Le 9 novembre le conseil national du Parti socialiste (PS)
a adopté un texte sur l’« égalité réelle » présenté comme une
feuille de route pour les 15 prochaines années. Il contient diverses
propositions sur l’éducation, la santé, les services publics et le
logement.
C’est une manoeuvre cynique du PS destinée à en
appeler à l’opposition publique contre les coupes sociales du président
Nicolas Sarkozy. Le mois dernier, des grèves et des protestations massives ont
eu lieu, dont une grève dans les secteurs pétrolier et portuaire qui a duré
plusieurs semaines contre la réduction des retraites qui prévoit à la fois un
allongement de deux ans de l’âge légal de départ à la retraite et de
l’âge légal de départ à la retraite sans décote. Le PS avait réagi en
affirmant qu’il voulait garder le droit à la retraite à 60 ans tout en
soutenant discrètement les autres réductions de la retraite tels
l’allongement de la durée de cotisation et le relèvement de l’âge
de la retraite sans décote de 65 à 67 ans.
La pression sur le PS pour présenter un visage de
« gauche » à l’opinion publique est d’autant plus intense
qu’il n’a pas tiré un avantage politique de la colère grandissante
contre Sarkozy. Un récent sondage a montré que 62 pour cent de la population ne
faisait pas confiance au PS et pensait qu’il n’appliquerait pas sa
promesse de revenir à l'âge légal de départ à la retraite à 60 ans une fois au
pouvoir. Cette méfiance populaire est tout à fait justifiée compte tenu du
bilan droitier du PS.
Le texte a été préparé par le porte-parole du PS, Benoît
Hamon. Il a tenté de conserver de bonnes relations avec les manifestants lors
des récentes grèves et est apparu dans plusieurs réunions aux côtés
d’Olivier Besancenot du Nouveau parti anticapitaliste (NPA).
L’introduction du texte dit: « Le projet des
socialistes donne la priorité à l’amélioration des conditions de vie des
citoyens quelle que soit leur place dans la hiérarchie sociale. C’est
pourquoi nous voulons réduire les inégalités de revenus, de condition, de
santé, de logement, d’éducation. »
En fait, un examen des mesures
mêmes d’« égalité réelle » anéantit toutes ces affirmations.
Alors que certaines de ces mesures – telles la limitation du crédit
revolving – seraient progressistes si elles étaient appliquées dans des
conditions de prospérité économique, les plus importantes sont foncièrement
réactionnaires.
Les propositions d’accorder l’autonomie aux
établissements scolaires dans la gestion des moyens qui leur sont alloués,
jettent les bases pour la destruction de l’éducation nationale et de sa
privatisation. Des projets de création « d’un service civique
universel » obligatoire d’un an pour tous les jeunes les privent de
salaires et ouvrent la voie à la conscription. Quant à la convocation
d’un « grand rendez-vous annuel sur les salaires » ce sera sans
aucun doute le prétexte pour tenter d’appliquer de force des réductions
massives, compte tenu notamment de la crise économique en cours.
Alors que Hamon tente de manière frauduleuse d’en
appeler, sur cette base droitière, au mécontentement social, d’autres
membres influents du PS sont amenés à dénoncer le texte de Hamon en préconisant
implicitement davantage de coupes sociales. Ils critiquent l’absence de
financement explicite de ces mesures dans des circonstances où ils sont en
train de préparer des coupes budgétaires drastiques.
François Hollande, l’ancien premier secrétaire du PS
a dit: « Le coût des mesures sur l’égalité réelle est impossible à
chiffrer. Avant d’établir ce rapport, il aurait fallu évaluer les marges
de manœuvre dont on peut disposer. » Il a ridiculisé le projet en
parlant de « la grande hotte du Père Noël. »
Pierre Moscovici, député PS et allié proche du chef du
FMI, Dominique Strauss-Kahn, a dit que ces 200 propositions n’engageaient
le PS à rien mais qu’elles constituaient « une boîte à idées. »
Il a aussi critiqué Hamon « de ne pas avoir chiffré et financé les
propositions. »
Manuel Valls, député PS qui s’est déclaré candidat
aux primaires du PS pour l’élection présidentielle de 2012 a dit au
quotidien Le Parisien que la France avait besoin d’une
« véritable révolution fiscale » et une réduction des coûts de
l’Etat. Avec les propositions de Hamon, « On fait
l’inverse. »
De tels commentaires donnent une idée assez juste de la
politique que le PS projette de poursuivre. C’est un fait bien connu que
les précédents gouvernements PS du président François Mitterrand (1981-1995) et
du premier ministre Lionel Jospin (1997-2002) ont procédé à des licenciements
de masse, des coupes sociales et des privatisations. La politique du PS est
comparable à celle de ses homologues sociaux-démocrates en Grèce, au Portugal
et en Espagne qui ont imposé des réductions sociales drastiques à la classe
ouvrière afin de satisfaire les banques et les marchés financiers, en pleine
crise économique.
