Les déclarations de Marine Le Pen—fille et héritière politique présumée
de Jean-Marie Le Pen à la tête du Front National néo-fasciste—ont suscité un
regain d’intérêt médiatique au FN et de l’influence des néo-fascistes dans
la politique française.
Les discours de Marine Le Pen ont attiré de nombreux commentaires des
partis bourgeois. Le 10 décembre, lors d’une réunion à Lyon, Marine Le Pen a
lancé une attaque raciste contre les musulmans qui prient dans les rues,
faute de mosquées où ils pourraient prier à l’intérieur. Marine Le Pen a
comparé « les prières musulmanes dans les rues avec l’occupation militaire
de l’Allemagne en France ».
Elle a également fait plusieurs critiques de l’euro--touché par plusieurs
crises financières au courant de l’année 2010—déclarant qu’il serait mieux
pour la France d’abandonner la devise européenne.
Les principaux partis français ont répondu à Marine Le Pen en tentant de
s’y accommoder ou d’apporter des critiques secondaires, qui ne réfutent pas
la substance de ce qu’elle disait.
Le porte-parole du PS, Benoit Hamon, n’a pas adopté une position
fondamentalement différente de celle de Le Pen sur les musulmans priant en
public. A propos des prières, il a estimé que : « Ce sont des
situations que ne sont pas tolérables beaucoup plus longtemps, on a une
situation de tension avec les riverains et il faut trouver des solutions ».
Le 14 décembre, le site internet d'Europe 1 écrivait : « Interrogée sur
les propos du patron de l'UMP, Jean-François Copé, qui assure que "Marine Le
Pen, c'est comme son père", la vice-présidente du parti d'extrême droite a
répondu : "Jean-François Copé, en l'occurrence, veut relancer le débat sur
l'identité nationale. Il est mon meilleur allié, compte tenu que l'UMP n'a
rien à dire sur ce sujet. Je pense que Jean-François Copé veut, en fait, la
défaite de Nicolas Sarkozy en 2012", a-t-elle insisté. »
Marine Le Pen tente maintenant de se présenter en défenseur de la laïcité et
des valeurs républicaines. Selon le journal Marianne, Marine Le Pen a
déclaré : « Le vrai défenseur de la République, c'est moi ! ». Face aux
réactions de Martine Aubry et de Jean François Copé le chef de l’UMP, elle a
ajouté : « En s'exprimant ainsi, la coalition UMPS a montré que la réponse
aux atteintes à la laïcité ne viendrait pas d'elle. »
La réponse de Marine Le Pen consistant à se présenter comme défenseur de
la laïcité et de la République rompt avec la rhétorique traditionnelle des
fascistes français au 20e siècle. Ceux-ci dénonçaient la République comme
« la gueuse »—notamment avant leur capitulation face aux Nazis en 1940—et
étaient souvent poussés par l’intégrisme catholique.
Ce revirement du vocabulaire politique montre à quel point les partis
bourgeois ont déjà donné un contenu politique réactionnaire aux slogans de
la « laïcité » et de la « République ».
Dans l’article du Monde du 15 décembre intitulé « Les partisans de Marine
Le Pen veulent faire de la laïcité un thème porteur pour 2012 », Abel Mestre
écrit : « Le thème de la laïcité qui permet, par un jeu rhétorique, de
justifier de violentes attaques contre l’islam et les musulmans n’est pas
nouveau chez Marine Le Pen. Fin 2009, à l’occasion du débat sur l’identité
nationale et de la votation suisse sur l’interdiction des minarets, Mme Le
Pen se présentait déjà comme « l’une des dernières défenseuses de la
laïcité » ».
En fait, le « jeu rhétorique » consistant à attaquer les musulmans sous
faux couvert de la laïcité n’a pas été inventé par Marine Le Pen. C’est une
vieille manœuvre du gouvernement français, utilisée récemment par les
présidents conservateurs Jacques Chirac et puis Nicolas Sarkozy—avec l’appui
du Parti Socialiste (PS), du Parti Communiste Français (PCF), et du Nouveau
parti anticapitaliste (NPA).
C’est donc la politique droitière de l’ensemble de la classe politique
française, y compris les milieux dits « de gauche », qui a posé les bases de
l’offensive politique de Marine Le Pen.
