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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

« La gauche » française attaque WikiLeaks

Par Antoine Lerougetel et Alex Lantier
15 décembre 2010

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Les cercles politiques français ont rallié avec férocité la chasse aux sorcières planétaire contre le fondateur emprisonné du site lanceur d'alerte WikiLeaks, Julian Assange, qui est d'origine australienne. Certaines des déclarations les plus venimeuses sont venues du parti de la « gauche » bourgeoise, le Parti socialiste (PS) et de ses satellites ex-radicaux de la classe moyenne tel le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) d'Olivier Besancenot et Lutte ouvrière (LO.)

WikiLeaks a publié des télégrammes diplomatiques révélant les desseins prédateurs de l'impérialisme américain, dont des documents sur la torture et le meurtre de civils perpétrés en secret en Irak et en Afghanistan et des discussions concernant une possible guerre contre la Chine. Le site révèle aussi la collaboration extensive avec Washington de régimes en Europe et de par le monde. Assange a reçu des menaces de mort et certaines personnalités aux Etats-Unis et au Canada ont suggéré qu'il faudrait l'assassiner.

Les Etats-Unis et leurs alliés ont à ce jour été incapables de trouver ou de concocter des motifs pour des chefs d'accusation contre Assange, concernant son journalisme d'investigation et le service public qu'il a rendu en tirant la sonnette d'alarme contre les secrets de la diplomatie. Néanmoins il a été arrêté en Angleterre le 7 décembre sur des accusations forgées de toute pièce d'un juge suédois, d'allégation de « viol » commis en Suède. La cour de Westminster a demandé qu'il reste en garde à vue jusqu'au 14 décembre et a refusé de le relâcher malgré des propositions de versement de caution par diverses personnalités tels le cinéaste Ken Loach et le célèbre journaliste John Pilger.

Comme on pouvait s'y attendre, le président Nicolas Sarkozy de l'UMP (Union pour un mouvement populaire) au pouvoir, allié à l'impérialisme américain et à ses aventures militaires néo-coloniales, a condamné WikiLeaks. Le ministre de l'Economie numérique et ancien membre en vue du PS, Eric Besson, qui s'était rallié à Sarkozy durant la campagne présidentielle de 2007, cherche à empêcher le serveur français de Wikileaks de l'héberger.

Besson a dit à la presse: « Lorsqu'un site est considéré comme criminel par un pays démocratique et ami, est-ce qu'on trouve naturel qu'il puisse être hébergé en France comme il l'a été depuis quelques jours ? … Ce n'est pas acceptable. » Quand on lui a demandé s'il allait aussi prendre des mesures contre Le Monde, journal de référence en France, pour sa publication des télégrammes affichés sur WikiLeaks, il a répondu avec ambigüité: « Ce n'est pas à moi de juger. »

En qualité de ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale du gouvernement de Sarkozy jusqu'au remaniement du mois dernier, Besson avait mené la campagne pour interdire la burqa et organisé le débat islamophobe sur l'identité nationale. Les mises en garde du WSWS que ces attaques contre les droits démocratiques des minorités vulnérables étaient le prélude à une attaque générale contre les droits démocratiques se confirment pleinement aujourd'hui.

Mais c'est de la « gauche » que sont venues certaines des attaques les plus insidieuses contre Assange et WikiLeaks. L'éditorial du 25 novembre du quotidien pro-PS Libération mettent outrageusement sur un pied d'égalité les « dégâts » causés par WikiLeaks et la dévastation semée par l'impérialisme américain sur les populations afghane et irakienne: «On peut reprocher à Julian Assange, qui publie ces notes avec souvent les noms des informateurs ou collaborateurs locaux - comme dans le cas de l’Afghanistan -, d’avoir le même dédain pour les dommages collatéraux qu’un stratège de l’US Air Force. »

Prétendre qu'il y a une équivalence morale ou politique entre des représentants d'Etat perpétrant des crimes de guerre et de la diplomatie secrète et des journalistes mettant au grand jour ce comportement est un mensonge répugnant. La référence du journal à des « dommages collatéraux » des frappes aériennes américaines est totalement cynique, car Libération se dit opposé à ces crimes alors même qu'il calomnie ceux qui essaient de révéler au grand jour ces crimes. Ceci révèle la position politiquement compromise de la « gauche » française qui aligne sa politique étrangère sur celle de Washington tout en lançant des appels cyniques à l'antiaméricanisme.

Libération nie aussi de façon absurde tout lien entre les accusations forgées de toute pièce contre Assange et la campagne d'Assange pour révéler des crimes gouvernementaux: «Il ne nous appartient pas de juger des sérieuses accusations «d’agressions sexuelles» qui pèsent sur Julian Assange. Rien dans l’état du dossier ne permet de lier ces charges, comme le fait l’inventeur de WikiLeaks, aux attaques dont son organisation fait l'objet. »

L'une des attaques les plus virulentes contre WikiLeaks est venue d'Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères du gouvernement de Gauche plurielle(PS, Parti communiste (PC) et Verts) de Lionel Jospin (1997-2002.) Le gouvernement de Gauche plurielle avait soutenu et participé militairement à l'invasion de l'Afghanistan par les Etats-Unis et ses alliés en 2001. Védrine a aussi été accusé par l'association « Génocide made in France » de responsabilité pour la complicité de la France dans la préparation et la perpétration du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, sous la présidence de François Mitterrand du PS.

