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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La politique de classe de l'Europe : austérité pour les travailleurs et baisse d'impôts pour le patronat

Par Stefan Steinberg
13 juillet 2010

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Un nouveau rapport du bureau européen des statistiques, Eurostats, révèle que peu de temps après la plus grave crise économique depuis les années 1930, les gouvernements continuent de diminuer les impôts sur les sociétés tout en augmentant le fardeau fiscal de la population laborieuse.

Le rapport d'Eurostat rapporte que les gouvernements européens ont baissé le taux moyen des impôts sur les sociétés partout sur le continent en le faisant passer d'un niveau de 23,5 pour cent en 2009 à son niveau le plus bas de 23,2 pour cent. La réduction poursuit une tendance qui dure depuis de nombreuses années et qui a résulté en un changement majeur de la politique fiscale.

Ce n'est que l'une des expressions de la politique de classe impitoyable pratiquée par les gouvernements de par l'Europe et internationalement - qu'ils soient nommément de « gauche » ou conservateurs - pour faire payer à la classe ouvrière la crise du système capitaliste. La conséquence en est un creusement des inégalités sociales de plus en plus important au fur et à mesure que la richesse est redistribuée du bas vers le haut.

Les grandes entreprises, les banques et les ultra-riches sont de plus en plus exemptés de payer des impôts. Les déficits qui s'ensuivent dans les budgets d'Etat, exacerbés par les centaines de milliards qui ont été octroyés aux banques par le biais des plans de sauvetage sont à présent récupérés par une combinaison de hausse des impôts sur la consommation, qui touche le plus lourdement la classe ouvrière, et de réductions brutales des programmes sociaux, des emplois et des salaires dans le secteur public.

Initialement, la Commission européenne avait fixé un taux d'imposition cible sur les sociétés de 45 pour cent. Dès 1992, cet objectif était révisé à la baisse et passait à 30 pour cent.

Au cours de ces dix dernières années, les taux d'impôts sur les sociétés ont chuté en Europe de près de 12 pour cent. Le niveau actuel de 23,2 pour cent signifie que le taux moyen en Europe est inférieur de 10 pour cent au taux nominal aux Etats-Unis.

Depuis le milieu des années 1990, la plus grosse économie de l'Europe, l'Allemagne, a réduit son taux d'imposition sur les sociétés d'un pourcentage énorme de 27 points de pourcentage, tandis que son taux maximum pour les impôts sur le revenu personnel a été réduit de 9,5 points. Durant la même période, l'Espagne et la France ont baissé leur taux d'imposition sur le revenu le plus élevé d'environ 13 points de pourcentage. L'Italie a réduit son taux d'imposition sur les sociétés de 20,8 points et son taux d'imposition personnel sur le revenu de 6,1 points.

En commentant la tendance d'imposition en Allemagne, Peter Bofinger, membre du Conseil économique des sages, a écrit dans le journal Süddeutsche Zeitung, « Si nous avions le taux d'imposition en vigueur en 1998, nous aurions 75 milliards d'euros de recettes de plus par an. »

Mercredi, le conseil des ministres s'est réuni pour discuter des projets de réduire de 81,6 milliards d'euros le budget du pays sur les quatre années à venir. Les projets impliquent une réduction majeure des dépenses dans une série de secteurs sociaux, ce qui aura des conséquences désastreuses pour des millions de travailleurs et leurs familles. Le montant que le gouvernement envisage d'économiser ces quatre prochaines années est presque équivalent aux pertes annuelles de recettes du gouvernement dues à la baisse du taux d'imposition des sociétés de ces deux dernières décennies.

Thomas Piketty, professeur à l'Ecole d'économie de Paris, a écrit : « Nous avons en Europe une concurrence fiscale et la conséquence en est très simple : le facteur variable de la production autrement dit, le capital, est de moins en moins taxé ; en conséquence, un facteur moins variable telle la main-d'ouvre peu qualifiée est surtaxée. »

Cette surtaxation de la main-d'oeuvre prend la forme d'augmentations régulières des impôts sur le revenu et la consommation. Selon le rapport d'Eurostat, le taux d'imposition du revenu est passé en moyenne à 37,5 pour cent partout en Europe contre 37,1 en 2009. La taxe à la valeur ajoutée a également augmenté en 2009 en moyenne de près de 0,5 pour cent.

