On a assisté la semaine dernière à une nette intensification des menaces
et provocations persistantes à l’égard la Chine qui caractérisent depuis
septembre la politique de l’administration Obama. La Maison-Blanche avait
alors signé une loi imposant de sévères taxes douanières aux importations de
pneus chinois. Cela fut suivi en décembre de tarifs imposés aux importations
de tuyaux d’acier en provenance de Chine.
Début février, les Etats-Unis ont annoncé une vente d’armes à hauteur de
6,4 milliards de dollars à Taiwan, dont des missiles sol-air Patriot-3. La
Chine, qui avait répondu à l’imposition de tarifs précédente en taxant les
exportations américaines de poulets et en menaçant de taxer les pièces
détachées automobiles en provenance des Etats-Unis, a annoncé qu’elle
envisageait des sanctions contre les sociétés américaines impliquées dans la
vente d’armes à Taiwan, parmi lesquelles figure la Boeing Corporation.
Le mois dernier Obama avait également rencontré le Dalaï Lama à
Washington, faisant fi des mises en garde de Pékin qui considérait cette
rencontre comme une provocation.
Ces décisions ont été prises dans le contexte d’une longue suite de
conflits avec Washington, parmi lesquels il y a l’opposition de la Chine à
de nouvelles sanctions contre l’Iran, l’inquiétude croissante de la Chine
devant l’escalade militaire de Washington en Afghanistan et au Pakistan et
le refus de Pékin de s’incliner devant l’exigence américaine que la Chine
réévalue sa monnaie, le renminbi (connu aussi sous le nom de Yuan).
Cette dernière question est devenue aux Etats-Unis l’objet d’une campagne
en faveur de mesures de guerre commerciales contre la Chine. Cette campagne
est dirigée par l’establishment du libéral Parti démocrate, notamment
le New York Times.
Lundi dernier, un jour après que le premier ministre chinois Wen Jiabao
ait rejeté les ultimatums américains de réévaluation monétaire et les ait
dénoncé comme une forme de protectionnisme, Paul Krugman, économiste libéral
écrivant pour le New York Times, publiait un article incendiaire
intitulé « Affronter la Chine ». Krugman écrivait : « Les tensions
s’accroissent à propos de la politique économique de la Chine et c’est bien
comme ça. La politique de la Chine consistant à maintenir sa monnaie, le
renminbi, sous-évaluée est devenue un frein considérable à la relance
économique dans le monde. Il faut faire quelque chose. »
Ce qu’il faut faire selon Krugman c’est que le Département du Trésor
fasse, à l’occasion de la publication de son rapport semi annuel au Congrès
sur les affaires monétaires le 15 avril, une déclaration disant que la Chine
était un manipulateur monétaire et que cette déclaration soit assortie d’une
tarification supplémentaire de 25 pour cent sur toutes les exportations
chinoises vers les Etats-Unis.
Lundi dernier également, 130 membres de la Chambre des représentants ont
envoyé une lettre au secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner et au
secrétaire au Commerce, Gary Locke, les appelant à accuser la Chine de
manipulation monétaire et à imposer des tarifs compensatoires afin de
protéger les producteurs américains. Le député démocrate de l’Ohio, Tim
Ryan, dit: « cela met de nombreux américains au chômage ».
Le jour suivant, cinq sénateurs menés par les démocrates Charles Schumer
(New York), Debbie Stabenow (Michigan) et Sherrod Brown (Ohio)
introduisaient un projet de loi qui exige que les Etats-Unis impose des
tarifs et autres pénalités à la Chine.
Mercredi, le New York Times publiait un éditorial accusant la
Chine de manipulation monétaire et déplorant le « silence assourdissant » du
reste du monde devant la politique de Pékin. Le Times en appela au
Fonds monétaire International, à l’Union européenne, à l’Inde et à la Corée
du Sud pour qu’ils se joignent aux Etats-Unis et pressent publiquement la
Chine de réévaluer sa monnaie.
« Les représailles » écrivait ce journal « ou même la menace de
représailles apparaîtraient plus légitimes si elles faisaient partie d’un
accord multilatéral et se produisaient sur la scène mondiale »
C’est le comble de l’hypocrisie de la part de Etats-Unis que de montrer
la Chine du doigt alors qu’il n’y a pas eu, durant les 40 dernières années,
un seul pays qui se soit servi de façon aussi impitoyable que les Etats-Unis
de sa monnaie pour poursuivre des intérêts nationaux. Il y a trente neuf
ans, l’administration Nixon retirait de façon unilatérale la couverture or
du dollar mettant fin au système monétaire international instauré à la
conférence de Bretton Woods à la fin de la seconde Guerre mondiale.
