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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le déploiement militaire en Afghanistan fait tomber le gouvernement hollandais

Par Stefan Steinberg
6 mars 2010

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Le gouvernement hollandais est tombé samedi lorsqu'un des membres de la coalition dirigeante - le Parti du Travail social-démocrate (PvdA) - a refusé de soutenir une nouvelle extension du déploiement militaire hollandais en Afghanistan.

Le Parti du Travail qui partage le pouvoir avec les chrétiens-démocrates et l'Union chrétienne a justifié sa décision en disant que la crédibilité du parti était en jeu.

Le Parti du Travail a perdu une bonne partie de son soutien lors des dernières élections en raison principalement de son maintien de l'intervention militaire en Afghanistan. Commentant la décision de son parti de s'opposer à un nouveau mandat, le dirigeant du Parti du Travail et vice-premier ministre, Wouter Bos s'est plaint de ce que l'intervention était « un fardeau trop lourd pour l'armée hollandaise ».

Il a poursuivi en disant : « Quand nous avons étendu [le mandat du déploiement des troupes hollandaises en Afghanistan] il y a deux ans, nous avons promis à la population hollandaise que ce serait la dernière fois. Et donc, cela aurait été assez peu crédible si nous avions à nouveau reporté la date. »

Les Pays-Bas déploient actuellement 1.400 soldats dans la province d'Uruzgan dans le sud du pays. Le nombre total de ses troupes stationnées en Afghanistan est évalué à environ 2.000.

Vingt et un soldats néerlandais ont été tués depuis que le gouvernement a envoyé la première fois des troupes en 2006 dans le but de soutenir la mission de l'OTAN. Les sondages d'opinion ont à maintes reprises clairement indiqué que la majorité de la population était opposée au déploiement en Afghanistan et voulait un retrait immédiat des troupes néerlandaises. C'est dans ce contexte que le gouvernement hollandais avait fixé une date butoir pour le retrait de ses troupes d'ici le mois d'août prochain.

Au cours de ces quelques derniers mois, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont renforcé la pression sur le gouvernement de La Haye pour qu'il renouvelle son engagement militaire à Uruzgan. L'augmentation du contingent de troupes européennes est la pierre angulaire de la stratégie du « surge » (la montée en puissance) décidé par le gouvernement Obama et qui a envoyé des dizaines de milliers de soldats supplémentaires en Afghanistan.

A l'origine, les Etats-Unis réclamaient à l'Europe jusqu'à 10.000 hommes supplémentaires. En réponse, l'OTAN promettait de fournir quelque 7.000 hommes mais ce total comprend des troupes qui se trouvent déjà dans le pays et de nombreux gouvernements n'ont pas encore pris d'engagements fermes quant aux contingents promis.

L'opposition populaire à la politique militaire du gouvernement hollandais et à l'intervention des troupes hollandaises en Afghanistan avait augmenté en début d'année suite à la publication d'un rapport de la Commission d'enquête néerlandaise sur la guerre en Irak en 2003. La Commission Davids avait rejeté les arguments centraux utilisés pour justifier les actions des gouvernements américain et britannique en concluant que la guerre en Irak était illégale en vertu de la loi internationale. Le rapport avait aussi critiqué le rôle joué dans la guerre en Irak par le gouvernement hollandais dirigé par le premier ministre chrétien-démocrate, Peter Balkenende, qui est aussi le dirigeant de la coalition qui vient de démissionner.

Au début du mois, le secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, avait eu des pourparlers avec Maxime Verhagen, la ministre chrétien-démocrate des Affaires étrangères. Il avait ensuite adressé une lettre à Balkenende en vue d'une extension de la mission néerlandaise.

En réponse à la demande du secrétaire général de l'OTAN, le Parti du Travail néerlandais a tendu le rameau d'olivier. Le député travailliste Martijn van Dam a déclaré que son parti serait prêt à soutenir la poursuite d'une intervention impliquant la formation d'un nombre restreint d'ingénieurs et de personnel médical afghans. Mais étant donné que des troupes hollandaises seraient nécessaires pour assurer la sécurité d'une telle mission, la proposition de van Dam était un moyen détourné pour permettre la continuation du déploiement hollandais.

Toutefois, après que la nouvelle a été connue la semaine passée que les négociations de l'OTAN avaient donné le feu vert pour la prolongation du déploiement hollandais, la colère est montée dans l'opinion publique. Bos a affirmé n'avoir pas été au courant des négociations - une affirmation hautement douteuse et qui a immédiatement été rejetée par les chrétiens-démocrates insistant pour dire que Bos était parfaitement informé ; elle a de plus été accueillie avec beaucoup d'incrédulité par l'opinion publique.

