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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France: L'interview télévisée de Sarkozy, une défense éhontée de l'aristocratie financière

Par Antoine Lerougetel
16 juillet 2010

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Le président Nicolas Sarkozy a accordé une interview d'une heure en prime time sur France 2 lundi pour défendre sa présidence contre les accusations de corruption et de conflit d'intérêt, tout en poursuivant son programme de coupes importantes et impopulaires sur les retraites. Cette interview de Sarkozy par le journaliste présentateur des informations, David Pujadas, était sa première interview depuis sa défaite cuisante aux élections régionales de mars dernier.

Les accusations se fondent sur des preuves suggérant que le ministre du Travail Eric Woerth qui a pour mission de préparer ces attaques contre les retraites a perçu des financements politiques illégaux de la milliardaire Liliane Bettencourt qui a aussi fourni du travail à Florence, l'épouse de Woerth. Bettencourt possède de larges parts de l'Oréal, conglomérat de produits de beauté. Ses 17 milliards d'euros font d'elle la femme la plus riche de France.

Elle est actuellement mise en examen pour fraude fiscale et financement illicite du parti de Sarkozy au pouvoir, l'UMP (Union pour un mouvement populaire.) Quelques heures avant l'interview télévisée de Sarkozy, la police avait perquisitionné les bureaux personnels de Mme Bettencourt, 87 ans, proches de son hôtel particulier de Neuilly. Bettencourt, l'une des principales bénéficiaires du bouclier fiscal de Sarkozy (abattement fiscal des hauts revenus qui coûte à l'Etat 16 milliards d'euros annuels) a reçu 30 milliards d'euros d'abattement fiscal l'an dernier.

La stratégie de Sarkozy dans cette interview a consisté à défendre de façon éhontée toutes les personnes accusées de méfaits, tout en faisant valoir avec arrogance les prérogatives de classe de l'aristocratie financière.

Il a consacré les 20 premières minutes de l'interview télévisée à défendre Woerth. Se basant sur  un rapport  diligenté par le gouvernement, rapidement bouclé par l'Inspection générale des finances et qui exonère Woerth, Sarkozy a proclamé l'honnêteté de son ministre. Il a dit que tous ceux qui l'accusaient de délits colportaient des « calomnies et des mensonges. »

Cette position n'est pas crédible. Le lendemain, Le Nouvel observateur publiait une lettre envoyée en 2006 à l'UMP par le gestionnaire de fortune de Bettencourt, Patrice de Maistre, expliquant comment les Bettencourt allaient contourner la loi limitant les dons aux partis politiques à 7 500€ par an en les faisant transiter par différentes associations de l'UMP.

En effet, des révélations continuent d'émerger sur la campagne électorale au financement douteux de Sarkozy par des personnalités du monde des affaires français. Un article sur le site d'information Mediapart explique que Woerth a aidé Sarkozy à créer un club de donateurs, le Premier cercle, constitué de l'élite financière de France: Olivier et Laurent Dassault, fabricants d'avions militaires; Guillaume Dard, PDG de Monpensier Finance; des dîners de financement avec le milliardaire Vincent Bolloré, Philip Capron de Vivendi, David Rothschild le banquier, et la princesse Laure de Beauvau-Craon de Sotheby France.

Ces dames et ces messieurs du Premier cercle ont fourni à Sarkozy 9 millions d'euros pour financer sa campagne électorale pour la présidentielle en 2007. Sa rivale du Parti socialiste, Ségolène Royal avait dû se contenter de 743 432 €. Selon le journal suisse Le Matin, les réunions du Premier cercle en Suisse ne se préoccupaient pas de savoir si les chèques donnés à Woerth « étaient prélevés sur des comptes suisses non déclarés au fisc français. » 

Woerth a été contraint de démissionner hier de son poste de trésorier de l'UMP au motif d'un conflit d'intérêt. Néanmoins il poursuit sa mission de coupes sur les retraites en tant que ministre du Travail.

Les investigations sur Woerth sont conduites par le procureur de la République nommé par le président, Philippe Courroye, sympathisant de Sarkozy. Courroye mène aussi l'enquête sur les accusations portées par Claire Thibout, ex-comptable de Liliane Bettencourt, qui suggère que celle-ci et son défunt mari étaient impliqués dans le financement illégal du parti conservateur de Sarkozy, l'UMP.

Des extraits des interrogatoires de Thibout par la police ont été divulgués aux médias. Ils ne semblaient pas être conformes à ses premières déclarations faites à Mediapart et selon lesquelles Bettencourt fournissait des enveloppes contenant des dons illicites importants à des représentants de l'UMP, y compris à Sarkozy. Néanmoins, lorsque les transcriptions complètes de la police ont finalement été obtenues, elles ne discréditaient pas le témoignage initial de Thibout à Mediapart. Selon Libération, le conseiller de Sarkozy, Claude Guéant, avait orchestré les fuites afin de discréditer le témoignage initial de Thibout.    

Sarkozy s'est érigé en défenseur des droits de l'aristocratie financière de frauder le fisc et d'imposer des coupes sociales draconiennes et des licenciements massifs à volonté contre la classe ouvrière.

