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EuropeUn membre du SEP parle devant les étudiants
occupant l’université de Manchester
Par notre reporter
4 décembre 2010
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Jean
Shaoul parlant devant les étudiants qui occupent l’université de Manchester
Jean Shaoul, membre du Socialist Equality Party et professeur à la
faculté des sciences économiques à l’université de Manchester, a été invitée
le 26 novembre pour parler devant les étudiants occupant l’amphithéâtre B de
l’immeuble Roscoe de l’université. Elle faisait partie d'un groupe de
maîtres de conférences invités à parler de la crise économique et de ses
implications lors d'un « teach-in » (protestation par occupation de
l’université, avec cours et débats permanents.)
Entre 90 et 100 étudiants ont assisté à la conférence donnée par Shaoul,
correspondante du World Socialist Web Site, et spécialiste de la politique
du Moyen-Orient.
Quelque 50 étudiants de l’université de Manchester avaient commencé
l’occupation de l’amphithéâtre mercredi, la faisant coïncider avec les
protestations nationales contre les coupes sociales et l’augmentation des
frais d’inscription.
Dans ses commentaires Shaoul a expliqué que « le droit à l’éducation de
la prochaine génération était attaqué. Ce ne sont pas seulement les frais
d’inscription qui vont augmenter et toutes les dettes que cela entraînera.
Mais il y a les réductions du budget de l’éducation qui entraîneront la
fermeture de facultés universitaires entières, notamment celles des sciences
humaines.
« Le strict maintien de l’ordre par la police des protestations
étudiantes a montré qu’à l’avenir les autorités vont adopter une méthode
plus musclée. Ce qu’elles défendent ce sont les intérêts d’une infime élite
financière, les ultra-riches. Et elles vont recourir à tout pour combattre
les jeunes qui s'opposent à leur politique en se servant de tous les textes
de loi qui ont été élaborés et adoptés par le Parti travailliste au cours de
ces dix dernières années sous le prétexte de cette fausse guerre contre le
terrorisme. »
Shaoul a dit qu’aujourd’hui « les gouvernements agissent comme les
représentants politiques des élites financières, indépendamment de leur
tendance politique. Les gagnants ont été les banquiers tandis qu’il en a
résulté une inégalité sociale de plus en plus grande pour la grande masse de
la population…
« Si vous regardez les banques aujourd’hui, juste les quatre grandes
banques britanniques qui ont pignon sur rue, leurs ressources, les prêts
qu’elles ont accordés, valent quatre fois le PIB du Royaume Uni. Donc, d’où
vont-ils récupérer leur argent ? Cela ne peut pas continuer, et si ces
banques plongent, cela provoquera la faillite du gouvernement britannique.
« En 2008, on a laissé la banque Lehman Brothers faire faillite. Et cela
a donné aux banques la possibilité de se ruer sur le gouvernement pour qu’il
les renfloue et aussi pour directement contrôler l'économie de tous les
pays. En Grande-Bretagne, le premier ministre Gordon Brown a dit ‘nous
ferons ce qu’il faudra,’ et il a débloqué près de mille milliards de livres
sterling et promis 1,2 mille milliards de livres sterling pour soutenir les
banques. Mais comme l’avait dit le Fonds monétaire international il y a près
d’un an, seuls 40 pour cent des créances douteuses des banques anglaises ont
en fait été exposées. Le pire reste à venir. Et les banques ont exigé des
programmes d’austérité pour les payer…
« La question qui se pose à nous tous est la suivante: quelle classe
sociale va contrôler l’économie ? Dans l’intérêt de qui sera-t-elle gérée ?"
Shaoul a expliqué que, tirer les leçons de ces récents développements
politiques était crucial. « Quels enseignements pouvons-nous tirer des
énormes mouvements de masse auxquels nous avons assisté ces derniers temps,
comme en 2003 contre la guerre en Irak, lorsque près de 2 millions de
personnes étaient descendues dans la rue en Grande-Bretagne pour s’y
opposer ?
«Ce mouvement a échoué et le mouvement contre l’austérité court le même
danger, parce que les syndicats, les directions syndicales, ne mettent pas
en avant une politique pour faire avancer le mouvement. Les directions sont
totalement liées à la perspective capitaliste, à l’organisation politique
existante et elles collaborent depuis des décennies avec ce programme de
libre marché néo libéral. »
Les étudiants doivent se tourner vers la classe ouvrière, a-t-elle
insisté, en Grande-Bretagne et internationalement : « La lutte est la lutte
contre le capitalisme international, contre les propriétaires des moyens de
production, et ce à quoi nous appelons sur le site internet World Socialist
Web Site c’est à la réorganisation de la société sur la base de la nécessité
économique, et non pas du profit. Ce qui est nécessaire c’est une
perspective internationale, une perspective socialiste – la prise de
contrôle des banques et des très grosses industries par les ouvriers.
