal fond de renflouement de l'UE, serait
essentiel pour toute augmentation future du financement. »
L'Allemagne, qui devrait assumer le plus gros du coût des renflouements à
venir, a insisté fermement sur le fait que les pays qui ont besoin de fonds
doivent réduire les retraites et les services sociaux avant de demander de
l'aide. Le gouvernement allemand a également poussé à restructurer la dette
en imposant une « coupe de cheveux » aux détenteurs privés d'emprunts
publics, qui devraient participer à une éventuelle annulation partielle de
la dette. Cela a entraîné une opposition de la part des autres pays et de la
part des détenteurs d'emprunts, déterminé à ce que leurs activités
spéculatrices soient couvertes entièrement.
La justification de Zapatero faisait suite à une déclaration similaire de
la part du gouvernement portugais, qui a déclaré au Financial Times
que des rumeurs selon lesquelles il chercherait un renflouement étaient «
totalement fausses. » Le gouvernement portugais a fait cette dénégation
après que le Financial Times Deutschland a rapporté qu'un
représentant du ministère des finances allemand avait dit qu'un renflouement
du Portugal aiderait l'Espagne.
Les coûts d'emprunts du Portugal ont rapidement grimpé après l'article,
mais ont baissé un peu une fois qu'il a été connu que le gouvernement avait
adopté un nouveau budget d'austérité. Les coupes comprennent une réduction
de cinq pour cent du salaire dans le secteur public et une augmentation de
deux pour cent de la TVA. Le pays devrait également introduire de nouvelles
taxes routières et retarder la construction de nouvelles infrastructures.
Le gouvernement est déterminé à mener à bien les diktats des marchés
financiers internationaux. Le Premier ministre Socrates a dit que les coupes
étaient « absolument nécessaires pour éloigner le Portugal du centre de la
crise financière et économique. »
Le nouveau budget est arrivé après une grève symbolique d'une journée de
la part des syndicats qui étaient censés permettre à l'hostilité populaire
de s'exprimer tout en ne faisant rien pour empêcher que les coupes
budgétaires soient votées.
Le commissaire aux affaires économiques de l'UE, Olli Rehn a applaudi
cette mesure, tout en insistant sur le fait qu'il faudrait en faire plus. «
Bien sûr, l'effort de consolidation fiscale, qui est indispensable pour
construire une base cohérente pour une croissance à moyen terme et des
emplois, devra se poursuivre dans les années à venir, » a-t-il déclaré.
Les systèmes bancaires de l'Espagne et du Portugal se sont mieux
comportés dans la crise économique que d'autres pays européens. L'Espagne,
cependant, a le taux de chômage le plus élevé de toute l'Europe de l'ouest.
Le pays a connu un effondrement sévère de la bulle immobilière, qui avait
fait doubler les prix entre 1995 et 2007.
Pour la Grèce et l'Irlande, ni les mesures d'austérité ni le renflouement
par l'UE n'ont arrêté les attaques spéculatives. Le coût des emprunts pour
ces pays a continué à monter cette semaine, ceux de l'Irlande atteignant
vendredi un record sur ces 12 dernières années. À la clôture de la bourse
vendredi, le coût des emprunts pour la Grèce était de 9 pour cent au-dessus
de celui des États-Unis, et celui de l'Irlande à 6,5 pour cent, le Portugal
à 4, 3 et l'Espagne à 2,4.
L'euro a également baissé de 0,8 pour cent contre le dollar américain
vendredi, atteignant son plus bas niveau de ces 9 dernières semaines, après
que des craintes sur un second renflouement ont sapé la confiance dans cette
monnaie. Les marchés financiers de toute la planète ont assisté à une vague
de ventes, et tous les indices majeurs en Europe, en Asie et en Amérique ont
baissé de 0,5 à 1 pour cent.
Il est évident d'après les derniers développements que les spéculateurs
ne se contenteront pas de s'en prendre aux petits pays comme Irlande et la
Grèce. Aujourd'hui, ils s'en prennent à l'Espagne, mais demain ils
pourraient s'en prendre à n'importe quel pays de la zone euro.
Quelles que soient les différences entre les grandes puissances
européennes sur la taille et la nécessité des futurs renflouements, ils sont
tous d'accord sur le fait que la classe ouvrière en Europe doit payer pour
la crise financière en cours. Les gouvernements, "de gauche" comme de
droite, proclameront qu'ils n'auront "pas d'autre choix" que de prendre des
mesures d'austérité, mettant en pratique des politiques exigées depuis
longtemps par leur classe dirigeante locale, au prétexte d'une menace
"extérieure".
Les victimes de tout cela seront les travailleurs d'Europe, qui
assisteront à des réductions drastiques de leur revenu et de leur niveau de
vie pour satisfaire les exigences des marchés financiers.
(Article original paru le 27 novembre 2010)