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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : Plusieurs millions de manifestants contre les coupes dans les retraites

Par Alex Lantier
21 octobre 2010

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On estime à 3,5 millions le nombre de travailleurs et de lycéens qui ont défilé dans toute la France hier pour la journée d'action contre les coupes dans les retraites exigées par le président Nicolas Sarkozy. Bien que l'essentiel des mesures de la « réforme » des retraites soit passé — un report de deux ans de l'âge de départ à la retraite et une augmentation correspondante de la période de cotisation — l'ensemble de la loi n'a pas encore été votée au Sénat.

La participation a démontré la détermination des travailleurs et des jeunes à lutter contre la politique de Sarkozy. Les grèves et les manifestations s'amplifient depuis plus d'une semaine.

Même s'il a été rapporté que le Sénat pourrait reporter à jeudi son vote final, et peut-être plus tard encore, selon certains médias le vote pourrait avoir lieu aujourd'hui, comme prévu initialement.

Les grèves se sont propagées dans les raffineries, les dépôts de carburant, les ports et les entreprises de transport routier, ce qui a entraîné un début de pénurie de carburants qui se propage dans toute la France. La réponse de certains dirigeants syndicaux de premier plan face à l'intensification de la combativité de la classe ouvrière et à l'impact économique grandissant de cette vague de grèves — et les sondages montrent que plus de 70 pour cent de la population soutiennent les grèves — a été de dire que le mouvement de masse devrait être arrêté une fois que le Sénat aura voté le projet de loi.

Depuis le début, la direction syndicale cherche à utiliser les grèves et les manifestations comme un levier pour obtenir des concessions cosmétiques de la part du gouvernement, tout en acceptant les coupes les plus importantes de la « réforme ». Ils rejettent toute lutte visant à renverser le gouvernement de Sarkozy, insistant pour que le mouvement se borne à faire pression sur le président et le parlement.

Ils espéraient que des manifestations d'un jour finiraient par retomber et épuiseraient l'opposition des travailleurs et des lycéens, mais jusqu'à présent l'intensité du mouvement ne fait qu'augmenter.

Sarkozy se prépare à utiliser la police pour briser de nombreux blocages de dépôts de pétrole organisés par les travailleurs de ces industries. La semaine dernière, un détachement important de CRS (policiers anti-émeute) a été déployé contre le blocage d'un dépôt stratégique près de Marseille. À l'heure ou nous écrivons, les confédérations syndicales n'ont organisé aucune défense publique des travailleurs qui occupent les dépôts de carburants.

Les manifestations dans les grandes villes de France ont été aussi importantes, sinon plus importantes que celles du 12 octobre qui avaient déjà établi un record. D'après les syndicats, 330.000 personnes ont défilé à Paris, 240.000 à Marseille, 155.000 à Toulouse, 140.000 à Bordeaux, 60.000 à Clermont-Ferrand, Rouen, Le Havre et Caen, 50.000 à Rennes, et 45.000 à Lyon.

Des petites fédérations syndicales régionales poussent à élargir les grèves. Dans les Ardennes, l'intersyndicale a fait passer une résolution appelant à une grève générale reconductible « dans tous les secteurs de l'activité économique », avec les cheminots et les travailleurs de Peugeot votant en grand nombre en faveur de cette résolution.

Sur France 3, le représentant de la CGT des Ardennes, Patrick Lattuada a expliqué que ses membres ressentaient « un vrai ras-le-bol » et une « saturation » du fait que « le gouvernement ne prenne pas en compte les revendications et les attentes de la population ». La manifestation du 12 octobre à Charleville-Mézières, avec 10.000 personnes, a été la plus grande de la région depuis la grève générale de mai-juin 1968.