C'est dans ce contexte que le Parti du Travail s'est séparé de ses partenaires de la coalition. Au terme d'une réunion ministérielle de 16 heures et qui a duré jusqu'au petit matin de samedi, Balkenende a déclaré la fin de sa coalition avec le Parti du Travail.

Le parti des chrétiens-démocrates et de l'Union chrétienne devraient expédier les affaires courantes en attendant l'organisation de nouvelles élections législatives anticipées qui devraient avoir lieu au début de l'été. Dans ces conditions où tous les partis de la coalition ont été discrédités on assume que le parti anti-immigrant d'extrême droite de Geert Wilders, le Parti de la liberté (PVV), pourrait remporter le scrutin ou arriver en deuxième position lors des nouvelles élections.

La chute du gouvernement hollandais représente un sérieux coup porté à la stratégie du gouvernement américain en Afghanistan. Certes, le nombre des soldats néerlandais en Afghanistan est limité par rapport au déploiement américain - qui devrait atteindre 100.000 hommes d'ici la fin de l'année - et pourtant les experts en politique et les spécialistes de la politique extérieure craignent que la décision néerlandaise ne forme un prélude à ce que d'autres pays retirent également leurs troupes.

Le parlement allemand doit décider vendredi de l'extension du mandat de ses propres troupes en Afghanistan. Tout comme aux Pays-Bas, il existe en Allemagne une hostilité massive contre l'intervention des troupes allemandes à la mission des Etats-Unis et de l'OTAN.

Aux dires de Julian Lindley-Rench, professeur à l'académie de la défense des Pays-Bas à Breda : « Si les Hollandais se retirent, ce à quoi cela aboutirait, cela pourrait ouvrir les vannes et faire dire aux autres Européens : "Les Hollandais se retirent, pourquoi pas nous aussi." Les conséquences seraient que les Etats-Unis et les Britanniques devraient porter une charge plus grande. »

La fin du gouvernement hollandais et l'éventualité d'un retrait des troupes hollandaises se produit aussi à un moment où l'alliance Etats-Unis/OTAN est confrontée à une opposition grandissante à l'encontre de l'opération qu'elle mène contre les talibans dans la province du Helmand qui est limitrophe de la province d'Uruzgan.

Les commentaires faits par le dirigeant du Parti du Travail, Wouter Bos, après que son parti a quitté la coalition gouvernementale, montre clairement qu'il n'existe aucun différend au sein des sociaux-démocrates lorsqu'il s'agit de recourir aux troupes hollandaises pour des interventions militaires en faveur de la défense des intérêts hollandais. Bos représente une section de l'élite dirigeante aux Pays-Bas qui est de plus en plus préoccupée par le déroulement de la campagne en Afghanistan, qui rechigne à utiliser les troupes hollandaises pour défendre les intérêts américains dans la région et qui redoute les conséquences intérieures et politiques d'une participation hollandaise continue dans la guerre.

L'opposition populaire à la guerre est liée au mécontentement social face à l'impact de la crise économique et des mesures d'austérité du gouvernement. Balkenende avait annoncé des projets pour rehausser l'âge du départ à la retraite et pour imposer des coupes drastiques dans les programmes sociaux dans le but de récupérer les sommes considérables que le gouvernement avait allouées au sauvetage des banques hollandaises au plus fort de la crise économique.

Tout comme dans le cas de la politique militaire, les sociaux-démocrates n'ont pas de différends fondamentaux avec une telle politique. Depuis les années 1990, le Parti du Travail est considéré comme le parti de la redistribution des richesses - de la classe ouvrière vers ceux du haut de la société.

C'est à cette époque que le PvdA, sous le premier ministre d'alors, Wim Kok, avait appliqué un programme de coupes draconiennes dans les dépenses sociales, ouvrant de ce fait la voie à l'entrée au gouvernement des conservateurs menés par Balkenende. L'actuel dirigeant travailliste, Bos, est un ancien directeur de la compagnie Shell Oil qui jouit d'étroites relations avec le monde des affaires hollandais.

A présent, Bos et la direction du Parti du Travail en sont venus à la conclusion que les mesures indispensables pour restaurer la crédibilité des Pays-Bas ne peuvent, aux yeux de la finance internationale, être appliquées par une coalition discréditée et menée par Balkende. Au lieu de cela, le Parti du Travail s'efforcera, grâce à ses liens étroits avec les syndicats, de forger une nouvelle coalition qui s'engagera à appliquer les coupes exigées par les banques et les intérêts patronaux hollandais.

(Article original paru le 22 février 2010)

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