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WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

Canada : Les conservateurs suspendent le Parlement encore une fois

Par Keith Jones
7 janvier 2010

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Le premier ministre conservateur Stephen Harper a exigé, et obtenu, de la gouverneure générale Michaëlle Jean l’ordre de proroger ou fermer le parlement canadien jusqu’au 3 mars.

La principale raison, bien qu’inavouée, du gouvernement conservateur minoritaire pour proroger le Parlement une seconde fois en douze mois est d’empêcher d’autres auditions parlementaires sur la complicité de l’Etat canadien dans la torture.

Ces auditions nuisent à l’image publique des Forces armées canadiennes (FAC) et perturbent les plans de l’élite canadienne qui vise à défendre ses intérêts en participant à des guerres impérialistes; et ce, malgré le soutien des trois partis de l’opposition pour le rôle majeur du Canada pour la guerre de contre-insurrection en Afghanistan.

Le mois dernier, Richard Colvin, un ancien haut diplomate canadien en Afghanistan, a affirmé devant la commission du ministère des Affaires étrangères que le gouvernement et les FAC avaient ignoré et supprimé ses avertissements répétés que les forces de sécurité afghanes maltraitaient et torturaient de présumés prisonniers talibans, y compris les centaines de prisonniers qui leur avaient été remis par l’armée canadienne en 2006-2007. Colvin a ensuite témoigné que ceux qui avaient été remis à la notoire Direction nationale de la sécurité afghane étaient des paysans et des gens ordinaires pris dans les opérations de ratissage des FAC.  « Autrement dit, a poursuivi Colvin, nous avons capturé beaucoup de gens innocents et les avons envoyés se faire sévèrement torturer. »

Le gouvernement — Harper et ses ministres, l’état-major des Forces armées canadiennes et les hauts fonctionnaires du gouvernement — a réagi au témoignage de Colvin par une campagne de diffamation et de désinformation. Ils l’ont accusé d’ignorance et d’avoir été dupé par les talibans. (Lire « Canada : Les conservateurs répliquent aux accusations de torture en Afghanistan par des mensonges et des insultes »)

Les assertions du gouvernement conservateur et de l’armée canadienne selon lesquelles avant mai 2007 ils n’avaient aucune raison de penser que les forces de sécurité afghanes pratiquaient la torture n’ont jamais été crédibles. Même le département d’Etat américain avait admis publiquement que l’Etat afghan pratique la torture.

Mais dans les dernières semaines, d’autres renseignements ont été dévoilés, provenant entre autres de documents des FAC, venant confirmer des éléments centraux du témoignage de Colvin. Des sondages d’opinion ont pendant ce temps révélé qu’une majorité de Canadiens croit Colvin, et non les conservateurs ou l’armée, et que le soutien populaire pour l’intervention des FAC en Afghanistan a diminué davantage.

La suspension des travaux parlementaires n’a pas été annoncée par Harper mais par son attaché de presse, Dimitri Soudas, lors d’une conférence de presse hâtivement préparée l’après-midi du 30 décembre, au beau milieu des vacances des fêtes.

Ces actions à la dérobée sont conformes aux gestes et aux intentions antidémocratiques du gouvernement.

En fermant le Parlement, les conservateurs espèrent éviter d’autres révélations de leur complicité criminelle et de celle des FAC. La complicité de l’Etat canadien dans la torture est non seulement répugnante, elle constitue un crime sous le droit international. Selon les Conventions de Genève, transférer des prisonniers s’il y a lieu de croire que leurs nouveaux geôliers vont les torturer constitue un crime de guerre.

Lors de la téléconférence de mercredi, Soudas a rejeté avec aigreur la suggestion selon laquelle la fermeture du Parlement par le gouvernement était motivée par sa détermination à saborder d’autres auditions concernant la question des détenus afghans.

« La réponse est non », a dit Soudas. « La commission… n’a trouvé absolument aucune preuve de méfait de la part des soldats, des diplomates et des forces armées du Canada. »

En fait, il y a une montagne de preuves. Si seulement une petite portion de ces preuves n’a vu le jour jusqu’à maintenant, c’est parce que le gouvernement utilise tous les moyens à sa disposition pour les supprimer.

