Les
reporters du WSWS ont participé à un rassemblement du Parti communiste grec
(KKE) qui s’est tenu le 15 mai. Le rassemblement avait été appelé en
réaction aux coupes sociales imposées par le premier ministre George
Papandreou, en pleine crise de la dette grecque et du plan d’aide UE-FMI.
La bannière du KKE au QG de la GSEE
Le
KKE et le PAME, les sections de la centrale syndicale du secteur privé GSEE
affiliées au KKE, font partie intégrante d’un establishment
politique qui est déterminé à réduire radicalement les conditions de vie de la
classe ouvrière. Leur spécialité est de justifier leur politique droitière par
le nationalisme grec tout en se présentant comme l’adversaire du
gouvernement en recourant à une défense stalinienne persistante de la politique
de la bureaucratie soviétique avant qu’elle ne liquide l’URSS. Le
rassemblement a eu lieu peu avant que le KKE n’entame ses négociations du
17 mai avec le principal parti conservateur, Nouvelle Démocratie (ND), sur la
manière de réagir à la crise de la dette.
Avant
le début du rassemblement, les reporters du WSWS se sont entretenus avec
Chrysoula Lamboudi, la responsable du secrétariat pour les immigrants et les
femmes au bureau national du PAME. Elle a décrit l’impact des réductions
sociales comme « réduisant en miettes les acquis de la classe
ouvrière. » Toutefois, elle a largement absolu le PASOK de toute
responsabilité – en affirmant que Papandreou n’avait pas le choix
étant donné que les « mesures sont déterminées à l’extérieur de la
Grèce. »
Chrysoula Lamboudi
A
la question de savoir si le PAME envisageait de rechercher un soutien international,
Lamboudi a dit qu’elle « souhaitait que le mouvement syndical des
autres pays évolue selon des lignes identiques » à celles des syndicats
grecs. Elle a dit que « le mouvement de classe était très faible dans les
autres pays. » Présentant les syndicats grecs comme un modèle pour les
travailleurs du monde entier, Lamboudi a tracé un portrait dévastateur de la
manière dont ils collaborent avec l’Etat pour piller la classe ouvrière.
Les
reporters du WSWS ont fait remarquer qu’en France les journaux parlent de
« cogestion du pouvoir »entre le président Nicolas Sarkozy et le
dirigeant de la CGT, Bernard Thibault, et, à la question de savoir s’il y
avait des parallèles avec la Grèce, elle a répondu, « Oui, il existe un
front commun entre la GSEE et le gouvernement. [Le président de la GSEE
Yiannis] Panagopoulos les critique à la télévision mais refuse de rejeter la
responsabilité sur le gouvernement. Les licenciements, les réductions de
salaires – ils disent oui, c’est nécessaire ; au lieu de
lutter contre la hausse des prix, ils dressent une liste de magasins discount
où les gens peuvent aller faire leurs courses. »
A
la question de savoir pourquoi la GSEE adoptait de telles positions, elle a
répondu : « La majorité de la GSEE se trouve dans le PASOK. »
Elle a dit que Panagopoulos est un membre du PASOK et qu’il gagne 200.000
euros par an en participant à divers comités d’Etat.
En
parlant des réunions avec le gouvernement, Lamboudi a dit: « Tout le monde
est informé des projets gouvernementaux ; le contenu des pourparlers avec
le gouvernement n’est pas de discuter de ce qui se passera mais de la
meilleure manière d’appliquer les mesures » qui ont déjà été fixées
par l’Etat. Les mesures incluent l’application « de pratiques
de travail et des horaires de travail plus souples, » a-t-elle expliqué.
Le
PAME occupe aussi un certain nombre de postes au sein d’instances
dirigeantes de la GSEE. En décrivant ses différences avec le restant de la
GSEE, elle a dit que d’autres « syndicats participent à
l’ensemble des négociations avec le gouvernement. … [Ils] discutent
des pratiques de travail plus souples, ils les acceptent en disant que
c’est mieux pour les travailleurs. » Le PAME a quitté la salle en
plein milieu de telles discussions a-t-elle expliqué, en tenant à la place des
« réunions séparées. » Ceci n’exclut pas de collaborer avec le
reste de la GSEE, a-t-elle précisé : « Lorsque nous essayons
d’organiser des événements, nous espérons que tout le monde viendra, par
commodité. »
Selon la description de
Lamboudi, le rôle joué par le PAME est de fournir un écran de rhétorique
pseudo-gauche à la collaboration de la GSEE avec le gouvernement. Elle a dit,
« d’autres organisations ont des revendications plus restreintes
– alors que nous, nous réclamons la sécurité du travail et de
l’emploi pour tous, la GSEE dit qu’elle veut davantage
d’offres d’emplois, » pour les travailleurs licenciés. Elle a
ajouté que le PAME a proposé en vain au reste de la GSEE que la grève nationale
de 24 heures du 20 mai dure deux jours.
