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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La France accusée de tentative d’assassinat en Guinée

Par John Newham
23 janvier 2010

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Suite à la tentative, le 3 décembre, contre la vie du président de Guinée, le capitaine Moussa « Dadis » Camara, le ministre de la Communication guinéen, Idrissa Chérif, a accusé le gouvernement français d’avoir été complice de l’attentat.

Camara a été attaqué par son aide de camp, Aboubacar « Toumba » Diakité. Chérif a déclaré que seules les autorités françaises connaissent le lieu de séjour de Diakité qui, dans une récente interview à RFI, comme le rapporte BBC News, a affirmé avoir tiré une balle qui a touché Camara à la nuque pour ne pas être arrêté et parce qu’il se sentait « trahi. »

Diakité avait été tenu pour responsable par le régime pour le massacre en septembre de 156 opposants dans le stade de Conakry, capitale de la Guinée. D’autres avaient été sévèrement battus et des femmes avaient subi des viols collectifs. Camara avait tenté de se distancer de l’incident à l’époque en niant avoir eu plein contrôle de l’armée. Toutefois, l’arrestation ultérieure des dirigeants de l’opposition et de ses partisans ainsi que le déploiement de soldats aux points de passage de la capitale, indiquent qu’il s’agit d’une campagne de répression menée par le gouvernement.

Camara, qui est soigné pour ses blessures à Rabat, capitale marocaine, est président depuis tout juste un peu plus d’un an après le décès de Lansana Conté qui lui avait été au pouvoir pendant 24 ans. Camara a promis d’organiser des élections libres et démocratiques en décembre 2010 et auxquelles il ne se présenterait pas. En septembre, les manifestations d’une foule évaluée à 50.000 personnes avaient eu lieu après l’annonce qu’il serait candidat aux élections prévues.

Une fuite d’un rapport des Nations unies fondée sur les interviews de plus de 600 personnes, relatait qu’au moins 109 jeunes filles et femmes avaient subi des viols, des mutilations sexuelles ou avaient été enlevées et violées à plusieurs reprises. Le rapport exige que Camara soit inculpé de crimes de guerre suite au massacre. C’est ce qui a intensifié la pression internationale sur le régime.

Le président Barack Obama et les présidents Ellen Johnson Sirleaf du Libéria et Abdoulaye Wade du Sénégal ont demandé que Camara démissionne. Ces derniers entretiennent des relations étroites avec les Etats-Unis et la France respectivement. La France, ancienne puissance coloniale, a annoncé qu’elle suspendrait l’aide militaire à la Guinée tout en maintenant les relations avec le pays malgré les atrocités perpétrées dans le stade de football.

Sous l’ancien président Lansana Conté, la Guinée s’était alignée plus étroitement sur les puissances occidentales. Conté avait imposé des mesures d’austérité et des réformes économiques dictées par le Fonds monétaire international et destinées à ouvrir l’économie aux entreprises occidentales en leur donnant accès aux importantes ressources minières y compris de bauxite, de minerai de fer, d’or, de diamants et d’uranium.

Mais la corruption officielle est chose commune et la Guinée occupe, aux côté d’Haïti, le rang d’Etat le plus corrompu du monde. Ceci a constitué une entrave majeure à l’investissement. Au cours des dernières années de son règne, le pays avait dégénéré en un Etat narcotrafiquant où l’élite politique et militaire accapare une part des revenus générés par le trafic de drogue en provenance d’Amérique latine et à destination de l’Europe via la Guinée.

Camara était arrivé au pouvoir en décembre 2008 en promettant de mettre fin à cette situation. Il avait tancé à la télévision les membres du régime précédent mais n’avait rien fait de substantiel pour mettre un terme soit au trafic de drogue soit à la corruption en général. De manière plus significative, il avait mis en colère en renégociant leurs contrats les sociétés minières qui ont d’importants intérêts en Guinée.

L’année dernière, Camara avait retiré à Rio Tinto une part de ses droits au titre du Projet des Mines de fer de Simandou en l’octroyant à BSG-Resources Guinée, une filiale appartenant à l’homme d’affaires israélien Benny Steinmetz de BSG-Resources. Simandou détient le plus important gisement de minerai non exploité du monde. Son développement est jugé essentiel à la survie de l’entreprise.