Colvin a été menacé de poursuite sous les nouvelles et draconiennes lois de sécurité nationale du pays s’il comparaissait devant la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire au sujet des détenus afghans. Cette dernière a été poussée par des plaintes venant d’Amnistie internationale et de l’Association pour les libertés civiques de la Colombie-Britannique. (La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire, ou le CPPM, est une instance de supervision quasi judiciaire établie par le Parlement.)

Apprenant la situation dans laquelle se trouvait Colvin, la Commission des affaires étrangères de la Chambre des communes, qui, tout comme le Parlement lui-même, a une majorité de députés dans l’opposition, l’a invité à comparaître devant elle.

La campagne du gouvernement visant à supprimer toutes les enquêtes sur la question des détenus afghans est aussi marquée par ces actions :

• La tentative infructueuse du gouvernement pour que les tribunaux mettent fin à l’enquête du CPPM concernant le traitement des détenus afghans sur la base qu’elle ne peut légiférer sur cette question.

• Le refus du gouvernement de remettre au CPPM, dans un délai raisonnable, des documents dont il a besoin pour poursuivre son enquête. Les quelques-uns qui lui ont été remis ont été fortement censurés, souvent sur des pages entières.

• Le refus du gouvernement, pour des raisons de sécurité nationale, de fournir à la Commission des Affaires étrangères les documents reliés à la question des détenus afghans et sa décision subséquente de défier les pouvoirs du Parlement en s’opposant à une motion de la Chambre de communes qui lui demandait de fournir à la commission les documents requis.

•Un boycott par les conservateurs de la Commission des affaires étrangères pour la majeure partie de décembre qui l’a privée d’un quorum et, conséquemment, de ses pouvoirs formels.

Le modèle est clair : le gouvernement s’est donné beaucoup de mal, défiant et maintenant fermant le Parlement, afin de faire dérailler toute enquête sur la question des détenus afghans.

Incapable d’expliquer les vraies raisons du gouvernement pour proroger le Parlement, Soudas a prétendu que les conservateurs veulent consulter les Canadiens sur leur programme de fin de récession avant de divulguer un nouveau budget un jour après que le parlement ait repris ses activités.

L’attaché de presse de Harper a aussi noté que le Parlement aurait probablement été suspendu pour la majeure partie du mois de février en raison des Jeux olympiques de Vancouver.

La vérité dans cette affaire, c’est que le gouvernement veut empêcher ses adversaires politiques d’avoir une tribune pour deux mois. Ensuite, après les Jeux olympiques, que les conservateurs ont l’intention d’utiliser pour fouetter le patriotisme canadien et comme vitrine pour les ministres fédéraux, le gouvernement présentera un nouveau budget. Selon leurs résultats dans les sondages, ce budget sera ensuite utilisé par les conservateurs comme plateforme pour tenter d’obtenir une majorité dans des élections printanières.

C’est la deuxième fois en un peu moins d’un an que le gouvernement conservateur suspend le Parlement pour tenter de se sortir d’une mauvaise passe politique.

En décembre 2008, Harper, faisant appel aux pouvoirs de la gouverneure générale, non-élue et n’ayant de compte à rendre à personne, et bénéficiant de l’appui de la majorité écrasante de l’élite du monde des affaires canadien, a accompli un véritable coup constitutionnel. En violation flagrante des normes démocratiques et de l’histoire parlementaire, le gouvernement minoritaire conservateur a fermé le parlement pour empêcher l’opposition d’exercer son droit démocratique de faire tomber le gouvernement avec un vote de non-confiance, ceci moins de deux mois après une élection nationale qui n’avait donné de majorité à aucun parti et deux semaines seulement après que le parlement ait été rappelé (voir : Le coup d’Etat constitutionnel du Canada : Un avertissement à la classe ouvrière).

