Le vote écrasant des travailleurs de GM d’Indianapolis contre les
exigences de baisses de salaire des patrons de l’auto est une résistance
courageuse qui mérite le soutien de toute la classe ouvrière. Les
travailleurs de base ont fait preuve de solidarité et d’une puissante
détermination contre les manigances, les mensonges et l’intimidation dont
ont usé GM, JD Norman et les UAW (United Auto Workers, le syndicat de
l’industrie automobile) pour forcer les travailleurs à accepter des salaires
de misère.
La lutte de principe des travailleurs d’Indianapolis est suivie et
soutenue par des travailleurs à la grandeur du pays et de par le monde.
C’est l’un des nombreux signes d’une rébellion des travailleurs qui se
développe contre les grandes sociétés et leurs laquais de la bureaucratie
syndicale.
Le vote de mercredi a été un coup porté au président des UAW
International Bob King, au directeur de la Région 3 Maurice Davison et à
tous les autres cadres syndicaux grassement payés. Cependant, ils ne vont
pas mettre un terme à leurs efforts pour imposer des baisses de salaire.
Les grandes sociétés sont déterminées à réduire les salaires de tous les
travailleurs de l’auto à 14 $ l’heure ou moins. Maintenant que les UAW sont
propriétaires en partie de GM, King et compagnie ont un intérêt financier
direct à sabrer les salaires pour faire grimper la valeur de leurs actions.
Un échec dans la tentative d’imposer ces diminutions à Indianapolis
inspirerait les travailleurs de GM, Ford et Chrysler à se rebeller contre
les autres demandes de concessions qui sont planifiées.
La question décisive est donc celle-ci : quelle stratégie doit être
adoptée pour que la lutte puisse aller de l’avant ?
D’abord, la lutte contre les baisses de salaire doit être conjuguée à une
lutte contre la fermeture de l’usine. L’arrêt des activités de l’usine et la
destruction de 600 emplois dévasteraient davantage la ville et mèneraient à
l’appauvrissement d’un plus grand nombre d’ouvriers. Les fermetures d’usines
ont été utilisées depuis la fin des années 1970 pour forcer les travailleurs
à accepter des compressions salariales et des concessions, et la fermeture
de l’usine d’emboutissage d’Indianapolis servirait à intimider d’autres
travailleurs de l’auto et imposer des coupes encore plus sévères.
Une histoire amère a démontré que les travailleurs plus anciens ne
peuvent protéger leurs emplois, leurs salaires et leurs avantages sociaux en
sacrifiant la prochaine génération de travailleurs. Il est temps de faire
acte de résistance!
Si la direction du Local 23 est véritablement sérieuse dans sa défense
des ouvriers de base, elle va préparer la mobilisation de toute l’industrie
en défense de l’usine et contre toutes mises à pied. Elle va faire appel
immédiatement aux autres travailleurs de l’auto dans la lutte contre les
licenciements et les concessions, et faire du piquetage d’information à
Marion, Flint, Parma et d’autres usines.
Mais ce sont les travailleurs eux-mêmes qui doivent prendre l’initiative.
Les salaires et les emplois à telle ou telle usine ne seront pas défendus en
faisant appel au NLRB [conseil des relations du travail américain, ndT] ou à
quelque autre agence gouvernementale. Le rôle de l’administration Obama est
déjà clair de par son insistance à imposer des diminutions salariales entre
autres concessions dans le cadre de son plan sauvetage des constructeurs
automobiles [en 2009].
Les travailleurs doivent mobiliser leur puissance et lancer un appel pour
l’action commune avec les autres travailleurs de l’automobile aux
États-Unis, au Canada et dans les autres pays, en organisant et en luttant
indépendamment des UAW et en opposition à la bureaucratie syndicale dans son
ensemble.
Le travail de préparation doit débuter aujourd’hui par un mouvement de
grève et par d’autres formes de lutte syndicale visant à défendre les
emplois et les salaires.
Durant les dernières semaines, les travailleurs ont mis sur pied un
comité indépendant de travailleurs, qui a pris comme devise « Pas de
concessions ! Pas de baisse de salaire ! Pas de fermeture d’usine ! » Cela
représente une étape importante. Ce comité doit être développé afin
d’organiser la lutte ici et montrer l’exemple pour la construction de
comités semblables dans les usines d’automobiles partout au pays.
L’ensemble du cadre pourri de trahison élaboré entre l’UAW, les patrons
de l’automobile et l’administration Obama doit être rejeté et renversé. Les
coupes salariales pour les nouveaux employés et toutes les autres attaques
sur les travailleurs et les retraités doivent être annulées.
Rompre avec l’UAW
Les travailleurs ne devraient avoir aucune illusion : les UAW ne peuvent
pas et ne seront pas réformés. Aucune pression n’amènera cette organisation
à défendre les travailleurs, car elle n’est devenue rien d’autre qu’une
extension des entreprises
C’est ce que démontre l’entrevue que Bob King a donné à la Detroit
Free Press, publiée jeudi dernier. « Ce sont des UAW différents. Ce sont
des UAW qui saisissent l’importance de la compétitivité mondiale », a-t-il
dit. Questionné si le syndicat allait lutter pour regagner les salaires et
avantages perdus, il a dit « Il y a une assez large compréhension que nous
ne pouvons négocier des contrats qui font que les compagnies ne sont pas
compétitives à long terme. Nous ne voulons pas retourner dans la spirale
dont nous venons tout juste de sortir ».