Lors des élections présidentielles du 2002, Chirac et Jean-Marie Le Pen
étaient arrivés au second tour des élections présidentielles. Chirac avait
été soutenu par l’ensemble de la classe politique traditionnelle française,
y compris « l’extrême-gauche », dont la Ligue communiste révolutionnaire
(LCR) précurseur du NPA. Le rôle de ces tendances était de répandre des
illusions selon lesquelles Chirac serait « différent » et « plus
républicain » que Le Pen.
En 2003-2004 le gouvernement Chirac a instauré des lois racistes et
anti-islamiques, qui interdisaient le voile à l’école, sous prétexte de
défendre la « laïcité ». Nicolas Sarkozy, alors Ministre de l’Intérieur,
s’en prenait aux jeunes issus des couches les plus exploitées de la classe
ouvrière. Après son élection en tant que président, Sarkozy a accéléré, en
2009, les mesures d’austérité et a lancé un débat nationaliste droitier sur
l’identité nationale et une loi interdisant la burqa.
Le PS et le PCF entre autres ont participé à la commission parlementaire
pour formuler la loi anti-burqa. Le NPA, bien que n’ayant pas soutenu
officiellement la loi, était d’accord avec les valeurs soutenues par la
campagne de l’Etat ; il n’a opposé aucune perspective de classe à la
campagne nationaliste des partis établis. Le NPA a d’ailleurs formé des
alliances électorales aux régionales de mars 2010 avec les partis ayant
participé à l’élaboration de la loi anti-burqa.
Tout en se déclarant hostile à une loi anti-burqa, le NPA a laissé
entendre qu’il n’avait pas d’objections de principe à l’interdiction du port
de la burqa, et en mai 2009, le Parisien avait demandé au porte-parole Olivier Besancenot
si « une amende de 150 € pour punir le port du voile dans l'espace public »
était « juste ». Besancenot avait répondu : « Le problème n'est pas
l'amende, mais l'utilisation politicienne qui en est faite. La burqa opprime
les femmes, mais toute loi serait inefficace et injuste ».
La trahison du mouvement contre la réforme des retraites de l’automne
2010 par les syndicats et les partis de l’ex-gauche a confirmé qu’il n’y
aurait aucune résistance de leur part face à la politique d’austérité menée
par Sarkozy. Ceci signifiait également qu’il n’y aurait aucune résistance
effective face à son offensive raciste et anti-islamique. Après la défaite
infligée aux grèves ouvrières, la classe politique revient aux thèmes
racistes pour empoisonner l’atmosphère politique.
Le fait que Marine Le Pen puisse faire campagne contre l’euro souligne à
quel point la politique d’austérité menée à l’échelle européenne pour
stabiliser l’euro a fragilisé les bases monétaires et sociales de l’Europe
bourgeoise. La bourgeoisie française répond en encourageant le nationalisme
d’extrême-droite, ce qui finit par favoriser à présent le FN.
Ceci confirme la justesse de l’opposition de principe du WSWS aux campagnes
anti-voile et anti-burqa, et plus largement aux campagnes lancées contre les
immigrés sous couvert de « valeurs républicaines ». Ces campagnes politiques
ont servi à frayer un chemin aux néo-fascistes.
Dans son article intitulé Comment le NPA a participé à la campagne anti-burqa,
le WSWS déclarait : « Les mesures anti-démocratiques annoncées par le
président Nicolas Sarkozy au cours des dernières semaines - contre les Roms,
les parents de jeunes, et la nationalité d'immigrés naturalisés français -
soulignent l'importance de la campagne lancée en juin 2009 pour interdire la
burqa. Lancée par Sarkozy avec l'aval du Parti Socialiste (PS) et du Parti
Communiste Français (PCF), cette campagne a amorcé un tournant violent par
le gouvernement, contre les libertés religieuses et l'Etat de droit. ».
Concernant le NPA, qui prétextait ne pas vouloir rentrer dans le débat de
l’identité nationale, le WSWS écrivait : « Cette déclaration absurde en dit
long sur le NPA, parti indifférent aux droits démocratiques des
travailleurs. Ayant constaté que l'Etat encourageait le racisme - un
tournant politique dangereux vers la droite, dont l'ampleur s'est révélée
depuis - le NPA a estimé qu'il n'avait pas à intervenir dans la campagne,
qu'il traitait frivolement de mascarade ».