wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

L’Europe en crise

Par Peter Schwarz
16 janvier 2010

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

Au début du nouveau millénaire, en mars 2000, les chefs d’Etat de l’Union européenne (EU) avaient annoncé la Stratégie de Lisbonne. Son objectif était de faire de l’Europe d’ici 2010 « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale. » Ceci devant créer « les conditions propices au plein emploi et de renforcer la cohésion régionale au sein de l’Union européenne. »

Au moment où la deuxième décennie du 21ème siècle commence, les aspirations qui avaient été formulées dans la capitale portugaise se sont évaporées. Au lieu du plein emploi, l’Europe est en prise avec un chômage de masse ; au lieu d’une croissance économique, il y a l’inflation ; au lieu de la cohésion, il y a la discorde. Même la monnaie commune, le fondement des projets grandiloquents de Lisbonne, connaît un danger imminent.

La Stratégie de Lisbonne était l’expression d’illusions largement répandues que l’Europe, de par l’élargissement et l’intégration plus poussée de l’UE, pourrait rattraper ou même dépasser les Etats-Unis en tant que grande puissance. Ceci devait se faire en raison uniquement de la puissance économique d’une Europe unifiée et sans les tensions sociales et les conflits politiques et militaires d’antan.

Ces illusions trouvaient leur expression la plus claire dans le discours prononcé par le ministre allemand des Affaires étrangères de l’époque, Joschka Fischer (Parti des Verts), en mai 2000 à l’Université Humboldt de Berlin. Fischer préconisait la transformation de l’Union européenne d’une confédération d’Etats en une fédération.

« Par le truchement d’une étroite imbrication des intérêts vitaux et le transfert des droits de souveraineté nationaux à des institutions européennes supranationales, » avait dit Fischer, les Etats européens signaleraient leur rejet de conflits nationaux qui avaient déchiré le continent avant 1945. Ce n’est qu’ainsi que l’Europe pourrait « jouer le rôle qui lui revient dans la compétition économique et politique mondiale. »

Depuis, l’idée de Fischer que l’Europe pourrait être organisée de manière harmonieuse sur une base capitaliste s’est révélée être un projet chimérique. A Paris, et tout spécialement à Londres, sa proposition avait été interprétée comme une tentative d’assujettir l’Europe aux dictats de Berlin. L’élargissement de l’Europe en Europe de l’Est s’est révélé être une arme à double tranchant. Cela a apporté non seulement l’expansion du marché interne mais aussi des dissensions politiques et l’instabilité.

En 2003, les Etats-Unis attaquèrent l’Irak en divisant l’Europe. Alors que les gouvernements britannique et polonais soutenaient totalement la guerre, les Allemands et les Français y étaient opposés. Le gouvernement américain se servit du conflit pour créer des dissensions entre la « vieille » et la « nouvelle » Europe.

La constitution européenne, ce qui restait des conceptions de Fischer, échoua en 2005 aux mains des électeurs français et néerlandais qui l’avaient correctement interprétée comme étant une tentative de subordonner le peuple d’Europe aux dictats des plus puissants intérêts financiers et économiques. Après une lutte politique acharnée qui avait duré plusieurs années, le cadre de la constitution européenne devait entrer en vigueur sous la forme du Traité de Lisbonne. Mais Berlin et Paris s’en étaient alors largement désintéressés. Ce que révéla la nomination aux deux postes clé, celui de président de l’Union européenne et celui de haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères, de deux personnalités de second plan et sans autorité.

Avec l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy et d’Angela Merkel, la France et l’Allemagne s’étaient à nouveau tournées vers une politique étrangère plus indépendante et plus centrée vers les Etats-Unis. En 2005, le chancelier allemand Gerhard Schröder (Parti social-démocrate) avait quitté son poste prématurément parce qu’entre autres l’orientation de sa politique étrangère vers la Russie l’avait de plus en plus isolé. Mais l’espoir que Washington réagirait avec une considération plus forte pour les intérêts de l’Europe était resté vain même après le changement de présidence de George W. Bush à Barack Obama.

La crise financière et économique internationale a à présent fait remonter à la surface toutes les contradictions non résolues de la politique intérieure et extérieure européenne. Dans le conflit entre les Etats-Unis et la Chine, et qui domine de plus en plus la scène mondiale, l’Europe est de plus en plus marginalisée et déchirée.

Les gouvernements allemand et français ont considéré avec amertume la décision de Washington d’étendre considérablement la guerre en Afghanistan sans consulter auparavant ses alliés de l’OTAN. D’un côté, ils ne veulent pas laisser la région, stratégiquement importante, à la seule influence des Etats-Unis ; de l’autre, ils craignent de devenir, dans une guerre qui ne cesse de s’intensifier, de simples agents des Etats-Unis. L’échec du sommet sur le climat de Copenhague et pour lequel l’Europe rend responsables les gouvernements des Etats-Unis et de la Chine, a encore provoqué la colère.

