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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Mesures d'austérité à la grandeur de l'Europe

Par Peter Schwarz
7 juin 2010

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Il y a deux semaines, les chefs d'Etat européens et le Fonds monétaire international se sont entendus pour engager 750 milliards € dans un plan de sauvetage de l'euro. Depuis, pas une journée ne s'est écoulée sans que l'on fasse l'annonce d'une nouvelle série de mesures draconiennes d'austérité. On exige maintenant des travailleurs qu'ils paient pour boucher les immenses trous dans les finances publiques, résultat des plans de sauvetage pour les banques et l'euro.

Pour se conformer au critère de stabilité de l'UE, qui exige que le déficit maximum d’un pays membre soit de moins de 3 pour cent du produit intérieur brut d’ici 2013, les pays de la zone euro et la Grande-Bretagne devront réduire leur déficit budgétaire de 400 milliards € au total. On voudrait pouvoir récupérer cette immense somme principalement aux dépens des employés du secteur public, des retraités, des chômeurs et de ceux qui dépendent de prestations sociales.

Suivant l'exemple de la Grèce, qui a adopté un plan pour réduire son déficit budgétaire de 30 milliards € au cours des trois prochaines années en coupant dans les salaires, les retraites et les programmes sociaux, et en augmentant la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), le gouvernement d'Espagne a décidé la semaine dernière de procéder à des coupes totalisant 80 milliards €. Ainsi, 13 000 emplois du secteur public seront supprimés, les salaires des employés de l'Etat réduits de 5 pour cent et les pensions gelées. L'allocation de 2500 € qui était payée pour chaque nouveau-né disparaîtra sans aucune compensation. 

Dans le but de réduire son déficit de 2 milliards €, le Portugal a imposé un gel de l'embauche et des salaires dans le secteur public, ainsi qu'une augmentation de la TVA.

Le gouvernement britannique a annoncé plus tôt cette semaine des coupes immédiates de 7,2 milliards €, entre autres en procédant au gel de l'embauche dans la fonction publique. Ce n'est toutefois qu'un début. Le déficit budgétaire de la Grande-Bretagne sera réduit au total de plus de 100 milliards € au cours des quatre prochaines années. Trois cent mille postes dans la fonction publique seront ainsi supprimés et les salaires gelés.

Mercredi, le gouvernement d'Italie a annoncé des coupes de 24 milliards € d'ici 2012. Des suppressions de postes, des baisses de salaire et une hausse de l'âge minimum de retraite dans la fonction publique sont prévues, tout comme des coupes dans le système de santé.

La France prévoit faire passer son déficit budgétaire de 8 à 3 pour cent de son PIB d'ici 2013. Pour y arriver, l'âge de retraite sera haussé, les prestations hypothécaires, l'assurance-emploi et le financement aux musées seront réduits, et les coûts administratifs seront diminués de 10 pour cent.

Le gouvernement allemand décidera le 6 et 7 juin de mesures concrètes d'austérité. Le « frein à l'endettement », ancré dans la Constitution, impose une réduction de la dette de 60 milliards € d'ici 2016. Parmi les nombreuses mesures qui sont discutées : des coupes dans les prestations sociales telles que les allocations familiales et pour enfants, l'aide sociale, les prestations d'invalidité et les pensions.

La Commission de l’Union européenne a maintenant suggéré que l’âge de la retraite en Europe continue à augmenter régulièrement, et ce, dans le but d’assurer qu’à l’avenir, au plus un tiers de la vie adulte d’un individu soit consacré à la retraite. À long terme, cela se traduit par l’augmentation de l’âge de la retraite à 70 ans.

Pour des millions de travailleurs et de jeunes, les mesures récemment adoptées signifient le chômage et la misère. Notamment, la pauvreté chez les personnes âgées deviendra de nouveau un phénomène de masse en Europe. Rien de l’État-providence de l’après-guerre ne subsistera. Une étude menée par le Carnegie Endowment for International Peace conclut que « l’État-providence mis en place dans toute l’Europe depuis les années 1940 avec l’objectif de calmer la colère populaire et d’atténuer les tensions pouvant mener à une autre guerre continentale » ne sont plus « abordables ».

Mais il n’y a pas de pénurie d’argent. Les déficits budgétaires par lesquels on veut justifier le démantèlement de l’État-providence sont le résultat de la redistribution systématique des revenus et de la richesse du bas de la société à son sommet. Au moins depuis les années 1980, tant les gouvernements de droite que ceux prétendument « de gauche » ont réduit les impôts et les taxes sur les propriétés pour les riches, ont diminué les salaires et ont créé de nouvelles formes de travail à bas salaires. Tout ceci est une des principales causes de l’augmentation de la dette publique.

