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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : Villepin acquitté dans le procès Clearstream

Par Alex Lantier
1er février 2010

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L'acquittement de l'ancien premier ministre Dominique de Villepin accusé de calomnie dans le procès Clearstream par le président Nicolas Sarkozy qui s'était porté partie civile est un coup significatif à l'encontre de Sarkozy et du système politique français. Bien que Villepin soit un candidat peu à même de  rassembler l'opposition politique contre Sarkozy, du fait de son bilan droitier, la décision de justice a fait naître les rumeurs d'une candidature de Villepin à l'élection présidentielle de 2012 et souligné le vide politique de l'opposition à Sarkozy.

Sarkozy avait accusé Villepin, en tant que ministre de l'Intérieur en 2004, d'avoir laissé le nom de Sarkozy sur les listings bancaires falsifiés de la compagnie de règlement-livraison Clearstream. Le but de cette opération présumée aurait été de discréditer Sarkozy, rival de Villepin à la candidature de l'UMP (Union pour un mouvement populaire) pour l'élection présidentielle de 2007. Après un procès qui s'est tenu en septembre et octobre derniers, le tribunal a délibéré pendant des mois avant de rendre jeudi son verdict.

Le tribunal a déclaré que Villepin n'avait « pas connaissance de la fausseté des listings. » Au lieu de cela, ont été déclarés responsables l'agent des services secrets et ancien cadre d'EADS (European Aeronautic Defence and Space Company) Jean-Louis Gergorin ainsi que l'ancien agent de la CIA et des services secrets français Imad Lahoud, qui ont tous deux été condamnés à des peines de prison fermes. Le tribunal a fait remarquer que Villepin était « réceptif à la dimension internationale de l'affaire » et à « l'avantage politique qu'il pouvait tirer de l'affaire » étant donné sa « rivalité notoire » avec Sarkozy.

Après le verdict, Villepin a dit à la presse : « Je n'ai aucune rancoeur, aucune rancune. Je veux tourner la page. »

L'avocat de Sarkozy, Thierry Herzog, a quitté le tribunal sans un mot et dans une conférence de presse donnée au Palais de l'Elysée, Sarkozy a refusé tout commentaire. Avant l'annonce du verdict, les médias spéculaient que Sarkozy ne laisserait pas passer un acquittement de Villepin. Cependant, l'Élysée a, peu après, fait une brève déclaration disant avoir « pris acte » du jugement et exprimé sa « satisfaction » de voir les coupables punis et déclaré qu'il ne ferait pas appel.

Le jugement sur l'affaire Villepin aura aussi des répercussions sur la comparution prochaine de l'ancien président Jacques Chirac. Le 30 octobre dernier, peu après la fin du procès Villepin, Chirac avait été accusé de détournement de fonds durant la période où il avait été maire de Paris entre 1977 et 1995.

Ce jugement est un embarras politique majeur pour Sarkozy. Durant le procès l'année dernière, il avait publiquement qualifié les accusés de « coupables. » Il avait précédemment promis, au cours d'une réunion avec des cadres du Groupe Lagardère en 2005 que les coupables seraient « pendus à un croc de boucher. »

La décision de Sarkozy de se porter partie civile contre Villepin pose une fois encore la question de la constitutionnalité des actes politiques du président. Le Monde écrit : « La Constitution fait du chef de l'Etat le garant de l'indépendance de la justice — il est président de droit du Conseil supérieur de la magistrature. Elle lui confère un rôle majeur dans l'organisation du système judiciaire et la nomination des magistrats. ... Sa place au banc des parties civiles, a fortiori contre un rival politique — et contrairement à cette tradition non écrite respectée par ses prédécesseurs de ne pas agir en justice — ne peut que mettre en péril ce fragile échafaudage. »

Le Monde ajoute que Chirac ne s'était pas porté partie civile contre Maxime Brunerie, jeune militant néofasciste qui avait essayé de l'assassiner en 2002.

Les listings de Clearstream eux-mêmes étaient apparus au grand jour lors des enquêtes des services secrets sur la corruption politique et les scandales de pots-de-vin impliquant les compagnies pétrolières et de défense françaises en Asie et dans ses anciennes possessions coloniales d'Afrique. Ces questions ont été enterrées au cours du procès et le jugement de Villepin ne les élucide en rien.

Tandis que les accusations portées par Sarkozy ont réussi à dissimuler ces scandales, l'attention qu'elles ont fait porter sur sa rivalité avec Villepin ont des conséquences non prévues. Le procès a pris le caractère d'un arbitrage judiciaire entre la politique et l'orientation de Villepin durant la période allant de 2002 à 2007 sous Chirac et celles de Sarkozy depuis son élection en 2007.

Elu après une campagne nationaliste comprenant un appel aux voix néofascistes du Front national et des indications donnant à comprendre qu'il travaillerait avec les syndicats, Sarkozy a représenté un nouveau style de politique droitière française. Il a négocié ouvertement des coupes sociales avec les dirigeants syndicaux et porté plus loin la politique anti-musulmane de Chirac qui s'en prenait au voile islamique porté par les femmes, en proposant l'année dernière une interdiction totale de la burqa.

