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EuropeLe sauvetage irlandais et la nécessité des Etats
socialistes unis d’Europe
Par Stefan Steinberg
29 novembre 2010
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Le sauvetage de l’Irlande par l’UE et le FMI montre clairement que la
société est confrontée à une catastrophe si on autorise les banques
internationales à continuer à piller le trésor public et à démanteler les
systèmes de protection sociale établis au cours de nombreuses décennies.
Le plan de sauvetage financier a révélé au grand jour le rôle joué par
toutes les institutions européennes et les gouvernements nationaux en tant
que laquais de l’aristocratie financière mondiale. Aucun gouvernement ni
parti parlementaire n’a l'intention, ni n'est capable de maîtriser le
pouvoir sans cesse grandissant du capital financier mondial.
En mai de cette année, après une campagne concertée des principales
banques et agences de notation pour déclasser la dette grecque et pousser à
la hausse le prix des obligations du gouvernement grec, l’UE et le FMI sont
intervenus pour négocier une aide financière de 110 milliards d’euros pour
le sauvetage du pays. Les politiciens et les médias européens avaient assuré
aux contribuables que la Grèce était un cas unique et qu’un sauvetage de ce
genre pour un autre pays ne se produirait pas.
A présent, à peine six mois plus tard, une somme comparable, et qui devra
finalement être remboursée par les contribuables, a été allouée par l’UE et
le FMI après une nouvelle campagne destructrice orchestrée par les banquiers
et les spéculateurs internationaux pour dégrader la note de l’Irlande.
Après avoir obtenu des gouvernements nationaux des centaines de milliards
pour couvrir leurs mauvaises dettes de jeu, la ploutocratie financière dicte
à présent les termes de programmes d’austérité les plus rigides jamais
imposés dans l’histoire d’après-guerre de l’Europe. Les détails du budget
irlandais doivent être annoncés aujourd’hui, mais les suppressions d’emploi,
les réductions du niveau de vie et des droits sociaux dictés au gouvernement
par les banques seront sans précédent. Un fonctionnaire de la Commission
européenne a qualifié les mesures d’austérité élaborées pour l’Irlande de
« Oliver Cromwell package », faisant référence au Lord protecteur anglais
dont les armées avaient ravagé l’Irlande en 1649 lors d’une brutale campagne
de reconquête.
L’élite financière ne fait pas dans la dentelle et n’est pas disposée à
concéder la moindre mesure restreignant son profit. Les banquiers au plus
haut niveau ont réagi avec fureur lorsque le gouvernement allemand, soutenu
par la France, a timidement proposé il y a quelques semaines que les banques
et les principaux créanciers endossent certains des coûts d’un futur plan de
sauvetage. Le président de la Deutsche Bank a dénoncé le plan allemand et a
entamé une tournée européenne des conseils d’administration et des
institutions politiques dans le but de torpiller cette proposition.
Le gouvernement allemand a rapidement battu en retraite en déclarant que
toute demande de paiement imposée aux banques serait reportée jusqu’en 2013
au plus tôt. Aucune disposition n’est prévue dans le sauvetage de l’Irlande
de cette semaine pour que les banques ou les gros détenteurs d’obligations
subissent des pertes.
Avec cette récente offensive internationale, les banques ont fait monter
les enchères. Elles ne se contentent plus de sauvetages rétrospectifs, elles
exigent maintenant que les gouvernements mettent de côté d’énormes nouveaux
fonds de réserves pour garantir une nouvelle série de spéculation
financière.
En commentant ce processus, le Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung a
remarqué : « La crise financière est revenue là où elle avait commencé : au
niveau des banques. Et ces dernières sont de plus en plus effrontées. Alors
qu’il avait fallu la faillite de Lehman pour prouver que l’argent des
contribuables était nécessaire pour renflouer les banques, maintenant les
crises éventuelles doivent dès à présent être évitées ‘ d’avance ‘ par les
contribuables de l’UE. Et ce, pour que les banques ne soient pas tenues
responsables, de ce pourquoi elles engrangent d’ailleurs des intérêts
élevés, à savoir le risque qu’un cas d’urgence ne survienne où un gros
débiteur n’honore pas ses engagements. »
Après avoir ravagé les économies de la Grèce et de l’Irlande, la mafia
financière se tourne à présent vers de nouveaux horizons. L’encre était à
peine sèche sur l’accord irlandais, que les marchés intensifiaient déjà la
pression sur les obligations de leurs prochaines victimes probables – le
Portugal et l’Espagne.
