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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le gouvernement britannique annonce des coupes sociales sans précédent

Par Ann Talbot
22 octobre 2010

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La grande orientation budgétaire (« spending review ») de l'automne, présentée par le gouvernement de coalition conservateur-libéral démocrate, introduit des attaques contre les dépenses publiques d'une brutalité encore jamais vue en Grande-Bretagne. 500.000 emplois du secteur public seront supprimés, tandis que le budget est délesté de 83 milliards de livres sterling (95 milliards d'euros.) Cela entraînera la suppression de 500.000 emplois supplémentaires dans le secteur privé. 

Les dépenses d'aide sociale seront fortement réduites de 18 milliards de livres au total, entre les coupes prévues dans la « spending review » et celles déjà faites dans le budget d'urgence un peu plus tôt cette l'année.

L'armée est confrontée à une réduction des dépenses de 8 pour cent en moyenne, avec une forte réduction ou un report des programmes majeurs selon le Strategic Defence Review (Orientation budgétaire de Défense stratégique.)

Ces coupes viennent s'ajouter aux projets hérités du précédent gouvernement travailliste. Même avant les élections, le National Health Service (service de santé) prévoyait des réductions de 20 milliards de livres selon les projets de dépense des Travaillistes.

Le gouvernement de coalition a pour objectif de réduire de façon draconienne, d'ici les quatre prochaines années, le déficit de la Grande-Bretagne qui s'élève à 109 milliards de livres. Représentant 11 pour cent du PIB (produit intérieur brut) il s'agit du déficit le plus élevé parmi les pays de l'OCDE et le second déficit le plus élevé d'Europe, après l'Irlande. La dette totale nette de la Grande-Bretagne a atteint 64,6 pour cent du PIB, soit 952 milliards de livres en septembre. Le gouvernement a emprunté plus de 16 milliards de livres le mois dernier uniquement. C'est le chiffre le plus élevé qui ait jamais été enregistré pour le mois de septembre.

Ces niveaux de dette record mettent le gouvernement sous la pression de ce que le Financial Times appelle les « bond vigilantes » (des investisseurs majeurs qui vendent les bons du trésor pour forcer le gouvernement à réduire de façon draconienne les dépenses publiques.) La Grèce, l'Irlande, le Portugal et l'Espagne subissent tous ce type de pression du marché et y ont répondu par des programmes d'austérité rigoureux. La politique d'austérité de la Grande-Bretagne est proportionnellement plus dure que celle de ces pays, mais les marchés d'obligations et la livre n'ont maintenu leur stabilité qu'une fois cette annonce faite mercredi.

Une partie très importante du plan avait été divulguée à l'avance, de telle sorte que les marchés n'ont pas été surpris par ces mesures et tablaient déjà sur ce niveau de réduction des dépenses. Les traders s'inquiètent à présent de ce que la rapidité, avec laquelle seront menées ces coupes annoncées par le ministre de l'Economie George Osborne, ne provoque une nouvelle récession en Grande-Bretagne.

Le niveau moyen de ces coupes est de 19 pour cent dans tous les ministères. Mais certains ministères seront confrontés à des réductions bien plus importantes.

Le ministère de l'Intérieur devra réduire ses dépenses de 23 pour cent et le ministère des Affaires étrangères de 24 pour cent. Les collectivités territoriales se verront amputer de 28 pour cent du financement qu'elles reçoivent du gouvernement. Les universités sont confrontées à des coupes de 40 pour cent. Le gouvernement va diminuer de 9.000 livres le montant qu'il paie par étudiant. Le département de la culture, des médias et des sports appliquera des coupes de 41 pour cent. Le budget pour le logement social diminuera de 60 pour cent.

Le logement est l'un des secteurs les plus touchés. Les nouveaux locataires de logements sociaux devront payer des loyers bien plus élevés, qui s'élèveront à 80 pour cent du prix des loyers sur le marché. Ils ne pourront obtenir qu'un bail de courte durée et non la garantie à vie dont jouissent les résidents actuels. Les personne vulnérables à bas revenus ayant besoin d'un logement devront se tourner vers les locations du secteur privé ou se retrouver sans domicile fixe. Les coupes dans l'allocation logement qui permettent aux personnes à bas revenu de trouver une location se traduiront par des menaces d'expulsion pour les locataires.

Les handicapés sont confrontés à des coupes brutales. L'allocation d'emploi et de soutien, qui aide ceux qui ne peuvent pas travailler du fait de leur handicap physique ou mental, sera à présent limité à un an. Après un an, la personne handicapée devra accepter un travail suivant les mêmes dispositions qu'une personne valide au chômage. Les personnes handicapées qui reçoivent actuellement une aide pour le les coûts de mobilité perdront le droit à cette allocation s'ils sont en résidence pour handicapés. Bon nombre d'entre eux se retrouveront, dans les faits, confinés dans leur résidence.

Les personnes âgées seront touchées par ces changements dans les allocations pour handicapés et le report de l'âge de départ à la retraite de 65 à 66 ans d'ici 2020. Les coupes dans les dépenses des collectivités territoriales vont toucher toutes les personnes handicapées et les personnes âgées qui dépendent des services de la commune tels les transports, les centres de jour, les les soins à domicile et les maisons de retraite ou pour handicapés.

