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  WSWS : Nouvelles et analyses : Europe  

France: Deux millions dans la rue contre la politique d'austérité du gouvernement

Par Antoine Lerougetel
28 juin 2010 

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Jusque deux millions de personnes, selon les syndicats, sont descendues dans la rue dans 200 villes de France jeudi lors de la journée d'action pour la défense des retraites. Le nombre de participants était considérablement plus élevé que le million de manifestants mobilisés le 27 mai dernier, ce qui reflète la résistance populaire qui s'accroît aux programmes d'austérité imposés au nom des banques en France et par les gouvernements de par le monde.

Mais les protestations à l'appel des syndicats avaient pour but de contenir et de dissiper cette opposition de masse. En cela, les syndicats ont le soutien des partis de la gauche bourgeoise que sont le Parti socialiste (PS), le Parti communiste (PCF), le Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon (PG) et de l'ex-parti gauchiste le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) d'Olivier Besancenot.

Les coupes sur les retraites font partie des mesures requises par la Commission européenne pour réduire le déficit budgétaire de la France qui s'élève à 8 pour cent du Produit intérieur brut (PIB) et le faire passer à 3 pour cent d'ici 2013, ce qui implique des coupes de 100 milliards d'euros. Sarkozy a l'intention de repousser l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 63 ans.

Mais le jour de la protestation, Le Monde publiait une interview du député du Parti socialiste Didier Migaud qui est président de la Cour des comptes. Il présentait le dernier rapport de cet organisme sur l'état des finances du pays, insistant sur le fait que 100 milliards d'euros ne suffiront pas. Migaud fait partie du secrétariat national du PS comme conseiller pour les finances et la fiscalité auprès de Martine Aubry, première secrétaire du parti.

Il dit: «Il faut agir sur tous les paramètres, l'âge, la durée de cotisation, les prestations, le montant des cotisations et l'assiette.....Mais les retraites ne sont pas le seul sujet. Il faut examiner les comptes sociaux dans leur globalité. »

En cela Migaud est complètement en phase avec le directeur du FMI et ténor du PS, Dominique Strauss-Kahn qui est en tête pour la nomination du candidat PS à l'élection présidentielle de 2012. Strauss-Kahn a joué un rôle très important dans l'imposition à la Grèce, entre autres pays, du programme d'austérité comprenant des réductions des salaires et des retraites allant jusque 50 pour cent.

Le Parti socialiste, malgré la promesse de Martine Aubry en janvier dernier de collaborer avec le gouvernement pour réduire le déficit budgétaire et la dette publique par des mesures d'austérité et le recul de l'âge légal de départ à la retraite de deux à trois ans, promet à présent d'abroger une telle législation s'il vient au pouvoir. La nature frauduleuse d'une telle promesse a été démontrée par le vote du PS en faveur de la participation française pour le renflouement de la Grèce à hauteur de 110 milliards d'euros et s'accompagnant de mesures d'austérité draconiennes à mettre en place par le gouvernement PASOK du premier ministre George Papandreou.

L'objectif des organisateurs de la journée d'action en France était de canaliser derrière le Parti socialiste et l'agenda parlementaire le mécontentement populaire qui s'accroît. Cela se produit à un moment où la classe ouvrière est en train de perdre confiance dans les syndicats et la gauche traditionnelle et cherche à rompre avec leur domination et envisage la grève générale. Les organisateurs opèrent cette politique en préparation d'un gouvernement de « gauche » en 2012 pour mettre en place le programme d'austérité dicté par les banques.

L'appel du NPA à participer à la journée d'action, et publié sur son site le 24 juin, soutient complètement cette perspective et son espoir de faire partie d'un tel gouvernement - « construire une grève générale » avec les syndicats et la gauche « pour maintenir et faire grandir un climat de mobilisation générale afin d’être prêts pour le débat parlementaire qui débutera le 7 septembre. »

Quelque 130 000 personnes ont défilé jeudi à Paris (43 000 selon la police), tandis que les estimations faisaient état à Bordeaux d'une participation entre 25 000 et 80 000; entre 16 000 et 130 000 à Marseille. Les chiffres étaient à la hausse dans quasiment toutes les villes par rapport au 27 mai.

