Le premier ministre espagnol, José Luis Zapatero, a été
obligé le 2 juillet de mettre sur pied en catastrophe une défense de la
solvabilité économique de l’Espagne après que l’agence de notation
Moody’s a annoncé la mise sous surveillance de la note souveraine du
pays. Moody’s a justifié cette mise sous surveillance par la dégradation
des estimations de la croissance économique et la probabilité que le pays
n’atteigne ses objectifs fiscaux.
Zapatero a déclaré, « J’ai confiance en la
force de nos entités financières qui forment un pilier crucial de la force
économique de notre pays. »
L’annonce de Moody’s faisait suite à la
dégradation de la note de crédit de l’Espagne par Fitch Ratings en avril
et par Standard and Poor’s en mai. Les marchés financiers internationaux
ayant littéralement coupé tout crédit à l’Espagne et le gouvernement
étant obligé d’offrir des obligations aux rendements record, le pays se
trouve au bord du défaut de paiement. L’inquiétude est largement répandue
dans les cercles financiers que l’Espagne sera le prochain pays à se
trouver confronté à une crise de style grec.
L’annonce faite par Moody signifie que les mesures
d’austérité drastiques et les réformes sur le marché du travail qui sont
appliquées par le gouvernement du Parti socialiste (PSOE) n’ont pas
réussi à satisfaire les institutions financières internationales.
D’autres attaques sont imminentes. Fin juin, le gouverneur de la Banque
d’Espagne, Miguel Ángel Fernández
Ordóñez, a réclamé « une accélération plus grande et un consensus sur la
réforme des retraites » ainsi que l’application par les
gouvernements régionaux « de coupes radicales » afin « de
dissiper l’incertitude que nous avons observée ces dernières
semaines. »
Le gouvernement a fait grand cas de sa campagne de faire
pratiquer par l’Union européenne (UE) des enquêtes publiques sur la
solvabilité des banques espagnoles, surnommées « stress tests »
(tests de résistance). Zapatero les considère comme une sorte de panacée pour
les problèmes espagnols – un moment « défini » pour le retour
de la confiance dans l’économie espagnole. « Il n’y a rien de
mieux que la transparence pour générer la confiance, » avait ajouté Zapatero.
Les stress tests avaient été initialement introduits
l’année dernière par l’UE qui affirmait que les tests évalueraient
des projets de restructuration des banques nécessitant de l’aide. Quelque
22 banques furent examinées dont la Deutsche Bank et la Commerzbank en
Allemagne, la BNP Paribas et le Crédit agricole en France et la RBS, la
Barclays et Lloyds au Royaume-Uni. Toutefois, seuls les résultats
d’ensemble furent publiés – provoquant l'accusation que les
résultats médiocres des banques plus faibles étaient occultés.
La mesure n'avait pas réussi à satisfaire les marchés et
la pression pour l’examen de la solvabilité d’autres banques
européennes avait augmenté. Entre 60 et 120 banques supplémentaires ont depuis
subi les stress tests dont les caisses d’épargne locales espagnoles
(cajas) qui furent durement touchées par l’effondrement du boom de la
construction en 2008. Les cajas furent obligées de reprendre des logements non
vendus ou saisis en espérant pouvoir les vendre quand le marché de l’immobilier
connaîtrait une reprise. Non seulement ceci ne s’est pas matérialisé mais
a empiré. Les cajas détiennent des dizaines de milliards d’actifs dont
elles essaient désespérément de se débarrasser.
Un chroniqueur a fait remarquer: « Alors que de
nombreuses banques du pays se ruent pour se décharger de leurs actifs
immobiliers, elles offrent aux consommateurs des contrats qui ont tout l'air de
ressembler ceux qui avaient jeté l’économie mondiale dans la récession il
y a deux ans. »
La crise des cajas était devenue critique à la fin de
l’année dernière quand le gouvernement fut contraint de participer au
sauvetage de la Caja Castilla La Mancha en débloquant 9 milliards
d’euros. Plus récemment, il dû organiser le renflouement de CajaSur
contrôlée par l’église catholique. En conséquence, la Banque
d’Espagne fut obligée d’annoncer un projet de fusion de 39 des 45
cajas du pays en une poignée de nouvelles institutions en octroyant ce faisant
des milliards d’euros. La plus grosse nouvelle banque comprendra sept
cajas pour devenir la troisième plus grande banque d’Espagne derrière
Banco Santander et BBVA. Les premiers rapports suggèrent que le personnel sera
réduit de 15 pour cent et qu’un quart des filiales locales seront
fermées.