Depuis 2000, 12 des 27 pays de l'UE ont augmenté leurs impôts sur les biens de consommation, le plus fort taux de TVA (25 pour cent) étant actuellement prélevé en Hongrie, au Danemark et en Suède.

La part apportée par la main d'oeuvre aux budgets de l'Etat est en hausse continuelle. Actuellement, la part provenant de l'impôt sur le revenu constitue 40 pour cent de toutes les recettes de l'Etat. Les impôts sur la consommation comptent pour 25 pour cent de plus. Les impôts sur les sociétés représentent à peine 15 pour cent du revenu de l'Etat. La conséquence certaine de ce développement est l'accroissement de l'inégalité.

Camille Landais, économiste français travaillant à l'université de Californie, a parlé d'une « explosion des hauts revenus » en France depuis la fin des années 1990 et pour laquelle les réductions d'impôt accordées au patronat jouent un rôle majeur.

Pour résumer ce processus, Landais a remarqué qu'en Europe les inégalités sont encore bien moins prononcées qu'aux Etats-Unis. « Mais la tendance va de pair avec les tendances en cours aux Etats-Unis depuis les années 1980. Si les systèmes fiscaux - qui sont bien plus nivelés que ne le pensent la plupart des gens - continuent d'être aussi nivelés qu'ils le sont, il est clair que dans vingt ans il n'y a pas de raison que la France et l'Allemagne ne rejoignent pas les Etats-Unis en matière d'inégalités.

L'auteur Göran Therborn affirme que de tels niveaux d'inégalité sociale extrêmes sont incompatibles avec la démocratie. Therborn souligne : « L'écart de revenu entre ceux du haut de l'échelle et le travailleur moyen est à présent bien plus grand qu'il ne l'était avant les temps modernes. En 1688, les baronnets anglais disposaient d'un revenu annuel d'environ une centaine de fois plus élevé que celui des travailleurs et des domestiques et 230 fois celui des ouvriers des industries familiales et des miséreux. En 2007-8, les PDGs des 100 premiers groupes cotés au FTSE de Londres recevaient un salaire 141 fois supérieur au revenu médian de tous les employés à plein temps du Royaume Uni et 236 fois supérieur à celui des gens travaillant «dans le secteur de la vente et du service à la clientèle.»

Cette orgie de réduction d'impôts pour le patronat et les ultra-riches a été appliquée par les gouvernements européens, toutes tendances politiques confondues, mais dans les deux plus grandes économies du continent, l'Allemagne et la France, ce sont des gouvernements dits de « gauche » qui ont initié le processus.

En Allemagne, des concessions sans précédents accordées au patronat et aux banques ont été appliquées par la coalition du Parti social-démocrate (SPD) et des Verts dirigée par le chancelier Gerhard Schröder (1998-2005).

En France, c'est le gouvernement socialiste (1997-2002) dirigé par le premier ministre Lionel Jospin qui a entamé le processus de coupes drastiques des taux d'imposition applicables aux sociétés et aux hauts revenus, et qui a ensuite été poursuivi par les gouvernements conservateurs suivants,y compris le gouvernement dirigé par le président Nicolas Sarkozy.

Ces partis bourgeois prétendument de « gauche » ne sont pas moins hostiles aux intérêts de la classe ouvrière en agissant dans l'intérêt de l'élite financière que leurs homologues conservateurs.

La seule solution à l'accroissement des niveaux d'inégalité sociale obscènes et à la menace qui y est liée de formes dictatoriales de gouvernement est la mobilisation indépendante de la classe ouvrière en Europe et internationalement afin de prendre le pouvoir et d'accomplir la réorganisation de la société dans le but de satisfaire les besoins sociaux plutôt que les intérêts de profit des banques et du patronat.

(Article original paru le 8 juillet 2010)

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