Le taux des grévistes était aussi en hausse significative par rapport au 27 mai. Les chiffres officiels, traditionnellement conservateurs, ont fait état de 19,35 pour cent de grévistes dans la fonction publique (contre 11,6 pour cent le 27 mai), 15,9 pour cent dans les collectivités territoriales (contre 7,5 pour cent), 12,5 pour cent dans les hôpitaux (contre 8,3 pour cent) et 18 pour cent dans l'éducation (contre 12 à 16 pour cent.) Ceci suggère que bien plus d'un million de fonctionnaires ont fait grève devant la menace d'une augmentation des cotisations, de retraites réduites, d'un recul de l'âge de départ à la retraite, d'un gel des salaires jusqu'en 2013 et de la perte de 32 000 emplois par an.

La manifestation de Nice

La compagnie ferroviaire publique SNCF a annoncé que près de 40 pour cent de ses employés avaient participé à la journée d'action. La compagnie ferroviaire nationale suisse SBB a déclaré que jusque 60 pour cent des trains entre la France et la Suisse avaient été annulés du fait de la grève.

La grève des aiguilleurs du ciel a eu pour conséquence l'annulation de 15 pour cent des vols entre 7h du matin et 14h dans le principal aéroport international parisien, l'aéroport Charles de Gaulle, ainsi qu'à Orly l'autre grand aéroport de la ville.

Les employés du service postal, du gaz et de l'électricité, des hôpitaux, ainsi que des entreprises privées, dont l'avionneur Airbus, ont aussi participé à la journée d'action. La grève des travailleurs d'EDF a eu pour conséquence des coupures de 7 000 méga-watts à la demi-journée. La compagnie EDF a dit que 16 pour cent de son personnel avaient participé à la journée d'action.

Les journaux n'étaient pas dans les kiosques du fait de la participation des travailleurs de la presse. Ainsi les éditions de vendredi du Monde et de Libération et d'autres quotidiens ont été affectées. Il y a eu aussi des grèves dans les services des radios nationales France Inter et France Info.

Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT (Confédération générale du travail, la plus grande confédération syndicale de France) a affirmé que le succès de cette mobilisation signifiait que «L'actuel projet de loi réformant les retraites ne doit pas être soumis au Conseil des ministres du 13 juillet. » Une déclaration de la CGT réclame « l'ouverture d'un vrai cycle de négociations avec les syndicats » (Communiqué, jeudi 24 juin)

Le ministre du Travail, Eric Woerth a dit à la presse: «C'est une mobilisation assez forte ….elle ne change évidemment rien à la volonté du gouvernement de sauvegarder le système de retraites, et notamment de le faire en augmentant l'âge légal. »

Des équipes du WSWS ont couvert les manifestations dans plusieurs villes et distribué la déclaration du WSWS, Pour une opposition socialiste révolutionnaire à l'austérité de Sarkozy 

Sylvie, Christelle, Mario et Hakim

La manifestation parisienne était largement dominée par des délégations portant les banderoles et drapeaux des syndicats CFDT, aligné au Parti socialiste et CGT, aligné au Parti communiste et les participants étaient majoritairement d'un certain âge. Dans les reportages des autres villes, il était quasiment impossible de trouver des manifestants croyant que les mobilisations espacées organisées par les syndicats les protégeraient de l'austérité. Il y avait peu de partis politiques de gauche en vue et malgré les références occasionnelles du NPA à la grève générale sur son site, le parti n'avait pas produit de tract et n'avait pas de pancarte ou de banderole appelant à la grève générale.

John Recayte, fonctionnaire des impôts a dit, « La gauche est mal organisée et le PS est en grande difficulté et le PCF aussi. » Il a ajouté que « le projet révolutionnaire a beaucoup perdu de sa crédibilité depuis la chute du mur de Berlin. »

Marie-Paule Offredo, 58 ans, est au chômage depuis trois ans, bien qu'elle ait un diplôme d'Etat d'éducatrice spécialisée: « J'ai trois handicaps: je suis vieille, j'ai droit à un salaire élevé et j'ai beaucoup d'expérience. » Elle a dit que la législation gouvernementale obligeant les patrons à embaucher des travailleurs âgés, « le contrat senior » ne servait à rien: « Le patron préfère payer une amende plutôt que d'embaucher des seniors, » a-t-elle dit. Avec la réforme des retraites il lui faudra attendre encore quatre ans avant de percevoir sa retraite.