Le mois dernier, les ministres des Finances de l’UE
se sont mis d’accord pour réclamer du gouvernement espagnol la
publication d’ici la mi-juillet des résultats des stress tests des
banques individuelles. Mais, selon le site internet euroactiv.com, qui est dirigé par plusieurs associations de banquiers
internationaux, sociétés de crédit immobilier et comptables, les stress tests
ne font que donner aux banques une note de réussite ou d’échec sans
« montrer exactement à quel point une banque est proche de la faillite
dans certains cas de figure, comme dans le cas d’une aggravation de la
crise des dettes souveraines. »
Une source anonyme a dit « Certains cas de figure qui
devraient être inclus ne le sont pas, du moins dans ce qui sera révélé
publiquement et qui sera édulcoré afin d’éviter une panique des
marchés. »
« Dans certains cas de figure des banques européennes
finiraient par faire faillite et bien évidemment ils ne publieront pas
cela, » a poursuivi la source anonyme.
L’analyste de la politique financière européenne,
Kevin Newman, a renchéri : « Cela ne sert pas à grand-chose de faire
ces tests vu que la méthodologie et la transparence ne seront pas solides.
« Il suffit de regarder le montant total de
liquidités que la Banque centrale européenne accorde aux banques pour savoir
que de larges pans du secteur bancaire européen courent le danger de devenir
insolvables. »
Les remarques de Newman visent en particulier
l’Espagne:
Les banques espagnoles empruntent des sommes record auprès
de la Banque centrale européenne (BCE) malgré le boycott des marchés financiers
mondiaux. C’est le montant le plus élevé depuis la création de la zone
euro en 1999 et constitue un montant disproportionné du fonds de soutien de la
BCE. Les banques espagnoles comptent pour 16,5 pour cent des prêts directs
accordés par la BCE en juin, environ le double de la somme normale et une
augmentation de 26,5 pour cent par rapport au mois précédent. Cette situation
précaire a fait que le rendement à dix ans des obligations du pays a atteint un
niveau record de 4,7 pour cent ce qui représente deux points de pourcentage de
plus que celui de l’Allemagne, ce qui est énorme. La hausse inexorable
des rendements est une répétition de ce qui s’était passé en Grèce au
début de la crise financière.
L’Espagne a également été touchée par la décision de
la BCE de donner un coup d’arrêt à partir du 1er juillet à son processus de prêt
d’urgence massif de 750 milliards d’euros à un pour cent sur un an
et qui est connu comme opération de refinancement à long terme (LTRO). La LRTO
formait la partie centrale des efforts de la BCE d’atténuer le
resserrement de liquidités partout en Europe et était censée mettre fin aux
doutes sur le projet de l’euro. Dorénavant la BCE n’émettra plus
que des prêts remboursables sur trois mois au plus.
« La BCE n’aime pas que les gouvernements lui
disent ce qu’elle a à faire, j’aimerais simplement dire que
j’espère qu’à cette occasion, comme à d’autres, la BCE soit
consciente des besoins de notre système financier, » a dit la ministre
espagnole des Finances, Elena Salgado.
Selon Simon Samuels, un analyste de la banque
d’investissement britannique Barclays Capital, « Le système ne
fonctionne tout simplement pas… Nous entamons la troisième année de
soutien à la liquidité des banques et le marché n’est toujours pas
capable de survivre sans assistance. »
Barclays Capital estime que les banques devront refinancer
jusqu’à hauteur de 300 milliards d’euros en nouveaux prêts LTRO
financés à trois mois.
« Nous nous trouvons dans une situation dangereuse et
contraignante, » a dit Gary Jenkins, expert crédit chez Evolutions
Securities. » « L’Espagne est un emprunteur suffisamment grand
pour mettre à sec le fonds de soutien de l’UE. »
Les problèmes du PSOE ont empiré le mois dernier lorsque
le quotidien économique espagnol El Economista a rapporté que
l’UE, le Fonds monétaire international (FMI) et le Trésor américain
avaient discuté de l’élaboration de nouveaux processus de crédit pour
l’Espagne s’élevant à 250 milliards d’euros, éclipsant le
renflouement de 110 milliards d’euros de la Grèce et le plus important de
toute l’historie. L’on rapporte que le directeur du FMI, Dominique
Strauss-Kahn, aurait convenu de la tenue d’une réunion d’urgence
secrète avec le conseil d’administration. Toutes les personnalités impliquées
ont démenti les rapports, et Zapatero a déclaré, « L’Espagne est un
pays solvable, solide et fort avec une crédibilité internationale. »