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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Qui est le leader syndical français Bernard Thibault ?

Par Anthony Torres
24 novembre 2010

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Les actions des syndicats français lors des récentes grèves et mobilisations contre la réforme des retraites du Président Nicolas Sarkozy ont focalisé l’attention des travailleurs sur le chef de la Confédération générale du travail (CGT), Bernard Thibault.

En dépit de l’hostilité populaire massive envers le chef de l’Etat, Thibault a insisté sur le fait que le mot d’ordre de grève générale était « abstrait » et « abscons ». Il a lâché les grévistes dans les ports, les raffineries et les dépôts de pétrole, refusant de mobiliser la classe ouvrière contre l’intervention des forces de l’ordre qui cassaient leurs blocages. Insistant sur le fait qu’il voulait surtout négocier avec Sarkozy, il a proposé des journées d’action n'aboutissant à rien.

Ceci réfute les idées reçues selon lesquelles Thibault dirige une centrale « contestataire ». La réorientation politique des travailleurs pour les luttes à venir, qui ne peuvent se dérouler qu'indépendamment des syndicats, nécessite une appréciation historique et théorique du rôle de Thibault. Il fait partie d’une couche sociale, historiquement alliée à la bourgeoisie contre la classe ouvrière, mais qui se donne une image combative face au gouvernement pour cacher son rôle dans la politique de l’Etat.

Bernard Thibault est né le 2 janvier 1959 à Paris ; depuis 1999, il est le secrétaire général de la CGT. Après un CAP en mécanique générale, il entre à la SNCF au dépôt de Paris-la Villette en 1976. En 1977, il adhère à la CGT, et devient responsable de la commission des jeunes du syndicat. En 1980, il devient délégué syndical de son dépôt. À 24 ans, il est élu secrétaire des cheminots CGT Paris-Est.

En 1987, il adhère au Parti Communiste Français (PCF) stalinien et rejoint le bureau fédéral des cheminots CGT.

Thibault entre en politique dans une période charnière entre la Guerre froide et la période post-soviétique. Sa décision de briguer des postes à responsabilité à la CGT et au PCF, vu les défaites sociales infligées aux travailleurs par ces organisations durant cette période, signifient qu'il se destine à une carrière dans les rouages syndicaux et politiques de l’Etat.

Le PCF dans les années 1970-80 sert d'outil de la social-démocratie française pour briser les grèves et désorienter la classe ouvrière. En 1972 le PCF adopte le programme commun de gouvernement avec le PS ; il abandonne le « modèle soviétique » en 1976, pour se déclarer partisan de l’économie nationale. Si le parti a déjà fait ses preuves au service du capitalisme, en trahissant notamment les grèves générales de 1936 et 1968, ses déclarations des années 1970 signalent officiellement sa conversion en défenseur de l’ordre établi.

Le parti communiste devient un parti de gouvernement aux côtés du Parti Socialiste (PS). Le PCF participe en 1981 au gouvernement Mitterrand avec quatre ministres communistes. En 1983 viennent le tournant de la rigueur et la démission des ministres communistes, un an plus tard.

Cette période voit d’importantes attaques sociales contre les travailleurs, avec notamment des fermetures d’usines dans l’automobile, à Renault et à Citroën, et dans l’industrie lourde, telle la sidérurgie du nord, à Longwy.

En 1991 la bureaucratie stalinienne restaure le capitalisme en URSS, avec des conséquences dévastatrices pour la classe ouvrière en URSS, et dans le monde entier. Les analyses de Trotsky sur l’URSS se sont avérées correctes. Trotsky avait dit à propos de l’avenir de l’URSS : « Le pronostic politique a un caractère alternatif : ou la bureaucratie, devenant de plus en plus l'organe de la bourgeoisie mondiale dans l'État ouvrier, renversera les nouvelles formes de propriété et rejettera le pays dans le capitalisme; ou la classe ouvrière écrasera la bureaucratie et ouvrira une issue vers le socialisme. »

Plus clairement qu’avant la chute de l’URSS, la CGT et le PCF fonctionnent en tant qu’instruments de l’Etat, hostiles aux travailleurs et inféodés aux besoins des banques. Ceci ne stoppe pas l’ascension de Thibault à l’intérieur de l’appareil stalinien. De 1990 à 1993, il est secrétaire général-adjoint, puis de 1993 à 1999 secrétaire général, de la fédération CGT des cheminots. Enfin, en janvier-février 1999, lors du 46e congrès, il succède à Louis Viannet à la tête de la confédération.

Après la chute de l'URSS, la CGT quitte la Fédération Syndicale Mondiale (FSM, sous influence stalinienne) rejoignant la Confédération Européenne des Syndicats--dominée par des syndicats pro-capitalistes tels la CFDT (Confédération française et démocratique du travail). L’allégeance de la CGT au capitalisme n'est certes pas nouvelle, la CGT ayant servi de bras droit au PCF lorsqu'il avait trahi les grèves générales de 1936 et de 1968. Cependant, sous la direction de Bernard Thibault, la CGT prend une part de plus en plus importante dans la formulation de la stratégie de l’Etat.