La crise économique a mis à nu la faiblesse inhérente à l’économie européenne. Les déficits budgétaires énormes en Grèce, en Irlande, en Italie, en Pologne et en Espagne menacent de briser les reins de l’euro. Jusque-là, la monnaie commune a empêché une dévaluation massive accompagnée d’une montée de l’inflation mais le cours élevé de l’euro lié à des taux d’intérêts en hausse rend impossible aux pays de la zone euro de surmonter la crise sur la base d’une économie de marché. Bruxelles a réagi en réclamant des coupes draconiennes des dépenses de l’Etat, notamment dans le secteur social.

La Grande-Bretagne, qui n’est pas un membre de la zone euro, est en train de devenir le grand malade de l’Europe. Son économie est fortement tributaire du secteur financier. Au cours de ces dix dernières années, le nombre des emplois industriels a baissé de 30 pour cent au Royaume Uni. Dans le même laps de temps, en Allemagne et en France, le déclin a été beaucoup moins important, de 5 et de 10 pour cent respectivement. Pour éviter l’effondrement du secteur financier, le gouvernement britannique s’est fortement endetté. La valeur de la Livre sterling a chuté en conséquence. Une crise bancaire de plus ferait planer le spectre de l’insolvabilité de la Grande-Bretagne.

Quant à l’Allemagne et, dans une moindre mesure, la France, leur relative puissance économique s’est révélée être leur talon d’Achille. La production industrielle en Allemagne en tant que pourcentage du produit intérieur brut est plus du double de celui des Etats-Unis. La relative puissance de la production industrielle allemande est liée à une croissance massive des exportations allemandes. Au cours de ces vingt dernières années, la part des exportations de la production allemande est passée de 20 à 47 pour cent du PIB. Même les exportations de la Chine ne comptent que pour 36 pour cent de son PIB.

Cette forte dépendance des exportations industrielles a rendu l’Allemagne tout particulièrement vulnérable à l’impact de la crise économique internationale. L’année dernière, la performance économique avait chuté de 5,3 pour cent. Dans la construction mécanique, les installations de production ne tournent actuellement qu’à 70 pour cent de leur capacité et, selon les experts, les chances qu’elles s’améliorent sont faibles.

L’industrie allemande d’exportation est soumise à des pressions massives à la fois des Etats-Unis et de la Chine. Les Etats-Unis ont exploité le faible dollar et leur bas niveau de salaire, imposé de force dans le cadre de la réorganisation de l’industrie automobile américaine, pour remporter un avantage compétitif sur leurs concurrents européens. Le transfert partiel de la production pour la Mercedes-Benz classe C d’Allemagne vers les Etats-Unis en est symbolique. Pour sa part, la Chine est en train de pénétrer des segments de marché réservés autrefois aux Allemands en raison de leur norme de haute qualité.

Les élites européenne et allemande réagissent aux problèmes et aux contradictions croissants tout comme elles l’avaient fait au début du siècle dernier : par des attaques sociales et politiques à l’encontre de la classe ouvrière et par un militarisme grandissant.

De nombreux gouvernements semblent être paralysés face aux problèmes croissants de politique étrangère et de conflits internes. En Allemagne, la coalition gouvernementale conservatrice et libérale (CDU/CSU-FDP) est marquée depuis son entrée en fonction en novembre dernier par des querelles internes. La chancelière Merkel est critiquée de toutes parts, accusée de manquer de détermination et de direction. Mais, en coulisses les recherches s’intensifient pour trouver de nouveaux moyens pour régner et rejeter les conséquences de la crise économique sur la classe ouvrière, étant donné que les méthodes du compromis social ont en grande partie été épuisées.

C’est dans ce contexte que se multiplient les attaques continues contre les droits démocratiques, tant en fomentant la peur du terrorisme que le ressentiment contre les Musulmans. Parmi ceux qui sont au premier plan des ces manifestations réactionnaires se trouvent le social-démocrate allemand Thilo Sarrazin et l’ancien membre du Parti socialiste français et actuel ministre de l’Immigration, Eric Besson. Le référendum suisse contre la construction de minarets a été suivi attentivement et de façon bienveillante par ces milieux. De telles mesures représentent une tentative de détourner l’attention des questions de classe et de mobiliser les couches de la classe moyenne pour les monter à un moment donné contre la classe ouvrière.

La population laborieuse doit tirer ses propres conclusions de l’échec des projets de la bourgeoisie européenne. Les travailleurs européens doivent s’unir pour défendre leurs propres intérêts sociaux et politiques. Ils doivent lutter pour une Europe socialiste sous la bannière des Etats unis socialistes d’Europe.

(Article original paru le 11 janvier 2010)

 

 


Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés