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  WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France: Le gouvernement s'acharne sur le compagnon d'une femme portant le niqab

Par Antoine Lerougetel
21 juin 2010

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Depuis le 2 avril, le gouvernement du président Nicolas Sarkozy a déchaîné une chasse aux sorcières islamophobe contre Lies Hebbadj, un naturalisé français d'origine algérienne. Le but est de créer le climat propice au vote d'une législation qui permettra à l'Etat de retirer, quasiment à volonté, la nationalité française aux immigrés. C'est la continuation d'une campagne réactionnaire commencée il y a un an, visant à interdire le voile intégral, burqa ou niqab, et ayant pour dessein de susciter des sentiments anti-musulmans dans l'opinion publique.

Le 9 juin, Hebbadj a été déféré au Parquet de Nantes dans un fourgon cellulaire escorté de deux motards après avoir passé 48 heures en garde à vue. Il a été mis en examen pour polygamie, fraude aux aides sociales et travail dissimulé dans sa boucherie et son taxi-phone.

Sa compagne, Sandrine Mouleres, mère de quatre enfants avait aussi été placée en garde à vue le 7 juin pour être interrogée sur la fraude aux aides sociales, puis remise en liberté le lendemain à une heure du matin, après 18h de garde à vue. Le Procureur de la République a déclaré qu'une perquisition du domicile s'était révélée « fructueuse, »mais qu'aucune charge n'avait été retenue contre elle puisque ses explications concernant «les infractions d'escroquerie et des prestations aux aides sociales susceptibles de lui être reprochées » étaient « suffisantes. »

Il s'agit ici d'un acte de représailles policières face à l'opposition de Mouleres à la campagne anti-burqa et anti-niqab du gouvernement. Le 2 avril, au plus fort de l'agitation politico-médiatique autour de la loi interdisant le port de la burqa, la police avait infligé à Mouleres une amende de 22 euros pour avoir pris le volant alors qu'elle portait le voile intégral. Selon la police ce vêtement entravait sa vision. C'est la première fois que cela se produit en France. Elle avait refusé de payer l'amende, disant qu'il s'agissait d'un acte discriminatoire à son égard de la part de la police. Hebbadj était monté au créneau pour prendre sa défense.

Le site de France Info rapporte: « Quatre de ses compagnes, dont son épouse légitime, vont être convoquées ultérieurement par la justice et mises en examen pour fraudes aux aides sociales ainsi que, pour certaines d’entre elles, pour escroquerie. »

Le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux a immédiatement rendu publiques les charges pour lesquelles Hebbadj est à présent mis en accusation et a soulevé la possibilité de le déchoir de la nationalité française. Dans une lettre officielle il a affirmé que Hebbadj «vivrait en situation de polygamie avec quatre femmes dont il aurait eu douze enfants» et qu'il était soupçonné de « fraudes aux aides sociales. »

L'expert juridique du quotidien conservateur Le Figaro fait remarquer qu'actuellement un citoyen naturalisé ne peut perdre sa nationalité que par décret du Conseil d'Etat, et s'il fait l'objet d'une condamnation pour actes préjudiciables aux intérêts de la nation ou pour acte de terrorisme ou actes «incompatibles avec la qualité de Français. »

Ce qui est plus délicat pour Hortefeux et Besson est la stipulation qu'une déchéance de la nationalité ne peut intervenir que « si elle n’a pas pour résultat de rendre apatride la personne concernée. » Il se pourrait bien que cet aspect-là du code soit dans le collimateur du gouvernement.

Hebbadj a reconnu avoir des « maîtresses » mais il n'est officiellement marié qu'à une seule femme. Il a contracté des mariages religieux avec trois autres femmes qui, n'étant pas reconnues par le mariage civil, ne comptent pas comme des épouses sous la loi française.

Le quotidien Libération du 26 avril cite la réponse de Hebbadj à Hortefeux: « A ce que je sache, les maîtresses ne sont pas interdites en France, ni par l'islam. Peut-être par le christianisme, mais pas en France.....Si on est déchu de sa nationalité pour avoir des maîtresses, il y a beaucoup de Français qui seraient déchus de la nationalité. »

La campagne anti-immigrés et islamophobe, dont un élément essentiel est la loi interdisant la burqa, avait été lancée par le président Nicolas Sarkozy après qu'il eut déclaré le 22 juin 2009 que « la burqa n'est pas la bienvenue en France. » La mission sur la burqa, conduite par le député du Parti communiste français André Gerin, avait été mise en place avec le soutien de tous les partis parlementaires, dont le Parti socialiste, le Parti communiste, le Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon et les Verts.

