La composition du
gouvernement minoritaire constitué du Parti social-démocrate et
des Verts dans le Land de Rhénanie-du-Nord/Westphalie (NRW) a des
implications politiques majeures au niveau fédéral.
Depuis des mois, les
critiques des médias vont s'amplifiant à l'encontre de la
coalition gouvernementale dirigée par l'Union
chrétienne-démocrate (CDU) et qui comprend l'Union
chrétienne-sociale (CSU) et le Parti libéral démocrate (FDP).
Les journaux d'affaires,
notamment le Handelsblatt, qui est publié à Düsseldorf, la
capitale du Land de NRW, le Frankfurter Allgemeine Zeitung et
Der Spiegel font subir à la chancelière Angela Merkel un
véritable pilonnage politique.
Certaines sections de
l'élite dirigeante pensent que le gouvernement Merkel est trop
faible pour appliquer les mesures d'austérité que les banques et
le patronat exigent. Elles ont été déconcertées par les conflits
internes récurrents entre les partenaires de la coalition et
rejettent la faute sur Merkel pour une certaine faiblesse dans sa
gestion.
Le gouvernement fédéral
est incapable de mener à bien « les réformes vitales pour
l'économie » (Handelsblatt) et, selon les critiques
des médias, il cherche à dissimuler sa faiblesse en clamant de
manière provocatrice son intention d'imposer des mesures sociales
dures en provoquant inutilement des protestations.
Ces
mêmes organes de presse qui critiquent Merkel parlent favorablement
du parti d'opposition, le Parti social-démocrate (SPD) et plus
encore des Verts.
La composition récente
d'un gouvernement minoritaire SPD/Verts dans le Land le plus
peuplé d'Allemagne, la Rhénanie-du-Nord/Westphalie, représente
un pas en direction d'un changement de gouvernement au niveau
fédéral, impliquant soit l'un soit les deux partis d'opposition.
Suite au changement de
pouvoir en NRW, le gouvernement Merkel a perdu sa majorité au
Bundesrat (la chambre haute du parlement allemand) et ne peut donc
promulguer de lois qu'en coopération avec les partis
d'opposition. L'élection de Hannelore Kraft (SPD) au poste de
ministre-président du Land de NRW, qui est prévue pour la semaine
prochaine, est saluée par le Frankfurter Rundschau comme
étant « l'aube d'un avenir SPD-Verts ».
Le SPD tout comme les
Verts ont précédemment formé des gouvernements en NRW de même
qu'au plan fédéral. Ce qui est nouveau dans cette coalition
« Rouge-Verte » en NRW c'est l'inclusion du parti La
Gauche (Die Linke) comme facteur critique dans le gouvernement d'un
grand Land d'Allemagne de l'Ouest.
Une
voix manque à la coalition SPD/Verts à Düsseldorf pour atteindre
le nombre requis pour l'adoption du budget du Land en automne. Il
est peu probable qu'elle reçoive la voix requise du CDU ou du
FDP. La coalition doit compter sur La Gauche pour lui fournir cette
voix et maintenir ainsi le SPD et les Verts au pouvoir en NRW. Quant
à La Gauche, elle s'empresse de proclamer son soutien loyal.
Dans une interview
accordée au journal KölnerStadt-Anzeiger (de
Cologne), la dirigeante de La Gauche, Gesine Lötsch, a dit
mercredi : « Nous avons dit dès le début que nous
remplacerons Rüttgers [le ministre-président CDU sortant] et que
nous voulons un changement de politique. Nous n'empêcherons pas
Mme Kraft de prendre ses fonctions. »
Lötsch a poursuivi en
insistant que La Gauche était « tout à fait fiable »
sur cette question en ajoutant que le parti était « à 80
pour cent d'accord » sur les questions principales et qu'il
était prêt à négocier sur le reste.
Il y a un contraste
frappant entre la composition du nouveau gouvernement en NRW et la
situation qui existait dans le Land de Hesse il y a 18 mois. Après
l'élection régionale de Hesse fin 2008, la présidente régionale
du SPD avait tenté de former un gouvernement avec le soutien de La
Gauche. Mais elle en avait été empêchée par les médias, la
direction nationale du SPD ainsi que par l'aile droite de son
propre groupe parlementaire.
Les choses se présentent
différemment à présent. Initialement, Hannelore Kraft, qui
travaillait avant comme conseillère en affaires et qui est proche
de l'aile droite du SPD, n'a pas caché son opposition à toute
collaboration avec La Gauche. Ce n'est que sous la pression du
dirigeant du SPD, Sigmar Gabriel, et d'une grande partie des
médias, qu'elle a changé d'avis.
Comment s'explique ce
changement de position du SPD et d'une grande partie des médias ?
Fin 2008, la crise
économique venait tout juste d'éclater et paraissait gérable.