La politique étrangère de Sarkozy a été ouvertement pro-américaine. Il a envoyé des contingents supplémentaires de soldats français en Afghanistan et dans le Golfe Persique en 2008, a réintégré la France au sein de la structure de commandement de l'OTAN en mars 2009 et, comme la compagnie pétrolière Total avait reçu des investissements dans les champs pétrolifères d'Irak, il a en règle générale évité de critiquer la politique étrangère américaine.

Se fondant sur une présentation sélective du bilan de Villepin, certaines sections de la presse ont commencé à le présenter comme une alternative à Sarkozy. En qualité de ministre des Affaires étrangères en 2002-2003, Villepin était la figure de proue aux Nations unies de la tentative de la France de rassembler l'opposition contre les projets américains d'invasion de l'Irak. Après avoir quitté ce poste, il s'était aussi montré critique des mesures anti-immigration de Sarkozy. En septembre 2007, il avait lancé une mise en garde disant que l'adoption de mesures anti-immigration en France pourrait se révéler dangereuse, car celles-ci risquaient de remuer les souvenirs populaires des rafles anti juives perpétrées par les autorités gouvernementales sous l'occupation nazie.

L'impopularité grandissante de la politique de Sarkozy met de plus en plus Villepin sur le devant de la scène. Le débat « sur l'identité nationale » que Sarkozy a mis en avant, au milieu de propositions d'interdiction de la burqa, est critiqué dans la presse, car ce débat est profondément impopulaire et encourage les opinions néofascistes. Du fait de l'opposition massive à la participation par la France à l'occupation de l'OTAN, Sarkozy a annoncé qu'il ne déploierait pas davantage de troupes de combat en Afghanistan.

Le fait que l'on mentionne à présent Villepin comme alternative politique à Sarkozy souligne avant tout le vide politique à gauche.

Le Journal du dimanche faisait remarquer qu'une candidature de Villepin représenterait une réelle difficulté au Parti socialiste (PS), parti traditionnel de gouvernement de gauche et aux partis associés tels le Parti communiste français (PCF) et les Verts. Le journal écrit que le verdict Villepin est une « Mauvaise nouvelle pour Sarkozy, sans doute, qui aura du mal à contenir [Villepin], mais mauvaise nouvelle pour la gauche surtout, qui va avoir à faire avec deux candidats très potables à l'UMP. Deux candidats très au-dessus des candidatures potentielles, supposées ou chuchotées pour l'instant au PS ou chez les Verts. Villepin relaxé, c'est un problème pour Martine Aubry, pour Royal, pour Hollande. »

De tels commentaires soulignent le fait que ces partis ont cessé d'être de quelque manière que ce soit des forces de « gauche. » Ils n'ont pas une seule personnalité qui puisse prétendre avoir un bilan mémorable d'opposition à la politique de Sarkozy sur les questions fondamentales de politique intérieure ou de relations internationales. En fait, le gouvernement de gauche plurielle (PS-PCF-Verts) de 1997 à 2002 avait mis en place des privatisations à grande échelle et envoyé les premiers contingents de soldats en Afghanistan.

Villepin lui-même ne jouit pas d'un soutien populaire pour la politique qu'il mettrait en place et il compte uniquement sur son image d'opposant de Sarkozy.

Le Monde cite la conversation de Villepin avec le député UMP François Goulard qui a dit : « Je suis certain que tu seras candidat en 2012. Et tout aussi certain que s'il n'y avait pas eu de procès, tu ne l'aurais pas été. » Ce à quoi Villepin a répondu : « Tu as tout compris. »

Villepin « n'est pas fondamentalement très populaire », a dit au magazine Les Inrockuptibles le sondeur Jérôme St Marie. Les Inrockuptibles commente: « L'absence d'opposant crédible à Sarkozy sur la scène politique française gonfle artificiellement sa popularité. »

Villepin était devenu premier ministre au milieu d'une crise de la politique étrangère de Chirac provoquée par l'échec du référendum de 2005 de créer une constitution de l'Union européenne. Durant sa période au gouvernement, la France avait continué à participer à la guerre en Afghanistan. La principale initiative de Villepin fut le Contrat première embauche (CPE) qui créait un nouveau type de contrat facilitant l'embauche et le licenciement pour les patrons embauchant des jeunes. Cette proposition avait provoqué des manifestations de grande ampleur au début de l'année 2006, où des millions de jeunes et de travailleurs étaient descendus dans la rue.

Sarkozy et les syndicats, de concert avec les soutiens politiques des syndicats dans les partis « d'extrême-gauche », avaient organisé un retrait partiel de la loi sur le CPE. Ceci avait donné un élan politique immense et une brève coloration populiste à Sarkozy durant la période précédant l'élection de 2007. Villepin avait quitté son poste avec une cote de popularité en dessous de 20 pour cent.

La décision des médias de promouvoir une telle personnalité comme principal opposant de Sarkozy souligne le fait qu'une opposition réelle à la politique de Sarkozy ne peut émerger qu'en dehors de l'establishment politique.

(Article original anglais paru le 29 janvier 2010)

 

 


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