Lamboudi
sait que cette rhétorique ne répond pas aux menaces auxquelles sont confrontés
les travailleurs du fait de la crise de la dette mais elle a dit qu’il
n’y avait pas d’alternative politique. Lorsque les reporters du
WSWS ont signalé que des grèves courtes et sporadiques n’avaient pas
empêché les coupes de Papandreou, elle a dit, « J’admets tout cela
– c’est difficile. »
Elle
a insisté en disant qu’une solution politique devait attendre un avenir
indéfini : il fallait qu'il y ait « le pouvoir du peuple, » mais
il est « très tôt pour en parler. » Lamboudi a dit que les
travailleurs sont politiquement « engourdis » en raison de la
propagande du PASOK et de la GSEE, une caractérisation qui contraste fortement
avec la vaste opposition au PASOK que les reporters du WSWS ont constaté parmi
les travailleurs.
Malgré
toutes les tensions supposées exister entre le KKE et ses syndicats du PAME et
la GSEE, la tribune même des intervenants au rassemblement du KKE du 15 mai
était placée directement devant le bâtiment du quartier général de la GSEE
– d’où était suspendue du dernier étage une gigantesque banderole
KKE.
Aleka Papariga s’adressant à l’auditoire devant la banderole du KKE au QG du syndicat GSEE
L’intervenante
principale était Aleka Papariga, secrétaire générale du KKE depuis 1991
et écrivain sur la question de « l’émancipation de la
femme, » d’après le site internet du KKE. Tout comme Lamboudi, mais
avec l'attitude plus menaçante d’une maîtresse d’école en colère,
Papariga a enrobé la politique droitière du KKE dans un cocon de rhétorique
pseudo-gauche.
Elle
a débuté par un appel nationaliste contre les coupes sociales. Elle a appelé à
une « lutte patriotique internationaliste » contre « les
entreprises et les banques » et le « joug » du plan
d’austérité FMI-UE. En présentant les réductions de Papandreou comme un
produit de l’influence étrangère, elle a accusé les hommes d’affaires
grecs d’être « de connivence avec les attaques de l’UE. »
Elle
a ensuite attaqué le principal parti conservateur, la Nouvelle Démocratie (ND),
pour avoir au final « la même » position que le PASOK sur le plan
d’austérité. Elle a dit que de tels partis « emploient parfois la
carotte et le bâton avec le KKE. »
En
fait, si les partis dirigeants manient effectivement le bâton et la carotte
contre les travailleurs, le KKE a présentement surtout droit aux carottes. Tout
en dénonçant la ND devant son auditoire, Papariga était en train de préparer
des réunions bien médiatisées avec le dirigeant de la ND, Antonis Samaras, qui
ont eu lieu le 17 mai.
Etant
donné notamment le rapide effondrement de la popularité de Papandreou,
l’une des trahisons les plus tristement célèbres du KKE revient à
l’esprit : son entrée dans le gouvernement de coalition – avec
le Parti communiste grec (Intérieur), le précurseur de la principale faction de
SYRIZA – dirigé par le premier ministre ND, Tzannis Tzannetakis en 1989.
Dans
la coalition de 1989 qui avait en apparence pour objectif d’enquêter sur
la corruption du dernier gouvernement PASOK, le KKE avait obtenu les ministères
de la Justice et de l’Intérieur. Une fois au pouvoir, le KKE avait
détruit une grande partie des archives secrètes de la police, entravant ainsi
l’enquête et l’examen historique des crimes commis entre 1967-1974
par la junte militaire grecque, et en rassurant la classe dirigeante sur
l’efficacité du KKE. Ceci contribua à accélérer l’intégration
totale du KKE dans l’establishment politique grec.
Sans
dire un mot sur le gouvernement de 1989, Papariga a poursuivi sa rhétorique
abstraite : « Entre le capitalisme et le gouvernement populaire,
aucun compromis n’est possible, » a-t-elle dit en appelant à une
« coalition socio-politique d’en bas. »
Malgré,
ou peut-être en raison de la défense sans faille de Staline et de Brejnev par
le KKE, Papariga s’est sentie obligée de traiter brièvement la question
du « socialisme du 20ème siècle, » comme elle l’a
appelé – à savoir, la bureaucratie soviétique. Sans rougir, elle a répété
les revendications traditionnelles du mouvement marxiste pour garantir que les
responsables d’un Etat socialiste restent redevables envers la
population : révocation immédiate des dirigeants gouvernementaux et
rémunération à hauteur du salaire d’un ouvrier qualifié. Staline et
Brejnev n’avaient certainement pas été soumis à ces exigences. Et ceux
qui avaient défié la bureaucratie sur ces sujets avaient été massacrés durant
les grandes purges staliniennes.
Papariga
a conclu en lançant un appel aux « sacrifices » – ce qui,
venant d’elle, n’est pas inspirant mais plutôt alarmant.
En
parcourant des yeux l’auditoire durant les dernières minutes du discours
de Papariga, l’on pouvait voir des gens s'impatienter, s’entretenir
entre eux ou se passer les mains dans les cheveux. Le but de la rhétorique
creuse de Papariga n’est pas d’expliquer les événements, de
susciter la volonté de lutter ou d’inspirer quoi que ce soit –
c’est d’ennuyer et de créer la confusion au sein des masses
populaires qui sont confrontées à la strangulation économique par les banques.