Lionel enseigne le Français dans un collège parisien. « Je serai en grève après les vacances d'été, dès le mois de septembre » a-t-il dit. « Bien sûr que je suis pour la grève générale, j'espère qu'on ira jusqu'à la grève générale. »

Paul, 71 ans s'oppose à la paupérisation de la population. « Il est absolument nécessaire d'avoir un parti international, indépendant des syndicats. Le capital travaille au niveau international et les syndicats se contentent de réagir nationalement. Ca ne marche pas. »

Quelque 10 000 personnes ont manifesté à Nice, dans le sud de la France, avec des délégations des syndicats et des partis de « gauche ». Ces forces n'ont pas distribué de tracts à la hauteur de la situation, mais se sont contentés de fournir des statistiques et d'attaquer Sarkozy sans rien expliquer de la situation dans les autres pays européens et internationalement.

Des manifestants ont dit au WSWS qu'ils étaient en colère contre Sarkozy et étaient en faveur d'une grève à échelle européenne et de l'unité avec les travailleurs des autres pays, mais qu'ils ne savaient pas comment faire. Aucun n'a exprimé sa confiance dans le Parti socialiste ou les syndicats. Ils ont dit vouloir poursuivre la grève pour faire pression sur le gouvernement et ont exprimé leurs craintes pour l'avenir de leurs enfants.

A Tours dans le centre de la France, des manifestants ont dit au WSWS que bien que la manifestation soit de taille les syndicats n'avaient pas de perspective. Ils étaient déçus qu'il n'y ait pas de rassemblement à la fin de la manifestation et que les gens se dispersent sans perspective. Une femme a dit, « les syndicats n'ont pas de réponse. Je suis amère; Tout ça, ce n'est rien. Ces journées d'action, ce n'est que de la protestation et rien de plus. »

Quelque 6 000 personnes ont défilé à Amiens. Hakim, délégué de la CGT et Sylvie, Christelle et Mario, fonctionnaires du CROUS, le service qui s'occupe des besoins sociaux des étudiants, ont dit que c'était toujours les travailleurs qui payaient pour la crise. Sylvie et Christelle, qui travaillent toutes deux dans les restaurants universitaires, se sont plaintes de ce que leurs conditions de travail provoquaient des troubles musculo-squelettiques.

Réagissant à la déclaration de Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne, que la situation politique et économique était pire qu'en 1939 ou même 1914, Hakim a dit douter que les syndicats ou la pression de la rue puissent apporter une solution à la classe ouvrière.

Delphine, qui travaille dans le secteur du spectacle a dit, « ce que nous subissons est très violent. »

Faisant référence au licenciement récent de deux humoristes politiques de France Inter par leur patron nommé par Sarkozy, elle a dit, « Ils veulent nous imposer le silence. Le gouvernement veut écraser toute voix critique. On a besoin de construire des forces pour pouvoir répondre. »

Maxime et Patrick

Patrick, enseignant en lycée professionnel et son fils Maxime en Première S, manifestaient contre le recul à 62 ans de l'âge de départ à la retraite. Patrick a dit, « J'en ai ras-le-bol de tout en gros: les suppressions d'emplois, les classes nombreuses, la baisse des salaires. Ils nous prennent pour des idiots. Cette situation ne peut pas changer par des actions et des organisations comme celles-ci. Ce n'est peut-être pas une révolution qu'il faut, mais quelque chose de plus dur que ça. »

« Je suis d'accord qu'il faut nationaliser toutes les entreprises d'utilité publique, c'est la seule solution. Mais il faut des gens honnêtes. On ne peut plus laisser le monde fonctionner comme ça. »

Maxime a acquiescé: « C'est très difficile de vivre dans un monde pareil. »

(article original paru le 26 juin 2010)

 

 

 

 

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