Les gouvernements de par l’Europe ont réagi en répandant le poison du
nationalisme afin de dissimuler leur propre duplicité et de détourner
l’attention des conséquences sociales calamiteuses de leurs mesures
d’austérité. Par ce moyen, ils cherchent à empêcher une réponse unifiée de
la classe ouvrière. Dans un certain nombre de pays européens, des
organisations ultra droitières, racistes et anti-islamiques ont été portées
au gouvernement afin d’attiser le chauvinisme national.
En Irlande, le gouvernement Fianna Fail dirigé par Brian Cowen est
confronté à des dénonciations de la part de partis politiques de tous les
bords déplorant sa « trahison de la souveraineté nationale irlandaise. » Ces
mêmes partis ont clairement indiqué leur soutien inconditionnel aux mesures
d’autorités dictées par les banques.
Les intérêts de classe qui sous-tendent l’invocation officielle de la
souveraineté nationale sont démontrés par l’attention qui est portée, tant
par le gouvernement que l’opposition, au maintien à 12,5 pour cent de
l’impôt sur les sociétés – une politique dictée par les intérêts du capital
et sur laquelle les entreprises américaines insistent tout spécialement. Il
ne fait pas doute que le gouvernement irlandais, avec le soutien de la
soi-disant opposition, a obtenu de l’UE et du FMI, le maintien d’un faible
taux d’imposition des sociétés en proposant en retour d’imposer des attaques
encore plus brutales contre la classe ouvrière.
En dernière analyse, les partis d’opposition s’imaginent, qu’étant un peu
en retrait de ces attaques meurtrières imposées par Fianna Fail et les
Verts, ils seront, eux, mieux placés pour imposer les coupes sociales
exigées.
Le rôle principal dans cette orgie de chauvinisme est joué par les
syndicats et leurs défenseurs dans les organisations soi-disant de gauche de
la classe moyenne qui, à chaque moment de la crise, ont cherché à désamorcer
et à diviser l’opposition populaire contre les coupes sociales en facilitant
la poursuite de stratégies alternatives permettant l’application du
programme des banques. Les syndicats allemands, français et britanniques
n’ont pas levé le petit doigt pour soutenir les travailleurs en Grèce et en
Irlande tandis que les syndicats irlandais ont même pris la mesure sans
précédent d’accepter une interdiction de faire grève pendant quatre ans, un
gel des salaires et des milliers de suppressions d’emplois afin de
stabiliser le capitalisme irlandais.
Les travailleurs doivent rejeter fermement le nationalisme et le
chauvinisme qui sont attisés par les gouvernements bourgeois dans le but de
protéger l’élite financière. Les travailleurs et les jeunes partout en
Europe et internationalement ont manifesté leur volonté de lutter mais ces
luttes ne peuvent être victorieuses que sur la base d’une rupture avec les
partis sociaux-démocrates, les syndicats et leurs soi-disant alliés de
gauche. Le conflit n’est pas entre les Irlandais, les Grecs, les Allemands,
les Français et les Britanniques ni entre les Européens et les Américains,
mais entre la classe ouvrière internationale d’un côté et le capital
financier et ses laquais politiques de l’autre.
L'unique alternative à un avenir de pauvreté, de dictature et de guerre
est l’unification de la classe ouvrière européenne sur la base d’un
programme révolutionnaire socialiste comprenant la confiscation des profits
spéculatifs, une réorganisation radicale du système fiscal pour accroître le
fardeau des riches et soulager les travailleurs, l’annulation des dettes
publiques et l’expropriation des banques et des grands groupes et leur
transformation en entreprises de propriété publique soumises au contrôle
démocratique de la classe ouvrière.
L’unification progressiste de l’Europe n’est possible que sous la forme
des Etats socialistes unis d’Europe. Le Comité international de la Quatrième
Internationale (CIQI) est la seule organisation politique au monde à avancer
une telle perspective. Nous appelons les travailleurs et les jeunes à lire
et à soutenir le World Socialist Web Site, à étudier la politique et le
programme des sections du CIQI et à adhérer et à construire le parti mondial
de la révolution socialiste.
(Article original paru le 24 novembre 2010)