La participation de la gauche bourgeoise à l'agitation contre la burqa a ouvert la voie aux attaques du gouvernement.

Ceci a culminé le 11 mai lorsque le Parti socialiste a voté avec l'UMP à l'Assemblée nationale pour une résolution appelant à l'interdiction totale du voile intégral en public. Cette résolution a été votée unanimement tandis que les députés du Parti communiste, des Verts et du Front de Gauche s'absentaient de la Chambre des députés pendant le vote.

Ce vote s'est fait au mépris tout à fait conscient du fait que le 30 mars dernier le Conseil constitutionnel, la plus haute cour administrative du pays, s'était déclarée opposée à une législation interdisant la burqa. Elle avait déclaré qu'« une interdiction absolue et générale du port du voile intégral en tant que telle serait exposée à de fortes incertitudes, » à la fois « constitutionnelles et conventionnelles. » [par rapport à la Convention européenne des droits de l'Homme.]

Ces attaques contre les immigrés et les minorités sont une grossière diversion visant à occulter les programmes draconiens d'austérité actuellement imposés en France et dans toute l'Europe et un pas important en direction de la destruction des droits démocratiques et du développement d'un Etat policier. Ils servent aussi à justifier les interventions militaires impérialistes de la France et de l'Union européenne en Afghanistan et au Moyen-Orient.

Les représentants du gouvernement intensifient leur campagne contre les droits à la citoyenneté. Le 9 juin, jour où Hebbadj avait été déféré au Parquet pour y entendre les charges qui pesaient sur lui, Hortefeux annonçait son intention de « faire évoluer le droit » afin de lutter contre «la polygamie de fait » de façon à ce qu'un citoyen naturalisé qui devenait polygame puisse être déchu de la nationalité.

Plus tard, Hortefeux a répété que ce n'est pas «normal » qu'un étranger ayant obtenu la nationalité par mariage puisse la conserver si par la suite il «vit dans une situation de polygamie de fait en abusant du système d'aides sociales. » Et il a ajouté que le droit à la nationalité « n'est pas une question taboue » mais «un contrat [qui] comme tout contrat, peut être rompu. »

Le secrétaire général du parti au pouvoir, l'UMP (Union pour un mouvement populaire) Xavier Bertrand a dit: «La polygamie, c'est contraire aux règles, aux principes de la République. Donc s'il y a polygamie avérée, dans ces conditions-là on ne peut pas rester Français. »

En fait, jusqu'en 1993 la polygamie était légale pour les travailleurs africains vivant en France.

Un article du Figaro rapporte que le ministre de l'Immigration, Eric Besson a suggéré que le projet de loi sur l'immigration qui devait être présenté au parlement le 25 septembre pourrait être amendé si le président et le premier ministre le souhaitent afin de légiférer en faveur du retrait de la nationalité aux citoyens naturalisés en cas de fraude aux aides sociales, de polygamie ou d'actes de violence graves.

Le journal commente: « Cependant, la polygamie reste difficile à prouver. Car rares sont ceux qui contractent deux mariages civils. »

Néanmoins le gouvernement appelle à ce que des mesures soient prises contre la polygamie. Le Nouvel Observateur cite Hortefeux: « La définition que le code pénal fait de la polygamie n'est pas adaptée à la réalité, » car dans son état actuel « personne ou presque n'est juridiquement polygame en France. » Le droit « ne tient pas compte des mariages religieux ni des situations de communauté de vie et d'intérêts qui constituent, en réalité, une polygamie de fait, organisée pour qu'un homme vive des prestations sociales perçues par des femmes. »

L'hypocrisie de la pose d'Hortefeux qui prétend s'inquiéter pour la sécurité sociale est soulignée par le soutien de son gouvernement aux actuels plans d'austérité et renflouements des banques qui pillent les finances de l'Etat dans toute l'Europe pour satisfaire les banques. Si l'on retire les prétentions cyniques d'inquiétude concernant les finances de l'Etat, la position d'Hortefeux revient à dire: puisque la loi ne l'aide pas à cibler les immigrés, elle doit être changée de façon à ce que la campagne réactionnaire anti-musulmans puisse continuer.

(article original paru le 18 juin 2010)

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