Védrine a dit sur radio France Inter que WikiLeaks « c’est même la démonstration que la transparence, cet espèce de pseudo veau d’or n’apporte rien. Contrairement au président Wilson, qui combattait la diplomatie secrète, j’ai tendance à penser que dans la diplomatie entièrement publique, il y a toujours un risque de fanatisme.» Védrine a dénoncé le «mythe de la transparence absolue » comme étant du « totalitarisme masqué. »

La tentative de Védrine de salir les partisans de WikiLeaks en les traitant de défenseurs du fanatisme et du totalitarisme simplement parce qu'ils veulent que des décisions politiques et économiques majeures qui touchent la vie de milliards de gens, dont des projets de guerre de grande envergure, soient rendues publiques, est cynique et absurde. Qu'une personnalité publique majeure puisse insister pour dire que de telles décisions devraient se prendre sans que la population le sache témoigne de la profondeur de la déliquescence de la démocratie française et du bilan criminel de ses dirigeants. Il semble en effet très probable que Védrine s'inquiète de savoir combien de ces télégrammes WikiLeaks mentionnent son nom et ce qu'ils révèlent de ses actions.

Les réactions les plus méprisables devant la persécution d'Assange sont les déclarations des ex-radicaux soi-disant de gauche. Ils n'ont absolument pas cherché à utiliser les précieuses révélations de WikiLeaks pour montrer publiquement la brutalité de l'impérialisme américain, français ou mondial. Au contraire, ils se sont fait l'écho des médias bourgeois, en minimisant la signification des documents WikiLeaks.

Lutte ouvrière qui se prétend encore parfois trotskyste mais est souvent en alliance électorale avec le Parti socialiste, n'a consacré que dix lignes au sujet. Ils ont exprimé un certain amusement devant l'embarras de diplomates dont « les petits secrets » ont été révélés. Ils font remarquer que WikiLeaks a révélé qu'en 2006 Sarkozy avait proposé d'envoyer des soldats français en Irak et signalent qu'ils sont en fait en Afghanistan « Et là-bas [l'armée] tue et opprime des civils. »

Mais LO ne dit rien de l'arrestation d'Assange et ne lance aucun appel à sa libération ou pour sa défense.

Le site du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) n'a affiché que deux brèves références à WikiLeaks.. Son article daté du 10 décembre, trois jours après l'arrestation d'Assange, ne fait pas mention de son emprisonnement et n'appelle pas à prendre sa défense. Il se contente de faire remarquer que les activités de WikiLeaks « ont suscité de violentes polémiques et des intimidations au plus haut niveau, entraînant d’importants problèmes techniques et financiers pour son fondateur Julian Assange et ses collaborateurs. »

L'autre article sur la question, daté du 2 décembre, cherche à minimiser la signification du travail de WikiLeaks: « Pour l’instant peu des informations révélées par les documents publiés par Wikileaks sont des surprises sur le fond. » L'article poursuit en questionnant les motivations d'Assange: «les personnalités, le fonctionnement et surtout les motivations des fondateurs de Wikileaks restent obscurs et le seul amour de la vérité basé sur le piratage ne peut suffire à faire un programme politique progressiste. »

Cette position est fausse et réactionnaire. WikiLeaks n'a pas « volé » les documents qu'il a révélés au grand jour, il n'a fait que les afficher en tant que service public. Quant aux motivations d'Assange, il a réussi à donner au public une vision détaillée des projets corrompus et crimes de guerre des gouvernements capitalistes de par le monde. Des partis comme le NPA ou LO, qui malgré leur rhétorique fallacieuse prétendument de gauche ne cherchent pas à mobiliser la classe ouvrière en lutte contre ces gouvernements, réagissent avec un mélange d'indifférence et de calomnie.

Ceci reflète non seulement leur vision généralement droitière mais aussi les implications de leur orientation politique vers le Parti socialiste. En tant que partis qui pourraient devenir des partenaires de coalition au sein d'un gouvernement PS après les élections de 2012, ils n'ont aucun intérêt à faire de la diplomatie une affaire publique. En effet ils ont tout intérêt à empêcher que ne deviennent publics de futurs télégrammes écrits sur les crimes d'un gouvernement conduit par le PS.

Le fait que la « gauche » française se soit alignée dans le camp anti-Assange démontre à quel point ils sont à la droite de la société française. Un sondage effectué entre le 9 et 10 décembre a révélé que 54 pour cent des Français soutenaient WikiLeaks.. Pour les 18-24 ans le soutien s'élève à 73 pour cent et pour les moins de 35 ans il est de 67 pour cent. 66 pour cent des travailleurs défendent WikiLeaks. Le NPA et LO sont significativement à contre courant de leur propre base électorale, dont 78 pour cent se déclarent en faveur de WikiLeaks.

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