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  WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le commandant américain exige de l’Allemagne un plus grand engagement militaire en Afghanistan

Par Stefan Steinberg
28 janvier 2010

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Le commandant de la Force d’Aide et de Sécurité internationale (ISAF) en Afghanistan, le général américain Stanley McChrystal, a suivi une démarche inhabituelle en donnant mercredi une interview au journal de boulevard Bild pour exiger un engagement plus grand de l’Allemagne à la guerre menée par les Etats-Unis. Dans son interview, McChrystal a clairement dit qu’il s’attendait à ce que l’Allemagne renforce ses troupes en Afghanistan. Il a aussi réclamé un changement de stratégie de la part des troupes stationnées dans la Nord du pays en impliquant une plus grande volonté de prise de risque et d’engagement au combat.

Cette interview, accordée au média de masse Bild, fait partie de la campagne entreprise par le haut commandement américain pour exercer, durant la période précédant la conférence sur l’Afghanistan prévue à Londres le 28 janvier, des pressions sur ses alliés européens dans le but qu’ils augmentent considérablement leurs contingents militaires.

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, du Parti libéral démocrate (FDP) a annoncé dernièrement que Berlin considérait que la conférence à Londres était une occasion de discuter d’une nouvelle stratégie pour l’Afghanistan et que le gouvernement allemand n’annoncerait un éventuel changement du niveau de ses troupes qu’à une date ultérieure. Westerwelle s’est également opposé à l’envoi de troupes supplémentaires en Afghanistan. L’intervention publique de McChrystal vise manifestement à faire pression sur le gouvernement allemand pour qu’il accepte de s’engager à un renfort de ses troupes lors de la conférence à Londres.

Au cours de la même interview, McChrystal a annoncé qu’il envisageait de recourir à la Conférence sur la sécurité de Munich en février comme plateforme supplémentaire pour se prononcer en faveur d’un renfort des troupes de la part des nations européennes. McChrystal a également déclaré qu’en vue de promouvoir la nouvelle stratégie américaine il rencontrerait durant son séjour en Allemagne des parlementaires allemands responsables de la mission en Afghanistan.

Dans son interview au Bild, McChrystal a critiqué la tactique militaire allemande dans le Nord de l’Afghanistan par laquelle les troupes allemandes restaient principalement dans leurs propres bases ou patrouillaient les territoires hostiles dans des véhicules blindés. Il était nécessaire pour « chaque armée d’accepter certains risques… et de changer la manière d’agir pratiquée jusqu’ici. » La conclusion à tirer des remarques faites par le général américain est claire. Les troupes allemandes doivent être prêtes à payer un plus fort tribut de sang en se salissant les mains en combat direct contre l’ennemi.

Dans une autre mesure destinée à accentuer la pression exercée sur le gouvernement allemand, le haut commandement américain a annoncé dernièrement son intention d’accroître considérablement le nombre des troupes américaines dans le Nord de l’Afghanistan, le territoire placé sous commandement allemand. L’armée américaine projette d’envoyer la semaine prochaine ses premières unités à Kunduz et à Mazar-e-Sharif en y déployant quelque 2500 soldats, y compris un bataillon d’hélicoptère d’ici l’été prochain. Les forces spéciales américaines sont déjà déployées à Kunduz.

Tout en critiquant les tactiques de l’armée allemande, McChrystal a surabondé dans la louange pour Karl-Theodor zu Guttenberg (Union chrétienne-sociale, CSU) le nouveau ministre allemand de la Défense. Les deux hommes se sont déjà rencontrés et, selon McChrystal dans son interview au Bild, le ministre allemand de la Défense s’est montré « très bienveillant à mon égard ce que j’ai apprécié. » McChrystal a ajouté, « Je pense que nous aurons de très bonnes relations de travail et il me tarde de commencer. »

Quant à Guttenberg, il a immédiatement réagi en exprimant son soutien aux propositions avancées par McChrystal. Réagissant le même jour encore devant le bâtiment du parlement à Berlin, le ministre de la Défense a qualifié les critiques du général américain à l’encontre des tactiques militaires allemandes comme « correspondant à la réalité. »

L’été dernier, au cours d’une visite à Kunduz, McChrystal avait déjà appelé l’armée allemande à adopter des méthodes d’entraînement américaines, maintenant zu Guttenberg a signalé la disposition des militaires allemands à vouloir le faire. Zu Guttenberg a dit que l’armée allemande ne pouvait plus se permettre de maintenir une quelconque « division rigide entre entraînement et sécurité, » en ajoutant, « un soldat formateur doit être capable de se protéger et de combattre. »

Certes, McChrystal peut compter sur le soutien inébranlable du ministre allemand de la Défense, mais il y a des inquiétudes grandissantes au sein de l’élite politique à Berlin sur la question de savoir si un soutien inconditionnel de la politique américaine en Afghanistan pourrait, en fin de compte, avoir un effet néfaste sur la politique étrangère et militaire allemande. C’est ce qui se cache derrière la réticence à faire des promesses de renfort de troupes en Afghanistan du ministre des Affaires étrangères Westerwelle et bien que ce dernier ne soit pas un adversaire de la politique étrangère américaine.

