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  WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La police infiltre les manifestations contre l’austérité en France

Par Anthony Torres
10 novembre 2010

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Lors des grèves contre l’austérité et la réforme des retraites par le gouvernement du Président Nicolas Sarkozy, les manifestants ont observé des policiers qui s’infiltraient dans plusieurs cortèges, pour frapper des gens, défendre des casseurs, ou isoler d’autres manifestants. Ce qui est également remarquable, c’est que les policiers ont décidé par la suite de ne pas nier qu’ils s’infiltraient dans les manifestations.

Les interrogations sur le rôle des casseurs dans les manifestations ont finalement dû être admises par des médias et des hommes politiques bourgeois des plus haut placés.

Une vidéo tournée par un journaliste de l'agence Reuters, parue sur internet le 16 octobre, montre un de ces casseurs, cagoulé, s'en prendre à une vitrine. « Un homme cherche à l'arrêter, mais reçoit un coup d'un autre "casseur" armé d'une matraque (qui pourrait être un tonfa, la matraque à poignée utilisée par les policiers), avant d'être entouré par quatre ou cinq personnes cagoulées. Quelques secondes plus tard, l'homme qui a donné le coup de pied est filmé en train de disperser des manifestants à l'aide de sa matraque » écrit le journal Le Monde.

Le Monde a repris cette vidéo dans l’article « Sur le Web, les interrogations se multiplient autour de "policiers casseurs" ».

Dans un lien auquel renvoie l’article, un syndicaliste raconte un autre incident d’infiltration policière des manifestations, cette fois-ci à Lyon.

Il explique que son « secrétaire de syndicat a vu sur la place Bellecour avant le début de la manif du 19 octobre avec ses collègues pompiers et des groupes de jeunes, quand ils ont assisté à une agression verbale et physique de la part d’individus, qui portaient des badges CGT, vis à vis d’un groupe de jeunes. Les pompiers se sont interposés et ont réussi à ceinturer les agresseurs. Tant et si bien qu’ils ont eu la surprise de voir ces individus sortir leur carte de police pour se défendre, car c’était des flics de la BAC [Brigade Anti Criminalité] ! Du coup, les pompiers leur ont arraché leurs badges CGT et leur ont dit qu’ils valaient mieux pour eux qu’ils foutent le camp, ce qu’ils ont fait ! »

Ces infiltrations avaient un but politique: dénoncer les agissements de prétendus « casseurs » pour discréditer les manifestations et l’opposition à la politique d’austérité de Sarkozy. Les manifestations contrôlées par les syndicats sont très populaires ; 65 pour cent de la population est favorable à de nouvelles grèves. En faisant passer les manifestants pour de violents casseurs avec l’appui des médias, le gouvernement voulait retourner l’opinion publique contre ce mouvement de contestation des travailleurs.

Certaines manifestations comme à Lyon se sont terminées par des détériorations de la part de casseurs et des vagues d’arrestations arbitraires par la police. Le ministre Brice Hortefeux a répondu aux attaques de Jean-Luc Mélenchon lors d’une réunion au ministère avec les syndicats, en rendant hommage à la «très grande efficacité» des policiers «face aux casseurs», dont 2.254 auraient été interpellés depuis le 12 octobre.

Jean-Luc Mélenchon, le premier secrétaire du Parti de Gauche (PG), a créé une polémique le 24 octobre, en reprenant officiellement les commentaires qui circulaient sur Internet depuis le 16 octobre sur la vidéo. Il a pointé le rôle de Brice Hortefeux dans ces infiltrations : « la présence dans les cortèges de personnes infiltrées qui jettent des pierres, brisent des vitrines et ensuite sortent des brassards de police". "Qui donne de tels ordres ? Je pense que le ministre de l'Intérieur est au courant ».

Les syndicats de police ont critiqué les propos de Mélenchon. Toutefois, Brice Hortefeux ne portera pas plainte pour ces propos, selon Patrice Ribeiro, secrétaire général de Synergie Officiers, comme plusieurs organisations syndicales le lui avaient demandé: «Le ministre estime que ce n’est pas opportun dans la mesure où cela donnerait une caisse de résonance et une publicité à M. Mélenchon ».

En refusant de porter plainte contre Mélenchon, Hortefeux laisse entendre qu’il craint qu’une enquête ne révèle que les accusations de Mélenchon sont au moins partiellement bien fondées. L’ancien commissaire de police Georges Moréas confirme sur son blog à propos d’une des vidéos qu’il « s’agirait très certainement de policiers infiltrés dans la manifestation ».

Les syndicats de police comme UNSA et SGP-FO ne nient pas les infiltrations de la police dans les manifestations. Nicolas Comte, secrétaire général du syndicat général de la police (SGP-FO) « Les syndicats ne nient pas la présence de policiers en civil dans les cortèges de manifestants mais la jugent ‘normale et logique’ ».