« Cela signifie le renversement de la coalition gouvernementale et la
lutte pour un gouvernement ouvrier engagé à appliquer une politique
socialiste… Cela signifie construire un nouveau parti socialiste. »
Shaoul a été chaleureusement applaudie à la fin de sa conférence et la
réunion a ensuite ouvert la discussion. Le premier étudiant à parler a dit
que la réunion devrait exiger la démission de la direction du syndicat des
étudiants (National Union of Students, NUS) parce qu’elle avait refusé
d’accorder le moindre soutien à l’occupation : « Ils n’ont rien fait pour
nous et ne feront jamais rien pour nous, ils sont plus unis avec la haute
hiérarchie de l’université qu’ils ne le seront jamais avec nous, les
étudiants. »
Un membre du Socialist Workers Party (SWP) s’est immédiatement opposé à
cet appel à la démission de la direction du NUS, « parce qu’en fait ils
représentent un tas de gens et nous ne voulons pas les rejeter totalement. »
Plusieurs personnes dans l’auditoire qui se sont eux-mêmes identifiés
comme membres du SWP n’ont critiqué ni le NUS, ni la bureaucratie syndicale
ni le Parti travailliste qui soutiennent les mesures d’austérité
actuellement imposées par le gouvernement.
Un membre du SWP a dit que la construction d’un nouveau parti politique
« n’était pas réaliste » et qu'il était « extrêmement difficile de
construire un parti. » En s’opposant à toute perspective liant les
occupations et l’élargissement du mouvement anti-austérité dans une lutte
contre le capitalisme, il a ajouté, « La situation est que dans ce mouvement
nous n’avons pas le temps de rassembler les ressources nécessaires à la
construction d’un nouveau parti parce que cela ne ferait pas tellement de
publicité. »
Robert Stevens, membre du Parti de l’Egalité socialiste (Socialist
Equality Party, SEP), a également pris la parole dans la discussion. Il a
dit que le WSWS avait consacré une couverture extensive à la crise de la
dette grecque et à l’imposition des mesures de rigueur au cours de l’année
passée. Celles-ci ont été appliquées « par le PASOK, un gouvernement
travailliste ». En conséquence, « le niveau de vie a chuté de 30 pour cent
et il a été rapporté dernièrement que des millions de gens ne peuvent plus
payer leurs factures d’eau et d’électricité… Cependant, ce à quoi les
travailleurs sont confrontés en Grèce, c’est que les syndicats refusent de
lutter contre tout cela. »
« Les dirigeants des principaux syndicats en Grèce sont membres du PASOK.
Nous avons interviewé le porte-parole du syndicat du secteur privé et
d’autres responsables syndicaux haut placés. Ils ont dit que malgré une
aggravation de l’austérité, ils ne s’y opposeraient pas. Ils ont dit que les
syndicats n’étaient pas là pour renverser le gouvernement. »
En Grande-Bretagne les syndicats jouent le même rôle, a-t-il ajouté. « Le
Congrès des syndicats (Trade Union Congress, TUC) a dit qu’il n’y aura
aucune action, sauf un défilé prévu en mars, soit près d’un an après la mise
en vigueur des coupes sociales. »
Les occupations des étudiants en Grande-Bretagne ont eu lieu parce que le
NUS et les syndicats n’ont rien fait pour défendre l’éducation. « Les
travailleurs, les jeunes et les étudiants devront s’organiser
indépendamment, en comités d’action de travailleurs, et organiser des
occupations et des sit-in, etc. »
Un membre du SWP a répondu à Stevens en disant que ce n’était pas correct
de faire une analogie avec la situation en Grèce. « En Irlande, les
travailleurs n’ont pas réussi à répliquer victorieusement d’une manière
coordonnée, et ils paient vraiment maintenant pour la crise, » a-t-il dit.
« En Grèce, où les travailleurs ont vraiment commencé à résister, on voit
qu’il y a une véritable différence matérielle quant à la façon dont les
travailleurs s’en tirent dans ce pays. »
« Les leçons qu’il faut tirer de cela ne concernent pas le rôle de la
bureaucratie et comment elle essaie d'étouffer la lutte mais plutôt comment
on peut riposter sur le plan national, » a-t-il conclu. « Il y a une leçon
que nous pouvons apprendre de la Grèce, c'est comment organiser une grève
générale. »
C'est là une nouvelle défense ouverte de la bureaucratie syndicale. Les
grèves générales en Grèce ont été appelées par les syndicats tous les deux
ou trois mois, non pas pour lutter contre le gouvernement mais précisément
pour contenir un tel mouvement et pour garantir que le PASOK reste au
pouvoir.
La réponse donnée par le SWP à la conférence de Shaoul est instructive.
Elle montre clairement qu’il est opposé au développement d’un authentique
parti socialiste tout en insistant à chaque occasion sur le fait que le
monopole politique du Parti travailliste et du TUC ne doit pas être remis en
question.
(Article original paru le 30 novembre 2010)