Le gouvernement a déclaré que ses coupes seraient « justes » et que le fardeau serait partagé par toutes les sections de la société. En fait, des premiers calculs se basant sur les chiffres du Trésor indiquent que les 10 pour cent les plus pauvres de la société seront les plus durement touchés par le « spending review ». Le plus gros de ces coupes tombera sur les personnes aux bas ou moyens revenus. L'Institute for Fiscal Studies (Institut d'études fiscales) a qualifié le « spending review » de « régressif » parce que la moitié la plus pauvre de la société portera le plus lourd fardeau.

On a promis aux établissements scolaires une augmentation de 0,1 pour cent de leur financement. Mais cette augmentation n'ira qu'à certains établissements seulement et devra couvrir le coût de l'augmentation du nombre d'élèves. La plus grande partie de cet argent soi-disant supplémentaire viendra des économies réalisées ailleurs dans le budget de l'Education.

Quelque 40.000 enseignants devraient perdre leur emploi, selon des chiffres officiels. Le financement de l'éducation des 16 - 19 ans sera réduit. Ils perdront l'allocation de Maintien dans l'éducation qui avait pour but de les inciter à rester dans le système éducatif ou en formation professionnelle. Les jeunes comme les enfants vont souffrir des coupes dans les ateliers pour jeunes, centres aérés et le soutien psychologique et social qui sont financés par les collectivités territoriales.

Certains journalistes rapprochent la politique du gouvernement à la politique de 1920 et d'autres aux mesures d'austérité du gouvernement travailliste de l'après-guerre qui cherchait à rembourser les dettes que la Grande-Bretagne avait contractées durant la Seconde guerre mondiale. En réalité, ces comparaisons ne conviennent pas car en 1945, le gouvernement travailliste créait l'Etat providence en même temps qu'il imposait la rigueur fiscale et dans la période précédant la Seconde guerre mondiale, l'Etat providence moderne n'existait pas encore. 

Le « spending review » du ministre de l'Economie est une tentative de revenir sur les acquis sociaux gagnés en Grande-Bretagne pendant tout le vingtième siècle. Les mesures qu'il a annoncées ne cherchent pas seulement à réduire les dépenses publiques, mais à démanteler l'Etat providence.

Le gouvernement a saisi l'occasion qui s'est présentée avec la crise financière pour engager une démarche majeure d'ingénierie sociale qui va  nous faire revenir des décennies en arrière. Le but du « spending review » et d'institutionnaliser et de fixer durablement le niveau indécent d'inégalité qui s'est développé durant les trente dernières années. Il exprime les intérêts économiques et sociaux de l'aristocratie financière qui domine à présent la politique en Grande-Bretagne et partout ailleurs.

Si l'envergure des coupes présentées dans le « spending review » est historiquement sans précédent, on peut dire la même chose de la réaction du Parti travailliste et des syndicats. Entre 500 et 2.000 personnes seulement ont participé à la manifestation organisée par les syndicats devant le parlement hier. De semblables manifestations modérées sont prévues dans tout le pays dans les semaines à venir.

Ed Miliband, dirigeant du Parti travailliste n'a même pas participé aux manifestations, alors qu'il avait promis de le faire. Les porte-parole du Parti travailliste ont insisté pour dire que l'opposition soutient l'objectif de réduire l'Etat providence. Le ministre de l'Economie du gouvernement fantôme Alan Johnson a accepté la suppression des allocations aux handicapés prévues par le Disability Living Allowance scheme et la récupération de 2,4 milliards de livres de réduction d'impôt pour enfant à charge prises à des familles de travailleurs pauvres.

L'ancien ministre travailliste de l'Economie s'était déjà engagé à faire des coupes plus importantes que celles de Margaret Thatcher dans les années 1980. Si le Parti travailliste avait remporté les élections, il aurait imposé des coupes d'au moins 20 pour cent dans chaque ministère.

Alors que les mesures d'austérité des années 1920 avaient finalement conduit à la grève générale de 1926 et à une crise de régime en Grande-Bretagne, les syndicats sont déterminés à ce que rien de tout cela ne se produise face aux attaques du gouvernement de coalition contre les emplois et le niveau de vie des travailleurs.

Lord Fowler qui était secrétaire d'Etat à la Santé et à la sécurité sociale sous Margaret Thatcher, puis secrétaire d'Etat à l'Emploi, a mis en garde contre l'agitation syndicale. « Nous allons traverser une période turbulente de manifestations, de protestations et de grèves, » a-t-il dit. Mais les syndicats n'ont proféré aucune menace de cet ordre.

Les syndicats ne remettent pas en question la nécessité de réduire un déficit budgétaire produit par le renflouement des banques et la guerre, une décennie durant, en Irak et en Afghanistan. Ils craignent seulement que des coupes faites trop vite ne risquent de provoquer une récession.

L'opposition au « spending review » ne peut venir ni du Parti travailliste ni des syndicats. Résister ne sera possible qu'en se rebellant contre des organisations qui font tout pour supprimer la lutte de classes.

(article original paru le 21 octobre.)

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