Ces mots sont ceux d’un agent de la compagnie, pas d’un représentant des
travailleurs. Et il parle pour tous les UAW en tant qu’institution. Les UAW
sont précisément le type de syndicat automobile contre lesquels les
travailleurs se sont rebellés contre il y a 85 ans.
Ceux qui insistent pour dire que les travailleurs doivent demeurer loyaux
envers les UAW les condamnent à la défaite, de manière intentionnelle ou
non.
Dans les années 1930, les travailleurs de l’automobile ont dû rompre avec
la vieille AFL (American Federation of Labor). Aujourd’hui, il est tout
autant nécessaire de rompre avec les UAW et de construire de nouvelles
organisations de lutte, démocratiquement contrôlées par les membres, et dont
l’objectif est de combattre pour l’unité de tous les travailleurs pour la
défense de leurs emplois et de leurs niveaux de vie.
Pour une lutte politique contre le capitalisme
Les travailleurs d’Indianapolis ne se battent pas uniquement contre GM,
Norman et l’UAW. Ils sont dans une lutte contre toute l’organisation
économique et politique capitaliste qui permet aux super-riches d’amasser de
vastes fortunes au détriment de la classe ouvrière.
Partout dans le monde, les travailleurs font face aux conséquences de la
banqueroute du système capitaliste. Le chômage de masse, les baisses de
salaires, la pauvreté, la faim, l’itinérance — tous les fléaux des années 30
refont leur apparition. Pendant ce temps, les banquiers et les PDG
d’entreprises se gavent avec des bonus de plusieurs millions, rendus
possible par des sauvetages de milliers de milliards pris sur le compte des
contribuables. Les criminels sont récompensés pour leurs crimes et la classe
ouvrière doit en payer le prix !
Plusieurs travailleurs pensaient que l’élection d’Obama et d’un Congrès
démocrate mettraient fin aux politiques de Bush et des républicains. Loin de
changer ces politiques, Obama les a accentuées.
Son premier geste a été d’appuyer le sauvetage des banques au coût de
plusieurs milliers de milliards. Ensuite, les investisseurs de la
Maison-Blanche et de Wall Street qu’il a mis en poste dans l’« Auto Task
Force », la commission gouvernementale en charge de la
restructuration des constructeurs automobile, ont poussé GM et Chrysler à la
banqueroute, supprimant des dizaines de milliers d’emplois, ravageant des
communautés par des fermetures d’usines et de concessionnaires et imposant
un salaire de 14 $ l’heure pour les nouvelles embauches. Tout en demandant
que les travailleurs vivent dans la pauvreté, le « tsar de la paie » du
président vient tout juste d’approuver des compensations de 9 millions de
dollars à Dan Akerson, l’investisseur de capitaux propres choisi par la
Maison-Blanche pour diriger GM.
Alors que les compagnies et les investisseurs continuent de prospérer,
les travailleurs connaissent le chômage de masse et les salaires sous le
seuil de la pauvreté. L
’administration Obama planifie
aider les grandes entreprises pour que les exportations américaines doublent
d’ici cinq ans. Pour y arriver, on veut rétrécir l’écart
entre les salaires des ouvriers des manufactures aux États-Unis et celui des
travailleurs les plus brutalement exploités au Mexique, en Chine et dans les
autres pays du Tiers-Monde. Les UAW, qui ont obtenu une part importante des
actions des constructeurs automobiles en échange de
leur rôle dans l’appauvrissement des ouvriers, sont
les partenaires du gouvernement dans ce plan.
La société ne doit plus être l’otage de la course effrenée de l’élite de
la finance et de la grande entreprise pour les profits.
La seule avenue qui permettra aux travailleurs de protéger leurs droits
sociaux — le droit à un salaire décent, aux soins de santé pour leurs
familles, à un logement de qualité et à l’éducation — consiste à rompre avec
les deux partis de la grande entreprise et à construire un parti politique
de masse pour réorganiser l’économie pour qu’elle satisfasse les besoins de
la majorité.
Le capitalisme enrichit le petit nombre aux dépens du plus grand. Le
socialisme signifie la réorganisation de l’économie pour qu’elle réponde aux
besoins de la vaste majorité, la classe ouvrière.
L’industrie de l’auto doit être transformée en un service public sous
contrôle démocratique de la classe ouvrière. Les banques doivent être
nationalisées sous contrôle ouvrier dans le but de briser la poigne de
l’aristocratie financière et d’allouer des billions de dollars pour donner
du travail aux chômeurs en reconstruisant l’industrie, les régions urbaines
et rurales et l’infrastructure du pays.
Le World Socialist Web Site veut faire connaître à un large
public la lutte des ouvriers d’Indianapolis et devenir un outil dans
l’organisation de la prochaine étape de la lutte. Nous demandons aux
travailleurs de lire le WSWS, son analyse et les lettres de solidarité des
travailleurs de par le monde et à nous écrire vos commentaires.
Nous demandons aussi à tous les travailleurs en accord avec cette lutte
d’étudier le programme du Parti de l’égalité socialiste et de prendre la
décision de se joindre à notre parti pour le construire.
(Article original anglais paru le 28 septembre 2010)