Dans le même temps, les Etats-Unis avaient imposé une surcharge de 10
pour cent sur toutes les exportations en direction des Etats-Unis. A l’aide
de tels moyens, Washington avait forcé l’Allemagne, le Japon, et d’autres
nations à réévaluer leurs monnaies dans le but de rendre les exportations
américaines moins chères.
John Connally, le secrétaire au Trésor de l’époque avait dit à une
délégation européenne, et ses mots sont restés fameux, que le dollar était
« notre monnaie, mais votre problème ».
Nonobstant l’attitude arrogante et agressive des Etats-Unis, les tensions
commerciales croissantes entre la Chine et les Etats-Unis reflètent des
lignes de fracture structurelles objectives et profondes au sein de
l’économie mondiale. Dans un article publié mercredi dernier, un
commentateur du Financial Times, Martin Wolf, montrait quels
déséquilibres massifs existent dans l’économie mondiale et s’expriment dans
l’accumulation, par les deux premiers pays exportateurs Chine et Allemagne,
d’un surplus de leurs balances commerciale et des paiements, au moment où,
dans le reste du monde, les déficits s’envolent.
« Je commence à me demander » écrit Wolf, « si l’économie mondiale
ouverte va survive à cette crise ». Il continue ainsi : « Derrière tout
cela, il y a une cassure fondamentale. Les pays à surplus insistent pour
pouvoir continuer comme avant. Mais ils refusent d’accepter que le fait
qu’ils s’appuient sur des excédents de leurs exportations doive les affecter
à leur tour, une fois que leurs clients sont en faillite. En fait c’est
exactement ce qui est en train de se passer ». Pour leur part, les pays à
déficits, Etats-Unis en tête, ne peuvent réduire leurs immenses déficits
fiscaux que par « une forte impulsion de leurs exportations nettes ».
Wolf averti de ce que le monde court le danger « de se laisser prendre
dans une bataille du type ‘ruine ton voisin’ où chacun cherche désespérément
à refiler son excès de marchandises à ses partenaires commerciaux ». Et il
ajoute : « Cela aussi a constitué pour une bonne part la catastrophe des
années trente. »
Toutes les contradictions malignes et incurables qui ont produit
l’effondrement global des années trente et ont conduit à la montée d’un
nationalisme virulent qui eut son apogée dans la deuxième Guerre mondiale,
se réaffirment une fois de plus. L’intégration bien plus importante de la
vie économique qui s’est produite depuis n’a fait qu’exacerber ces
contradictions et les a porté à un niveau supérieur et potentiellement plus
explosif et plus destructif.
La guerre commerciale, les dévaluations monétaires concurrentielles, la
fragmentation du marché mondial en blocs commerciaux et monétaires rivaux,
la montée du militarisme et de la guerre et le fait que les élites
dirigeantes de chaque pays mettent le cap sur des attaques massives contre
leur propre classe ouvrière et préparent des formes dictatoriales de
gouvernement – toutes ces marques de ce que Trotski a appelé « l’agonie du
capitalisme » sont de retour.
A la racine de tout cela il y a la contradiction fondamentale existant
entre l’économie mondiale et le système de l’Etat nation capitaliste. Il n’y
a pas pour l’humanité d’issue dans le cadre du système capitaliste qui est
malade et historiquement dépassé.
Non moins objectivement déterminé est le fait que la classe ouvrière
résistera et entrera dans de nouvelles luttes révolutionnaires. Le
développement d’une nouvelle direction révolutionnaire qui donnera à toutes
ces luttes la conscience, le programme et la stratégie socialistes
nécessaires pour les conduire à la victoire est la tâche urgente du moment.
Les 17 et 18 avril, le Parti de l’égalité socialiste (USA), les
International Students for Social Equality et le World Socialist Web Site
tiennent une conférence sur la crise sociale et la guerre à Ann Arbor au
Michigan. Cette conférence discutera d’une perspective socialiste pour unir
la classe ouvrière contre la guerre et les attaques sur l’emploi, le niveau
de vie, les programmes sociaux et les droits démocratiques.
Nous pressons tous les travailleurs et les jeunes qui cherchent un moyen
de répondre à ces attaques d’assister à cette conférence. Pour plus
d’information et pour s’inscrire voir : www.socialequality.com/conference