Est revenue comme un leitmotiv lors de l'interview l'idée de la nécessité de satisfaire les banques et de maintenir une bonne notation de crédit. Il a insisté pour dire que cela ne pouvait se faire qu'en améliorant la compétitivité de la France et en diminuant les dépenses sociales, refusant absolument une augmentation des impôts. En conséquence, Sarkozy a promis à la Commission européenne des coupes budgétaires de 5 pour cent du PIB (soit environ 100 milliards d'euros) qui  retomberont entièrement sur le dos de la classe ouvrière et non des milliardaires comme Bettencourt.

Sarkozy a défendu de façon éhontée les prérogatives de classe du patronat par une justification obscène de l'abattement d'impôt pour les plus riches, le bouclier fiscal, qui n'est autre qu'un cadeau annuel fait aux riches. Il a affirmé que si des milliardaires comme Bettencourt étaient trop lourdement imposés, ils emporteraient leur richesse ailleurs. Il a rappelé que l'Oréal emploie 64 000 personnes et a fait part de son inquiétude face au risque pour elles de perdre alors leur emploi.

Sarkozy s'est exclamé, prenant la défense de Bettencourt qu'elle paie « plusieurs millions d'euros par mois » d'impôts. Pujadas a murmuré « 40 millions »[annuels.] Un bloggueur du  journal Le Monde a calculé que cette année, étant donné le revenu annuel de 700 millions d'euros de Bettencourt, le fisc lui a tout juste réclamé un taux d'imposition de 5,7 pour cent.

« Le monde est un village, » a-t-il dit en maintenant que les impôts sur les particuliers diminuent leur pouvoir d'achat et ralentit l'économie, tandis qu'une hausse des impôts sur les entreprises les ferait quitter le pays. Il a félicité son gouvernement pour avoir supprimé 100 000 emplois de fonctionnaires depuis son arrivée au pouvoir en mai 2007, et 34 000 autres suppressions à venir en 2011.

Il n'a pas tari d'éloges sur les coupes sociales et les abattements d'impôts pour les riches en Allemagne. « J'admire le modèle allemand. Je veux l'imiter, » a-t-il dit, faisant remarquer que cela avait été fait avec l'approbation de gouvernements sociaux-démocrates. Sarkozy a aussi expliqué que le premier ministre social-démocrate espagnol José Luis Zapatero avait aboli l'impôt sur la fortune en 2008, alignant la politique fiscale de l'Espagne sur celle de l'Allemagne.

Sarkozy a refusé de revenir sur les attaques contre les retraites. Elles feront reculer l'âge légal de départ à la retraite qui passera à 62 ans, augmenter la contribution retraite des fonctionnaires de 7 à 10 pour cent et accroître les recettes de 4 milliards d'euros. C'est sur ce point qu'il a fait l'affirmation la plus extraordinairement cynique lorsqu'il a dit qu'en réduisant les droits à la retraite, il serait en mesure d'équilibrer le financement des retraites d'ici 2020 et empêcherait ainsi l'injustice qui consisterait à ne pas garantir le financement des futures retraites des jeunes travailleurs.

Sarkozy a aussi lancé des appels plus réactionnaires à des mesures sécuritaires contre les quartiers défavorisés. Il a annoncé des plans de répression sévère sur le département ouvrier du nord de Paris, la Seine-Saint-Denis, en supprimant les allocations familiales aux parents dont les enfants sont absentéistes à l'école ou sont connus des services de police. Les parents devront assumer la responsabilité financière pour les dégâts causés par leurs enfants.

Le fait que Sarkozy puisse prendre de façon aussi flagrante la défense du droit des riches à piller la classe ouvrière démontre combien il est convaincu qu'il n'existe aucune organisation politique qui le défie à gauche. Il compte sur les syndicats, le PS et les tendances petites-bourgeoises telles le Nouveau parti anticapitaliste pour contenir et dissiper l'opposition politique de la classe ouvrière.

Le PS s'est limité à demander que Philippe Courroye soit remplacé par un juge d'instruction indépendant dans l'enquête sur les accusations. Sarkozy indigné a catégoriquement refusé cette suggestion lors de l'interview. L'ex-premier secrétaire du PS François Hollande a gentiment critiqué Sarkozy du fait qu'il attend le mois d'octobre pour procéder au remaniement ministériel: «Mieux valait faire le remaniement tout de suite. »

Personne à gauche n'a appelé à la démission du président ou à de nouvelles élections. Ce qui ressort clairement c'est que les révélations de Mediapart ont renforcé le PS dont la première secrétaire Martine Aubry apparaît dans les sondages comme étant capable de battre Sarkozy à l'élection présidentielle de 2012.

Sarkozy a eu à coeur au cours de l'interview de « rendre hommage au sens de responsabilité des partenaires sociaux, » c'est à dire les syndicats. Il s'est vanté d'avoir réussi ses « réformes » sans aucune « tragédie » ou « violence, » et dit qu'il espérait que la reprise du travail en septembre serait gérable grâce à leur aide. Il a ajouté qu'il serait en contact avec les « partenaires sociaux » au cours de l'été.

Voir aussi:

Le scandale Bettencourt de fraude fiscale ébranle le gouvernement français [12 juillet 2010]

(Article original publié le 14 juillet 2010)

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