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EuropeEspagne: Les partis "de gauche" des classes
moyennes et la lutte des retraites en France
Par Alejandro Lopez
13 décembre 2010
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En Espagne les partis "de gauche" des classes moyennes ont soutenu le
Nouveau parti anticapitaliste (NPA) et les syndicats français dans leur
trahison des grèves d'octobre-novembre contre les coupes sociales du
gouvernement de Nicolas Sarkozy.
Les syndicats français ont œuvré à bloquer toute action indépendante des
travailleurs contre Sarkozy par des négociations avec le gouvernement,
limitant les mobilisations de masse à des journées d'action isolées, et
finalement en isolant les travailleurs des terminaux pétroliers et des
raffineries. L'Etat a brisé ces grèves par la force. Durant les 30 jours de
lutte, le NPA n'a fait aucune tentative de prendre la direction politique
des grèves aux syndicats, préférant les aider à canaliser les luttes des
travailleurs vers une impasse.
Les partis "de gauche" des classes moyennes espagnols – comme
Izquierda Anticapitalista (IA – gauche anticapitaliste) et En Lucha
(En lutte) – ainsi que ses principaux syndicats, Comisiones Obreras
(CC.OO― les Commissions ouvrières) et Unión
General de los Trabajadores (UGT― l'Union
générale des travailleurs), sont restés muets au sujet de cette attaque
contre la classe ouvrière française. Ils n'ont fait aucune tentative de
mobiliser les travailleurs d'Espagne en solidarité avec les travailleurs en
France.
Cela, en dépit du fait que les travailleurs des deux côtés des Pyrénées
soient confrontés à des mesures d'austérité similaires imposées par les
mêmes banques et investisseurs. L'incapacité à mobiliser la classe ouvrière
espagnole en solidarité avec les Français démontre l'hostilité de ceux qui
se disent de "gauche" et des bureaucraties syndicales à la lutte contre
l'austérité sociale.
Des appels à une solidarité internationale et à une action coordonnée
contre les coupes sociales auraient été très populaires en Espagne, étant
donné l'opposition de masse aux mesures du Premier ministre José Zapatero,
du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), cette année. Une nouvelle
réforme du droit du travail supprime les protections légales des
travailleurs, rendant plus facile pour les employeurs le licenciement des
employés, et aggravant les conditions de travail. Parmi les autres mesures
prévues par Zapatero, figurent une réduction de 5 à 15 pour cent du salaire
des fonctionnaires ainsi qu'un gel des retraites qui sera suivi plus tard
par une réduction.
Les publications d'IA, la section espagnole du Secrétariat unifié
pabliste, ont largement ignoré les événements en France. Quand le site Web
de l'IA publiait des nouvelles, ce n'étaient que des reprises du site du NPA
ou des médias bourgeois.
Cela s'est traduit par un soutien pour le Parti socialiste (PS) français,
dont le parti frère en Espagne, le PSOE, réalise les coupes sociales contre
les travailleurs. Le 25 octobre, le site Web de l'IA citait une déclaration
du NPA, « Les dirigeants socialistes sont de toutes les manifestations, et
plus on est nombreux à taper sur le même clou, mieux c’est. »
Le NPA applaudissait l'événement du PS tout en notant que, comme il était
« Entièrement situé dans le cadre de l’économie de marché, le programme
économique et social du PS est une autre façon de faire payer la crise à la
majorité de la population, une autre solution pour la bourgeoisie de
sauvegarde de ses intérêts. »
Le NPA fait tacitement la promotion du Parti socialiste comme alternative
à Sarkozy pour l'élection présidentielle de 2012. La banqueroute de cette
politique est particulièrement évidente, étant donné les coupes imposées par
les gouvernements socio-démocrates en Espagne, en Grèce et ailleurs.
L'IA n'a publié aucun article sur les violences des briseurs de grève de
la police, le refus des syndicats de défendre les travailleurs du secteur
pétrolier contre les attaques policières, ou leur refus d'étendre la grève à
d'autres secteurs. Ils ont passé sous silence le fait que les syndicats
voulaient retourner aux négociations avec Sarkozy durant ces journées
décisives de la lutte.