Le journal droitier Le Figaro a remarqué :
« Le rapport Hamon a ravivé la vieille crainte des réformistes du
PS : trop promettre dans l’opposition, se retrouver incapable de
tenir ses engagements au pouvoir, décevoir les électeurs et se retrouver
contraint d’engager un tournant de la rigueur façon François Mitterrand
en 1983. »
En réponse aux critiques du texte de Hamon le qualifiant
d'irréaliste, la première secrétaire du PS, Martine Aubry a défendu le texte de
Hamon en disant que, « Ce qui m'intéresse c'est que 99% du PS a compris
que les Français voulaient qu'on soit tourné vers eux, qu'on apporte des
réponses nouvelles et innovantes pour un autre projet que celui qui casse les
valeurs de la France aujourd'hui. »
Aubry a cyniquement affirmé que les propositions de Hamon
étaient « la véritable crédibilité des socialistes aujourd’hui.
Notre voie est forcément à gauche car c’est cela qui portera notre
crédibilité. »
C’est-à-dire que le PS ressent le besoin
d’adopter une posture de « gauche » afin d’en appeler à
l’opposition sociale et de remporter les élections et ce en dépit du fait
qu’Aubry ne croit pas elle-même aux promesses qu’elle fait. En
début d’année, lorsque Sarkozy avait négocié la réduction des retraites
avec les syndicats, Aubry avait dit soutenir le relèvement de l’âge de
départ à la retraite de 60 à 62 ans.
Bien qu’elle ait été félicitée pour cette prise de
position sur les retraites par les ténors du PS dont François Hollande et
Michel Rocard, elle s'était ensuite rétractée afin de dissimuler le projet de
programme d’austérité sociale du PS.
Même les idées de Hamon ne sont pas fondamentalement
différentes des idées de ceux qui, au sein du PS, réclament ouvertement des
coupes sociales. Durant la crise de la dette grecque au printemps dernier,
Hamon avait laissé entendre qu’il soutenait le type de réductions à la
grecque pour la France en disant : « La France a exigé de la Grèce
cette politique. Comment lorsque la Commission européenne se retournera vers la
France, pourra-t-elle refuser d’appliquer à elle-même ce qu’elle a
demandé pour la Grèce ? »
Hamon a finalement contribué aussi à imposer les coupes en
Grèce. A l’Assemblée nationale, il a voté, aux côtés des députés
conservateurs, pour financer la part de la France au plan de sauvetage du FMI
de la Grèce. Ce renflouement a aidé au sauvetage des banques françaises qui
avaient investi en Grèce, tout en augmentant le déficit budgétaire de la France
et en laissant l’Etat grec aussi endetté qu’avant.
Hamon a cyniquement dit à la presse: « L’argent
de l’Europe et du FMI aurait été mieux utilisé pour faire de la relance,
ce qui ne nous empêchera pas de voter la solidarité. »
La nature de la « solidarité » de Hamon était
réactionnaire et fausse. Le plan de sauvetage du FMI-UE a produit un déclin
catastrophique du niveau de vie de la classe ouvrière en Grèce. Après être
arrivé au pouvoir en promettant d’augmenter les programmes sociaux, comme
le fait Hamon aujourd’hui, le premier ministre social-démocrate grec,
George Papandreou, a imposé des réductions massives d’emplois, des
retraites et mené des privatisations d’entreprises publiques. Selon des
estimations de la presse, ces réductions ont entraîné une baisse moyenne de 30
pour cent du niveau de vie des travailleurs.