Sur fond de panique des marchés financiers
internationaux due à une crise de l’endettement dont le centre se trouve
actuellement en Grèce, le gouvernement conservateur français prépare des coupes
massives dans les dépenses publiques.
Le 15 février, le président Sarkozy a rencontré
les syndicats et les responsables des grands groupes et des banques afin de
discuter un « calendrier social 2010 » où la question principale la
diminution des retraites. Ils préparent ensemble des mesures qui incluent un
allongement de la période de cotisation au delà de 41 annuités – la durée
actuelle de cotisation des salariés qui prendront leur retraite après 2012
– et une augmentation de l’âge de la retraite au delà de 60 ans. On
rapporte que le gouvernement envisage de discuter et de mettre en œuvre
cette « réforme » avant la fin de 2010.
Le gouvernement a également promulgué un décret
sur la « mobilité des salariés du secteur public » qui fait partie
d’une nouvelle série d’attaques contre les salariés du secteur
public. Sont visés ici les employés de l’Etat, des communes et des
hôpitaux, ce qui représente plus de 5 millions de salariés.
C’est au Conseil supérieur de la fonction
publique d'Etat — un organisme consultatif où siègent des responsables du
patronat et des syndicats — qu’on a mis la dernière main à ce
décret, le 11 février. Cette loi est destinée à faciliter le licenciement des
salariés du secteur public qui, une fois embauchés, jouissent de la garantie de
l’emploi. Selon le journal financier Les Echos, la nouvelle loi
dit qu’un employé peut être « mis en disponibilité (il ne travaille
alors plus et perd son salaire) ou en retraite d’office s’il refuse
successivement trois offres de mutation à des postes correspondant à son grade…Une
fois en disponibilité, l’agent qui refuserait à nouveau trois postes en
vue de sa réintégration pourra être licencié. »
Ce décret fait partie de la soi-disant Révision
générale des politiques publiques — RGPP, mise en œuvre peu après
l’arrivée au pouvoir de Sarkozy en 2007. Le RGPP réduit le nombre
d’emplois dans le secteur public par le non renouvellement d’un
poste sur deux après départ en retraite, par l’imposition de mutations,
la réduction des services publics et le « dégraissage » des
administrations locales. Depuis 2007, 100.000 emplois ont été éliminés dans le
secteur public, 34.000 emplois devant encore être éliminés en 2010.
Ces mesures font partie d’une offensive
plus large contre la classe ouvrière destinée à rassurer les marchés financiers
et la Commission européenne quant à la solvabilité de la France. Suite à la
crise économique de 2008, le déficit budgétaire de la France a grimpé à 8,2
pour cent du PIB.
Le gouvernement français a soumis son programme
de stabilité pour la période 2010-2013 à la Commission européenne au début du
mois de février. Ce plan prévoit une réduction du déficit public de 8,2 à 3
pour cent d’ici à 2013 et envisage d’atteindre ce but par une
réduction des dépenses de l’Etat de l’ordre de 100 milliards
d’euros. Il comprend aussi des coupes dans les dépenses d’éducation,
de santé, dans les dépenses prévues pour l’indemnité de chômage et dans l’emploi
du secteur public.
Dans son examen des finances gouvernementales,
la Cour des comptes (la plus haute instance financière de contrôle en France) a
averti de ce que le gouvernement devait réduire sa dette publique et
l’ampleur de son déficit de façon urgente s’il voulait conserver
l’indice AAA de solvabilité.
Elle écrit : « Bien
sûr, la France n’est pas la Grèce. Ni l’Espagne. Mais, pour la
haute juridiction financière, il y a désormais urgence à agir, car la dette
s'emballe et risque d'approcher 100 pour cent de PIB en 2013. La charge
des intérêts pourrait atteindre presque 10 pour cent du produit des prélèvements
obligatoires à l'horizon 2013, soit 90 milliards d'euros (3.500 euros par
personne ayant un emploi)…Au-delà de ce seuil de 10 pour cent, il
existe un risque, certes non automatique, de dégradation de la notation des
dettes souveraines. »
Dans une interview du 29
janvier au journal conservateur Le Figaro, le premier ministre
français François Fillon dit que lui et le président Nicolas Sarkozy étaient
déterminés à « faire des efforts sans précédent qui nécessitent une
mobilisation nationale. Concrètement, cela signifie un gel du budget des
ministères et des efforts comparables pour les collectivités locales. »
Fillon souligna que la croissance du coût
général de la santé « devra descendre sous les 3 pour cent. N'oublions pas
que nous étions à 5 ou 6 pour cent il y a quelques années. »
Les négociations ont lieu sur fond de
discussions européennes, marquées par la panique, sur le financement du déficit
public grec et des inquiétudes croissantes quant à des défaillances souveraines
de l’Espagne et du Portugal. Tout comme le gouvernement grec
social-démocrate du premier ministre George Papandreou — qui prépare des
coupes et des mesures d’austérité massives afin de satisfaire les
investisseurs — la « gauche » bourgeoise française se mobilise
pour imposer les diktats du capital financier aux travailleurs.
Le 11 février, dans une émission télévisée sur
France 2, l’ancien premier secrétaire du Parti socialiste, Francois
Hollande, dit qu’« il faudrait cotiser plus longtemps pour
financer les retraites. Il fallait dire clairement qu'on allait travailler plus
longtemps. Oui, il va falloir allonger la durée de cotisation en fonction de ce
qu'on sait de l'espérance de vie. L'espérance de vie s'allonge, il faut
allonger la durée de cotisation. »
Cela suit une tempête médiatique provoquée par
la première secrétaire du Parti socialiste, Martine Aubry, parce qu’elle
avait proposé de repousser l’âge de la retraite à 61 ou 62 ans. Les
commentaires d’Aubry, bien qu’elle les ait retirés par la suite,
furent soutenus par des dirigeants en vue du Parti socialiste tels que les
anciens premiers ministres Lionel Jospin et Michel Rocard.
Avant la rencontre du 15 février, Bernard
Thibault, le dirigeant du syndicat stalinien CGT, dit qu’il s’inquiétait
d’une réforme « à l’emporte-pièce » ajoutant toutefois
rapidement qu’il voulait seulement repousser cette réforme de quelques
mois, « je ne dis pas deux ans ou trois ans, je dis plusieurs mois ».
Il ajouta encore : « Je n'ignore pas non plus que la France, comme d'autres pays, est sous la pression des marchés financiers internationaux et
doit donner des gages à ces marchés ».
D’autres dirigeants syndicaux, parmi
lesquels François Chérèque, de la social-démocrate CFDT et Jean-Claude Mailly
de FO (Force ouvrière) répétèrent la ligne de Thibault après la rencontre avec
Sarkozy. Ils dirent qu’ils étaient satisfaits de ce que les négociations
sur les coupes dans les retraites allaient se poursuivre tout au long de
l’été ; la CFDT, la CGT et plusieurs autres syndicats plus petits
ont annoncé qu’il y aurait une manifestation le 23 mars.
Chérèque dit qu’il faudrait du « temps
pour la mobilisation ». En d’autres mots, la population travailleuse
doit subir d’autres « grèves » bidons appelées par les
syndicats tandis que ceux-ci négocient le détail des coupes et des restrictions
avec Sarkozy.
A l’aide de cette combine cynique les syndicats
jouent à nouveau le rôle qu’ils ont joué pendant la réforme des retraites
lancée par Sarkozy en 2007-2008 et dans les manifestations de 2009 en faveur de
la proposition de renflouement d’Aubry : ils cassent
l’opposition de la classe ouvrière par des actions organisées dans le but
d’être battues.