Ils ont même souligné la diminution des critiques pourtant déjà limitées
du NPA contre les syndicats au fur et à mesure que la lutte progressait et
que la détermination des syndicats à isoler la grève du secteur pétrolier
devenait plus claire. Le 28 octobre, le site Web a publié un article du NPA
qui concluait : « depuis le début d'octobre, [le porte-parole du NPA]
En Lucha, la section de l'International Socialist Tendency,
tendance qui adhère à la théorie selon laquelle l'URSS faisait du
capitalisme d'Etat, a maintenu un silence politique similaire et tout aussi
significatif. Albert Garcia, membre d'En Lucha et ex-membre du NPA, a
publié un article intitulé « France : quand l'unité et la combativité
convergent. »
Il y écrit : « il est clair que la répression et l'intimidation ne
réduiront pas le mécontentement et la colère. Il y en a de plus en plus
chaque jour qui adhérent aux paroles de Besancenot : 'ce que le Parlement
décide, la rue peut le défaire'. C'est déjà arrivé en 1995 contre Juppé et
en 2006 contre le Contrat première embauche [CPE]. »
Il conclut en souhaitant que ces luttes puissent « dépasser les
frontières de la France, et que 'l'Esprit de mai 68' [puissent] se propager
dans toute l'Europe. »
Cette analyse ignore les principaux problèmes auxquels les travailleurs
et les étudiants ont été confrontés en Octobre dernier et le sont toujours
actuellement – ceux de formuler une stratégie et de construire une direction
pour une lutte politique contre le gouvernement. C'est également une
distorsion complète des luttes contre le plan Juppé en 1995 et le CPE en
2006. Ces luttes n'ont pas démontré la viabilité de la politique consistant
à faire pression, mais confirmé que les luttes visant à faire pression sur
l'Etat pour qu'il fasse marche arrière n'offraient aucun espoir de défendre
les intérêts à long terme des travailleurs.
En 1995, la classe ouvrière s'était révoltée contre les coupes du Premier
ministre Alain Juppé dans le système de sécurité sociale – une lutte menée
principalement par les travailleurs des transports. En fin de compte,
cependant, les syndicats avaient organisé la reprise du travail et
l'essentiel du plan Juppé était resté intact. La classe dirigeante avait
répondu en organisant de nouvelles élections en 1997. La coalition de gauche
plurielle sous domination du PS et dirigée par le Premier ministre Lionel
Jospin avait continué les attaques contre la classe ouvrière, ouvrant la
porte à un retour de la droite en 2002.
Les leçons de la lutte contre le CPE en 2006 sont similaires. S'ils
avaient obtenu un retrait partiel et temporaire des réductions sociales, les
travailleurs avaient dû faire face en 2007 à l'élection de Sarkozy, qui
s'est attelé à appliquer des coupes bien plus sévères que celles proposées
en 2006.
En Espagne, les syndicats ont déclaré une grève générale d'une journée le
29 septembre après que le gouvernement a gelé les retraites, fait passer une
réforme du droit du travail et réduit les salaires des fonctionnaires. Cette
grève n'a été appelée qu'après que tout le processus de débat et de vote se
soit terminé et que Zapatero ait clairement dit qu'il n'allait pas revenir
sur la réforme du droit du travail.
Dans les cinq mois qui ont précédé l'adoption de la réforme, les
syndicats ont été impliqués dans des négociations intenses avec le
gouvernement et l'organisation des employeurs (CEOE). Un jour après la grève
générale, les dirigeants syndicaux du CCOO et de l'UGT ont tous deux rassuré
le gouvernement disant qu'ils voulaient revenir à la « table des
négociations » et que le « dialogue social » n'était pas rompu. IA, le Parti
communiste espagnol et d'autres groupes comme En Lucha ont évité
toute défense des travailleurs lorsque l'adjoint au maire de Madrid, Ignacio
Gonzalez, a prévenu qu'il « n'écartait pas l'option » de confier le système
de métro de Madrid, paralysé par les grèves depuis juin, à l'armée.
Ce silence a été encore une fois répété en août quand le ministre des
travaux publics et des transports, José Blanco, a menacé d'une intervention
militaire si les contrôleurs aériens se mettaient en grève. Ce silence est
une extension du rôle joué par des groupes similaires comme le NPA en France
ou en Grèce, où la fausse gauche a maintenu l'unité avec les syndicats même
lorsque les syndicats soutenaient l'usage de l'armée pour briser la grève
des camionneurs cet été. Ces partis ne reculeront même pas devant le soutien
au recours à la violence contre les travailleurs qui menaceraient d'échapper
au contrôle des syndicats.
(Article original paru le 1er décembre 2010)