Le leader de la CGT, Bernard Thibault, a aussi fini par faire une déclaration sur le rôle de la police dans les manifestations. Celui-ci a affirmé dans un entretien à Libération que «la présence de policiers en exercice camouflés sous des badges syndicaux, à Lyon, à Paris ne fait aucun doute … On a vu des policiers avec des badges CGT repérés par les nôtres, qui se réfugient dans un hall d’immeuble, et finissent par se faire exfiltrer par des CRS ».

En fait, de nombreuses indications donnent à penser que les syndicats et les partis de « gauche » étaient au courant de ces pratiques, et ce depuis le début. Mohamed Douane, leader syndical de Synergie Officiers, a répondu à Thibault sur France 2 : « Ces méthodes sont connues de tous les leaders politiques et syndicaux, et que certains feignent de l'ignorer et de s'en offusquer, cela est risible et pitoyable. »

Les syndicats eux-mêmes ont donné des interviews à la presse qui laissent entendre qu’ils collaborent étroitement avec les organes de répression de l’Etat.

Dans un article du Monde du 15 octobre, intitulé « Les routiers solidaires du reste de la population’ », le chef de CFDT-Route Maxime Dumont a dit au journaliste : « Aujourd'hui, on dialogue plus avec les renseignements généraux qu'avec les responsables politiques !» Dumont n’a pas précisé dans l’interview le caractère de ces discussions avec les services de renseignement français, ou quelles informations la CFDT donnait sur les grévistes à l’Etat.

La décision de Mélenchon de focaliser l’attention médiatique sur le rôle de Brice Hortefeux dans ces évènements, passant sous silence celui des syndicats, est hautement politique.

Jean Luc Mélenchon est un personnage politique haut placé. Il a reçu sa formation dans un parti politique se réclamant faussement de Trotsky, l’Organisation Communiste Internationaliste (OCI). En 1977, ayant été expulsé de l’OCI, il devint un loyal partisan de Mitterrand et du Parti Socialiste (PS). Il fut élu sénateur en 1986 et, mis à part quatre années sans siège, il est resté sénateur jusqu’à ce jour. Il a eu un poste de secrétaire d’Etat dans le gouvernement de Jospin de 2000 à 2002. Il a conduit ou participé activement à de nombreux et différents regroupements à la « gauche » du PS.

La décision de Mélenchon de quitter le Parti socialiste (PS) en 2009, dont il a été membre pendant 31 ans, est une réaction à la crise de la « gauche » parlementaire française, le Parti socialiste et le Parti communiste (PC). Il a fondé le PG pour tenter de redonner une certaine légitimité politique aux partis de gouvernement de la « gauche » bourgeoise, et développer des liens politiques avec le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) d’Olivier Besancenot.

Ces milieux politiques ont indiqué à maintes reprises leur sympathie avec les forces de l’ordre. Ceci explique leur isolement des grévistes dans les secteurs pétrolier et portuaire lors des grèves récentes, même quand les travailleurs étaient cernés et attaqués par des CRS qui les réquisitionnaient pour briser leurs grèves et leurs occupations des lieux de travail.

En 2008 les sans papiers avaient investi les locaux de la Bourse de Paris avec l’espoir que la CGT négocierait auprès du gouvernement la régularisation de tous les sans papiers. En 2009 les services de sécurités de la CGT, cagoulés et munis de barres de fer et de gaz lacrymogènes, ont attaqué les sans papiers avec le soutien des CRS qui étaient présents. (Voir « France : des nervis de la CGT et la police expulsent des sans papiers de la Bourse du travail »)

La réponse des partis politiques de l’ex-gauche a été de défendre l’action de la CGT contre les travailleurs. Le NPA avait déclaré « qu’une telle occupation entravait le fonctionnement du mouvement syndical, ne pouvait pas leur permettre de construire un rapport de force avec le gouvernement et la préfecture afin d’obtenir leur régularisation.»

Le NPA n’a fait aucun commentaire suite aux révélations par la presse de l’infiltration de la police dans les manifestations, ni de la collaboration entre les forces de l’ordre et les syndicats qui est clairement reconnue par la CFDT.

Cette position du NPA fait écho aux louanges adressées par le leader historique du NPA, Alain Krivine, à Maurice Grimaud, préfet de Paris pendant les manifestations de Mai-Juin 1968, à sa mort l’année dernière. En 1968, Maurice Grimaud avait envoyé les CRS contre les masses, faisant arrêter des manifestants.

Krivine a encensé cet homme qui réprima les travailleurs parisiens, déclarant que « c’était un type bien », « un républicain de gauche ». (Voir : « France : le NPA tente de canaliser le mécontentement contre les syndicats »)

De tels évènements soulignent la justesse de l’analyse par le WSWS de l’attitude à prendre envers ces tendances politiques lors des récentes grèves contre la réforme des retraites. Le WSWS a insisté pour dire que toute lutte ouvrière contre la politique d’austérité ne peut se développer qu’indépendamment des syndicats et des différentes tendances de l’ex-gauche, et en s'y opposant politiquement.

Voir aussi:

La couverture de la lutte contre la politique d'austérité en France

 

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