Dans un article intitulé « Le dernier combat de l’OTAN » («  NATO’s Last Stand») et écrit pour IP Global, William Drozdiak, le président du think-tank Américain Council on Germany, se fait l’avocat politique d’un engagement plus poussé de l’Allemagne en Afghanistan. Il a dit clairement que l’avenir de l’OTAN était en jeu : « La cohésion future de l’OTAN et la viabilité de la direction américaine de l’Alliance atlantique pourrait aisément dépendre d’un retournement ou non du conflit en Afghanistan, même si les alliés occidentaux rentrent chez eux sans une véritable victoire. » L’auteur avance ensuite l’argument que dans la guerre en Afghanistan, l’enjeu de l’Allemagne est le même que celui des Etats-Unis et elle doit « accepter une vaste part de responsabilité si elle (la mission de l’OTAN) échoue. »

Drozdiak déclare ensuite que la « chancelière Merkel et le ministre de la Défense zu Guttenberg sont confrontés à une tâche impressionnante pour persuader la population allemande que, contrairement à ce que beaucoup d’entre eux pensent, l’Afghanistan reste crucial pour la sécurité de l’Allemagne. »

En fait, le gouvernement américain depuis l’été dernier ne cesse d’exercer des pressions sur Berlin en vue d’un renfort de troupes. Même si le gouvernement de coalition entre les conservateurs et le FDP et emmené par Angela Merkel aimerait satisfaire la demande américaine, sa marge de manœuvre est limitée par l’énorme opposition publique à la guerre.

Selon des sondages d’opinion réalisés à la fin de l’année dernière, plus de 70 pour cent de la population allemande était opposée à la présence de troupes allemandes durant ces huit années de guerre en Afghanistan. Le massacre de Kunduz qui avait impliqué en septembre dernier une frappe aérienne sur ordre de l’armée allemande, a détruit le mythe que la présence militaire allemande en Afghanistan avait pour objectif la « reconstruction » et « le rétablissement de la démocratie » dans ce pays déchiré par la guerre.

Les toutes dernières révélations de corruption au sein du gouvernement afghan et les rapports d’une série de revers des troupes de l’OTAN contre les rebelles, associés à un nombre croissant de soldats allemands tués, n’ont servi qu’à attiser l’opposition publique à la guerre.

Dans le même temps, les cercles politiques et militaires allemands ont essuyé une série de rebuffades de la part du commandement militaire américain. Le président Obama a pris sa décision d’envoyer 30 000 soldats de plus sans consultation préalable de ses alliés européens, tout comme s’était effectué le dernier déploiement en date de troupes américaines dans le Nord de l’Afghanistan sans concertation avec le membre de l’OTAN en charge du contrôle de la région, en l’occurrence l’Allemagne. La stratégie américaine d’étendre la guerre au Pakistan avait également été décidée unilatéralement et en l’absence de toute considération pour les intérêts régionaux des alliés des Etats-Unis.

Dans le cas du massacre de Kunduz, les cercles militaires allemands ont également réagi avec indignation aux critiques promptement proférées par le général McChrystal contre les commandants allemands. McChrystal s’était personnellement rendu sur place pour inspecter les conséquences du bombardement aérien en publiant immédiatement un rapport révélant ses critiques à l’égard des officiers allemands qui avaient ordonné le bombardement de deux camions citernes remplis de carburant, tuant 170 personnes. Après le massacre de Kunduz, le ministre de la Défense zu Guttenberg a été invité à expliquer la justification qu’il avait initialement donnée du massacre.

Depuis la Deuxième guerre mondiale, la politique étrangère de l’Allemagne se fonde sur le soutien de l’OTAN et de son principal allié outre-Atlantique, les Etats-Unis, liée à une politique multilatérale visant des relations harmonieuses avec d’autres Etats y compris, depuis les années 1970, les Etats de l’Europe de l’Est. La première grande rupture s'est produite dans cette politique en 2002 lorsque le chancelier social-démocrate allemand, Gerhard Schröder, avait refusé de soutenir directement la guerre menée par les Etats-Unis contre l’Irak.

Après le remplacement de George Bush par le président Barack Obama il y a un an, l’élite dirigeante allemande avait espéré la fin de la politique étrangère unilatérale qui avait caractérisé le gouvernement Bush et qui avait abouti à la guerre désastreuse en Irak. Ses espoirs ont été rapidement anéantis. Bien que le gouvernement Obama soit tout à fait disposé à accepter les soldats allemands et européens comme de la chair à canon pour ses projets de guerre, il persiste à vouloir qu’il incombe à Washington de déterminer le programme militaire et géostratégique.

Le gouvernement allemand se trouve confronté à un dilemme. Pendant plus d’un demi-siècle il a été en mesure de mener sa propre politique étrangère en défendant ses intérêts sous les auspices des Etats-Unis. L’Allemagne n’a aucun intérêt à ce que l’OTAN éclate et n’a aucune stratégie militaire alternative à offrir en cas d’un effondrement de l’alliance. Dans le même temps, les voix se multiplient en Allemagne pour mettre en garde contre une politique étrangère qui emboîte le pas inconditionnellement aux Etats-Unis, une grande puissance dont l’influence politique et économique est en train de décliner et qui recourt de plus en plus souvent à des interventions militaires dangereuses et provocatrices.

(Article original paru le 22 janvier 2010)

 

 


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