Le gouvernement fédéral de l'époque était une grande coalition
entre le CDU et le SPD, et la classe dirigeante misait soit sur sa
continuation soit sur son remplacement par une coalition entre
CDU-CSU-FDP. Le parti La Gauche était considéré comme un facteur
incertain dont l'implication dans le gouvernement était vue comme
nuisible et inutile.
Quinze mois plus tard,
l'impact total de la crise économique se fait sentir. La classe
dirigeante est déterminée avant tout à faire payer la classe
ouvrière pour la crise au moyen de coupes massives qui réduiront à
néant l'Etat providence d'après-guerre. La coalition actuelle
n'a pas réussi à satisfaire les attentes de la bourgeoisie, elle
est minée par des dissensions internes, pratique le clientélisme
politique et est confrontée à une résistance croissante de la
population.
Dans ces conditions, La
Gauche se voit confier la tâche de conférer un vernis
pseudo-gauche à un gouvernement SPD-Verts. Pour sa part, cette
coalition n'a pas l'ombre d'un doute quant aux tâches qu'elle
doit remplir.
Le gouvernement
« Rouge/Vert » en NRW, qui est soutenu par La Gauche, a
été instruit de faire preuve d'une plus grande unité interne en
recourant à ses liens avec les syndicats afin d'intervenir plus
efficacement et plus impitoyablement contre la classe ouvrière que
n'a pu le faire l'actuelle coalition fédérale. Les personnes
influentes de l'élite dirigeante allemande sont tout à fait
conscientes qu'en Grèce, en Espagne et au Portugal les mesures
d'austérité drastiques sont imposées par des gouvernements
sociaux-démocrates soutenus par les syndicats.
Pour diriger, le nouveau
gouvernement de NRW prend modèle sur la coalition fédérale
SPD/Verts dirigée par Gerhard Schröder (1988-2005) et sur la
coalition SPD/Verts/La Gauche en place au Sénat de Berlin et menée
par Klaus Wowereit. Dans les deux cas, les attaques brutales contre
les programmes sociaux et les conditions de vie de la classe
ouvrière ont été perpétrées par les partis de « gauche »
de la bourgeoisie.
A la fin de l'année
dernière, la dette publique du Land de NRW était de 122,1
milliards d'euros et l'on s'attend à ce qu'elle passe cette
année à 129,1 milliards d'euros. Le paiement des intérêts aux
banques s'élève actuellement à environ 4,6 milliards d'euros
et son montant ne cesse d'augmenter. Des réductions drastiques
des dépenses sont en préparation.
Pour ne pas compromettre
leur venue au pouvoir en NRW, le SPD et les Verts ont reporté les
pires coupes jusqu'à la tenue des négociations budgétaires, à
l'automne prochain. La suppression des droits d'inscription et
l'augmentation des place en crèches et dans les jardins d'enfants
stipulée dans l'accord de la coalition sont avant tout destinées
à obtenir le soutien des syndicats et des organisations sociales,
soutien qui sera indispensable en automne au moment où les mesures
d'austérité seront annoncées. Immédiatement après l'annonce
de l'accord de coalition, le directeur de district du syndicat IG
Metall, Oliver Burkhardt, a déclaré que son syndicat apporterait
son plein soutien au nouveau gouvernement.
Dans
cet essai de réalignement politique au niveau fédéral, La
Gauche doit démontrer sa fiabilité et sa volonté de servir de
pilier important du régime bourgeois.
Un gouvernement SPD/Verts,
qu'il soit soutenu par La Gauche ou qu'il l'inclut, serait tout
à fait capable d'introduire des formes autoritaires de
gouvernement. Un tel gouvernement n'hésiterait pas à recourir à
des mesures brutales pour contrer l'opposition sociale que lui ou
les syndicats ne seraient pas à même de contrôler.
Un regard jeté sur le
passé montre que les soi-disant gouvernements de « gauche »,
tels les gouvernements de Front populaire des années 1930 en
Espagne et en France, avaient réprimé l'opposition sociale en
ouvrant la voie à des régimes droitiers et fascistes. Le danger
d'un tel développement est révélé par les événements récents
survenus en Hongrie et aux Pays-Bas. Dans ces deux pays, les partis
sociaux-démocrates ont supervisé un déclin social dévastateur et
renforcé l'influence des partis d'extrême droite.
L'affirmation qu'un
gouvernement SPD/Verts/La Gauche serait un « moindre mal »
en comparaison de l'actuelle coalition fédérale est fausse. La
classe ouvrière doit rejeter la politique opportuniste de La Gauche
et intervenir en tant que force politique indépendante. Ceci
nécessite la construction d'un nouveau parti, le Partei für
Soziale Gleichheit (Parti de l'Egalité sociale), qui s'oppose
au capitalisme et qui s'attaque aux racines des problèmes.