Les billions que les gouvernements ont injectés dans les banques en 2008 et 2009 afin d’éviter leur effondrement ont provoqué une grande augmentation de la dette publique. Des chiffres récemment publiés par la Bundesbank allemande le démontrent. En 2008 et 2009, quelque 53 pour cent de l’augmentation de la dette allemande est attribuable aux mesures prises pour sauver les différentes institutions financières. La dette totale a augmenté durant ces deux années de 183 milliards d’euros ; les coûts destinés au soutien des institutions financières s’élevaient à 98 milliards d’euros.

Les banques exploitent maintenant la crise qu’ils ont créée pour intensifier leur pillage de la classe ouvrière et les gouvernements et l’Union européenne agissent en cela comme complices. Cela est devenu clair vendredi dernier quand, lors de procédures accélérées, le parlement allemand a voté pour un blanc-seing de 148 milliards d’euros. Alors que les comités parlementaires se disputent habituellement pendant des mois sur de petits montants, la Bundestag a approuvé la garantie du prêt accéléré s’élevant à plus de la moitié du budget fédéral, sans même qu’il soit clair à qui et sous quelles conditions l’argent allait être attribué.

Cette procédure antidémocratique a été justifiée en invoquant la « nervosité des marchés financiers ».  Le rejet des normes parlementaires était si évident que le gouvernement a eu beaucoup de difficulté à obtenir une majorité pour cette mesure. Le gouvernement a dû accepter quelques mesures symboliques (et complètement inefficaces) contre les marchés financiers, comme l’interdiction de la vente à découvert, pour obtenir même un peu de soutien. Mais cette concession a été mal reçue à Washington et Londres qui, furieux, ont considéré que la mesure, même si elle était limitée à l’Allemagne, consistait en un assaut et une insubordination contre les libertés des marchés financiers.

Pour réussir à imposer leurs mesures d’austérité à la classe ouvrière, les élites dirigeantes de l’Europe comptent principalement sur les sociaux-démocrates et les syndicats. Soit, comme en Grèce, en Espagne et au Portugal, ce sont les gouvernements sociaux-démocrates au pouvoir qui imposeront les mesures d’austérité, ou soit, comme en Grande-Bretagne, en France et en Allemagne, les sociaux-démocrates sont si discrédités à cause des compressions qu’ils ont imposées alors qu’ils étaient au pouvoir que ce sont des partis de droite qui peuvent bénéficier de la désaffection populaire à leur égard. En tout cas, les sociaux-démocrates ne laissent aucun doute sur le fait qu’ils soutiennent les compressions, disant aux travailleurs qu’il n’y a pas « d’autre choix ».

Les syndicats soutiennent, eux aussi, qui n’y a pas « d’autre choix » que les compressions et la coopération avec leur gouvernement respectif pour les implanter. Si, occasionnellement, ils organisent des manifestations et des grèves, c’est dans le but de laisser sortir un peu de pression pour ensuite mieux écraser l’opposition populaire.  Ils isolent les mouvements de protestation, les limitent à des actions de quelques heures ou jours et empêchent le développement de tout mouvement de solidarité internationale.

En ceci, ils bénéficient du soutien des nombreux groupes de la classe moyenne. Malgré les différences entre, par exemple, le Parti de la Gauche en Allemagne, le Nouveau Parti anticapitaliste en France ou le SYRIZA en Grèce, tous ces groupes ont deux choses en commun : le soutien inconditionnel qu’ils donnent aux syndicats et qu’ils ne critiquent jamais, ainsi que leur empressement à aider les gouvernements sociaux-démocrates à obtenir une majorité. Par cette pratique, ils tentent d’empêcher la formation d’un mouvement de la classe ouvrière indépendant.

L’approfondissement de la crise capitaliste et les discussions acerbes sur les compressions ont aussi exacerbé les tensions au sein de l’Europe. L’avenir de l’euro et de l’Union européenne est dans la balance. Dans certains pays, comme la Hongrie, la Slovaquie ou l’Italie, les gouvernements fouettent les antagonismes nationaux dans le but de faire diversion sur les tensions sociales.

La fragmentation de l’Europe en États-nations s’affrontant l'un l'autre pourrait avoir des conséquences dévastatrices sur l’économie et la société en général. Mais la classe capitaliste est organiquement incapable d’unifier le continent. Cette tâche revient à la classe ouvrière et est inextricablement liée à la défense de leurs droits démocratiques et sociaux.

L’intensification de la crise poussera de larges couches de la population à entreprendre la lutte politique et sociale. Toutefois, ceci exige une perspective politique et le développement d’un nouveau parti, le Comité international de la Quatrième Internationale. Le système capitaliste ne peut pas être réformé, il faut le renverser. Les grandes banques et les grandes entreprises doivent devenir propriété sociale et être contrôlées démocratiquement par la classe ouvrière. Ceci créera les conditions pour que les ressources disponibles soient utilisées pour satisfaire les besoins sociaux plutôt que pour alimenter la cupidité des capitalistes individuels, demandant toujours plus de profits.

La classe ouvrière européenne ne peut accomplir cet objectif que si elle s’unit dans la lutte pour les États unis socialistes d’Europe.

(Traduit de la version anglaise parue le 29 mai 2010)

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