Le Times de Londres a remarqué que la Guinée avait reçu une offre majeure de la Chine qui est en train de rapidement développer ses intérêts en Guinée. La Russie et la Chine ont signé dernièrement un accord pour la construction en Guinée d’un barrage hydroélectrique pour la somme d’un milliard de dollars américains. En échange, les Chinois recevront un droit d’accès à des mines de bauxite. La Guinée détient un tiers des réserves mondiales de bauxite, le minerai à partir duquel on fabrique l’aluminium. Elle fournit près de la moitié de la bauxite importée en Amérique du Nord.

L’activité minière en général produit 25 pour cent du revenu national de la Guinée et l’extraction de la bauxite est le secteur le plus important de l’industrie. Mais, on s’attend à ce que les revenus miniers du gouvernement et qui sont tirés de la bauxite chutent de 60 pour cent cette année conformément à la baisse des cours mondiaux.

« Ce sont ces revenus qui permettent à l’Etat d’acheter du riz et de payer quelques-unes des obligations de l’Etat. La situation pourrait être très tendue, » a dit récemment Ibrahim Soumah, un ancien ministre des Mines et actuellement conseiller à la Banque mondiale.

Une hausse des prix du riz et du pétrole avait contribué à provoquer en 2007 des grèves de masse à l’encontre du régime précédent. La perspective d’un effondrement des revenus gouvernementaux a accentué l’urgence des appels des Etats-Unis et de l’Union européenne pour la tenue des élections. Les principaux groupes transnationaux requièrent un gouvernement qui soit capable de contrôler ce pays riche en minerai.

Ce qui est fondamental aux préoccupations des Etats-Unis c’est que la Guinée puisse ouvrir ses réserves considérables qui sont situées au large de son littoral. De récentes études sismiques dénotent des gisements appréciables, et certaines évaluations laissent supposer que ses gisements pétroliers au large des côtes pourraient approvisionner les Etats-Unis jusqu’à un tiers de ses besoins en une décennie.

La condamnation de la Guinée par les Etats-Unis comme étant un « gouvernement inconstitutionnel » montre que Washington ne veut pas qu’un régime politiquement instable et prêt à coopérer avec Moscou et Beijing garde indéfiniment le pouvoir. Camara a déclaré qu’il va rentrer en Guinée en dépit de l’opposition internationale.

La position des Etats-Unis en Afrique a souffert de la débâcle en Irak et en Afghanistan. Obama a dit clairement lors de sa visite en Afrique qu’il avait l’intention de réaffirmer l’hégémonie américaine sur le continent.

La secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, a réitéré le même message lors de sa visite. Elle a mis en garde que les investisseurs ne toléreraient pas un échec de la direction et des troubles civils. Obama a dernièrement profité de la présidence américaine de l’ONU pour convier des présidents africains à un déjeuner à l’ordre du jour duquel se trouvaient en première position le commerce et les investissements.

L’exigence des Etats-Unis pour l’organisation d’élections et de la « transparence » pour le gouvernement est le moyen par lequel le gouvernement américain espère démolir le régime des élites africaines qui persistent à vouloir prendre une part des profits générés par les entreprises transnationales.

Ce programme n’offre rien à la grande masse de la population qui a déjà perdu les petites concessions qui lui avaient été faites après l’indépendance. Selon le Programme alimentaire mondial, 53 pour cent de la population de la Guinée vit dans la pauvreté et le nombre grimpe à 70 pour cent dans les régions rurales. Seuls 16 pour cent de la population a accès à l’électricité. Il n’est pas rare de voir des étudiants venir étudier à l'aéroport de Conakry pour avoir accès à l'électricité. Le revenu moyen est inférieur à un dollar par jour et fait de la Guinée l’un des pays les plus pauvres du monde en dépit de ses vastes richesses minérales.

L’instabilité actuelle pourrait aboutir à un réalignement au sein de la direction de la junte ou à la promotion par les puissances occidentales du dirigeant de l’opposition, Alpha Condé, qui est à la tête du Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG) pour fournir ainsi des opportunités plus favorables à une exploitation plus poussée des ressources du pays aux dépens de la population en général.

(Article original paru le 11 janvier 2010)

 

 


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