Selon René Mouriaux (politologue et historien), Thibault aurait été l'une des figures principales des mouvements de 1995 et serait devenu l'un des symboles du renouveau de la CGT, ce qui lui permet de rentrer au bureau confédéral en 1997.

En 1995 le gouvernement Juppé (RPR) veut s’attaquer aux acquis de la classe ouvrière. Un mouvement puissant des travailleurs, concentré sur la grève des cheminots, déborde les syndicats. Après avoir repris le contrôle des manifestations, les syndicats étouffent le mouvement de grève. Bernard Thibault négocie en 1995 un accord avec le ministre du Travail, qui accepte de ne pas toucher aux cheminots, tout en programmant des attaques sociales contre le reste des la classe ouvrière.

Prétendre que cet accord représente une victoire est une illusion ; Il maintient la plupart des attaques du Plan juppé contre le système de sécurité sociale, et le reste de la carrière de Thibault a surtout consisté à négocier des réformes pour égaliser les retraites des travailleurs vers le bas. En une série de réformes successives – en 2003, 2008, et maintenant en 2010 – des gouvernements de droite repoussent l’âge de la retraite en égalisant les conditions des différentes sections de la classe ouvrière vers le bas.

De 1997 à octobre 2001, Thibault est membre du conseil national (ex-comité central) du PCF. Il quitte ses responsabilités nationales au PCF en 2001 pour marquer la fin du concept de syndicat comme courroie de transmission du parti. Ceci est une étape importante. En faisant passer au second plan les liens historiques le rattachant au PCF, la CGT se donne l’occasion de collaborer avec des forces ouvertement pro-capitalistes, au service de l’Etat.

Dans un article de 2007, "Pourquoi Sarkozy veut sauver la CGT de Bernard Thibault," l’hebdomadaire Marianne détaille les relations nouées en 2004 entre Sarkozy (alors Ministre des Finances) et Thibault, lors d’une réforme d’EDF-GDF préparant sa privatisation.

En menaçant de dévoiler « la gestion du trésor des oeuvres sociales du comité d'entreprise », c'est-à-dire les fonds fournis par EDF-GDF et que la CGT utilise comme une caisse noire, Sarkozy découvre que Thibault préfère une « concession limitée ». Après « quelques mois de conflits bien encadrés, un modus vivendi est trouvé: le statut de l'entreprise change, mais ... la promesse (trahie depuis!) est faite que l'Etat demeure à jamais majoritaire dans le capital d'EDF-GDF ».

L’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy en 2007 marque un approfondissement des relations entre le pouvoir et la CGT. Le congrès fin 2009 a eu comme but de confirmer la politique de collaboration étroite entre Thibault et le Président Nicolas Sarkozy, poursuivie depuis le début du mandat de ce dernier.

Dans un article dans Le Monde, intitulé « Pour des syndicats forts » paru en d’avril 2008, Nicolas Sarkozy explique la logique de sa collaboration avec les syndicats : « j'ai l'intime conviction que, pour expliquer et mener à bien les réformes dont notre pays a besoin, nous devons le faire en partenariat étroit avec ceux qui représentent les intérêts des salariés et des entreprises... »

Cette collaboration contre les travailleurs était établie de longue date, selon Sarkozy : « Juste après l'élection présidentielle et avant même de rejoindre l'Élysée, j'ai tenu à recevoir les organisations syndicales et patronales pour les écouter et recueillir leurs positions sur les premières actions que je comptais entreprendre. Depuis, je continue à recevoir très régulièrement chacun de leurs représentants. Je les connais bien, nous avons parfois des divergences, mais notre dialogue est toujours franc. »

Il ajoute : « Je pense par exemple à la réforme des régimes spéciaux de retraite, qui a pu être menée à bien à l'automne grâce à une intense période de concertation au niveau national et des négociations dans chacune des entreprises concernées. »

A ce moment, la CGT et la CFDT établissaient un accord, intitulé « position commune », avec les groupements d’employeurs et l’Etat. L’accord comprenait des mesures destinées à accroître l'influence des syndicats les plus importants, donnant à l´Etat une bureaucratie plus centralisée pour faire la police dans la classe ouvrière.

En dépit d'une large opposition populaire, la CGT et Sarkozy ont ensuite fait passer des lois pendant l’été 2008 marquant un tournant significatif dans les relations de classe en France : allongement de la semaine de travail, réduction des allocations chômage, changement des lois qui régissent les syndicats et les grèves, et cadeaux importants faits aux grandes entreprises et à la finance.

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