Cette fois, au contraire, les partis d’opposition ne menacent pas de défaire le gouvernement. Le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff a dans les faits donné un chèque en blanc à Harper et à ses conservateurs, répétant dans plusieurs interviews qu’il a données à la fin de l’année que son parti n’avait aucune intention de précipiter une élection en 2010. Le Bloc québécois, le parti indépendantiste, durant les quatre années de pouvoir du gouvernement conservateur, a constamment justifié son soutien « conjoncturel » au gouvernement Harper sur la base que c’était pour « défendre les intérêts du Québec ». Quant au Nouveau Parti démocratique (NPD), le parti bénéficiant du soutien des syndicats, il est venu à la rescousse du gouvernement l’automne dernier, s’abstenant de voter lors d’un vote de confiance, et a répété à maintes reprises qu’il était prêt à collaborer plus étroitement avec les conservateurs dans le but de « faire fonctionner » le Parlement.

Dans le système parlementaire canadien basé sur le système britannique, le gouvernement a beaucoup de latitude pour fixer l’ordre du jour et le calendrier du parlement. Ceci comprend la plupart du temps le droit de mettre un terme à la session parlementaire en cours.

Ceci étant dit, la prorogation du parlement de la semaine passée avait clairement un objectif réactionnaire et antidémocratique : empêcher d’autres révélations sur l’implication de l’État canadien dans la torture, stopper l’érosion du soutien à l’opération de contre-insurrection de type colonial en Afghanistan à laquelle participe le Canada et créer des conditions plus favorables pour l’élection d’un gouvernement conservateur majoritaire voulant la guerre à l’étranger et l’élimination de ce qui reste de l’État-Providence à l’intérieur.

De plus, il faut noter, tant l’an dernier lorsqu’ils ont voulu contrer la menace de l’opposition de les faire tomber que cette année lorsqu’ils ont fait dérailler toute enquête sur la façon dont le Canada a traité les prisonniers afghans, les conservateurs ont ouvertement appelé aux forces de l’extrême droite.

L’an dernier, les conservateurs ont cherché à fouetter le chauvinisme anglophone, avec leurs accusations que les libéraux et les « socialistes » du NPD complotaient avec les « séparatistes » du BQ.

Au cours des dernières semaines, les conservateurs ont accusé l’opposition de mener une campagne contre l’armée. Harper est allé aussi loin que donner un discours sur un navire de guerre des FAC qui avait clairement comme objectif de trouver un appui dans l’armée pour intimider ces adversaires bourgeois. Le premier ministre conservateur a déclaré : « À une époque où certains dans l'arène politique n'hésitent pas avant de lancer les allégations les plus sérieuses à nos hommes et nos femmes en uniforme, basées sur les preuves les plus minces, souvenez-vous que les Canadiens d'un océan à l'autre sont fiers de vous et vous appuient, et que je suis fier de vous, et je me tiens à vos côtés. »

Le leader libéral à la Chambre, Ralph Goodale. a appelé la prorogation du parlement « une insulte choquante à la démocratie ». Le chef du NPD Jack Layton a dit que le Canada avait « un sérieux déficit démocratique en plus d’un déficit économique astronomique ».

Mais ces partis — qui proposaient l’an dernier de remplacer les conservateurs avec une coalition dirigée par les libéraux « responsables fiscalement parlant », qui voulait implanter les diminutions de 50 milliards pour les entreprises du gouvernement Harper et de continuer la guerre en Afghanistan jusqu’en 2011 — sont incapables de mener une lutte réelle, populaire et progressiste contre les manœuvres réactionnaires et antidémocratiques des conservateurs.

L’an dernier, leurs protestations devant le coup constitutionnel de Harper n’ont pas duré 24 heures et aucun des partis n’a critiqué fonction réactionnaire de la gouverneure générale ou ses vastes pouvoirs arbitraires.

En réponse aux insinuations des conservateurs qu’ils couchent avec les talibans, les libéraux et le NPD se sont rués pour affirmer qu’ils « soutenaient les troupes » et que l’indifférence du gouvernement envers la torture « nuisait à la mission ». En réalité, la mission (la stabilisation de l’occupation de l’Afghanistan par les Américains et l’expansion de l’Otan dans l’Asie centrale riche en pétrole) est elle-même une entreprise criminelle qui engendre nécessairement la torture et les autres crimes de guerre.

(Article original publié le 31 décembre 2009)

 

 


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