Les manifestations de lycéens ont établi un record, d'après les statistiques fournies par les syndicats lycéens. La FIDL (Fédération indépendante et démocratique des lycéens) a déclaré que 1.200 lycées sur 4.302 étaient en grève, avec 850 d'entre eux bloqués. Dans 10 universités, des étudiants ont organisé des assemblées générales et ont voté pour organiser un blocus de leur université. Les jeunes qui défilaient dans les manifestations chantaient : « chômeur à 25 ans, exploité à 67, non, non, non ! »

Il y a eu des heurts entre la police et des manifestants dans tout le pays. À Lyon, la police a tiré du gaz lacrymogène et il y a eu des échauffourées avec des manifestants place Bellecourt et dans les rues adjacentes. Des dizaines de voitures ont été renversées, et des vitrines de magasins brisées pendant l'affrontement. La police a dit que ces incidents étaient le fait de « 1.300 casseurs. »

L'administration de l'université Lyon-2 a fermé les locaux « jusqu'à nouvel ordre » après un vote des étudiants en faveur d'un blocus. De même, l'administration a fermé l'Université de Toulouse-Le Mirail après que 75 pour cent des 2.000 participants à l'assemblée générale ont voté pour un blocus. Rennes-2 a également été fermé.

Les jeunes se sont heurtés aux CRS en banlieue parisienne. À Argenteuil, la police a attaqué les jeunes dans une confrontation apparemment planifiée à l'avance par les autorités municipales. Le représentant de la mairie Nicolas Bougeard a déclaré au Parisien : « Cela aurait pu être pire. Des incidents comme cela, c'est six mois de travail derrière. Nous avions mis 20 personnes expérimentées [des médiateurs officiels portant un uniforme d'après le journal], qui connaissent bien le terrain et les jeunes. Ils ont pu éviter les incidents autant que possible. Ils ont désamorcé plus d'une situation. » Des hélicoptères de la police survolaient la scène pour superviser les affrontements.

S'exprimant hier matin depuis la station balnéaire de Deauville, où il participait à un sommet avec la chancelière allemande Angela Merkel et le président russe Dimitri Medvedev, Sarkozy a déclaré, « Je verrai également avec les forces de l'ordre pour que l'ordre public soit garanti, c'est mon devoir aussi. » Il a fait part de son inquiétude sur la situation, mais a dit qu'il ne changerait rien aux coupes : « Est-ce que [je crains] des débordements ? Bien sûr, c'est pas de gaîté de coeur qu'on les affronte. Mais le plus grand débordement serait de ne pas faire mon devoir et de ne pas prévoir le financement des retraites. »

Il a menacé les travailleurs qui occupaient les raffineries et les dépôts de carburant, disant, « Je tiendrai dès mon retour à Paris une réunion pour débloquer un certain nombre de situations, parce qu'il y a des gens qui veulent travailler et qui ne doivent pas être privés d'essence. » À son retour, il a rencontré le premier ministre François Fillon, le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux et d'autres officiels de premier plan. Il a expliqué que la réunion visait à « débloquer un certain nombre de situations. »

Le gouvernement a reconnu hier que la France est en proie à une pénurie de carburant, le ministre de l'Écologie et des Transports Jean- Louis Borloo admettant que 4.000 des 12.500 stations essence françaises étaient à sec. Le premier ministre Fillon a déclaré que cela prendrait quatre à cinq jours pour que l'approvisionnement en carburant revienne à la normale.

Les fédérations d'entreprises du transport routier ont prévenu que nombre d'entre elles commençaient à manquer de carburant et risquaient de fermer et de mettre leurs employés au chômage technique. D'après l'Agence France presse, la chambre de commerce et d'industrie de Caen a publié un rapport hier déclarant : «Il n'y a actuellement plus de gazole disponible sur notre territoire ... Nous assistons à un ralentissement de l'activité qui pourrait se transformer en arrêt complet sous 48 heures si l'approvisionnement n'est pas rétabli ».

Une lutte ouverte se profile entre la classe ouvrière et l'Etat, au moment où les forces de police essaient de briser la grève de l'industrie pétrolière et de ravitailler les entreprises, retirant aux travailleurs leur arme la plus puissante contre les coupes de Sarkozy dans les retraites. En plus des actions anti-grève des CRS contre les travailleurs des dépôts et raffineries de pétrole aux environs de Marseille, d'autres travailleurs à Grandpuits ont été officiellement « réquisitionnés » et forcés de reprendre le travail sous la menace d'une peine de prison de 5 ans.

Selon un reportage, des cadres sont secrètement arrivés par bateau dans un dépôt en grève du Havre pour redémarrer l'approvisionnement en kérosène de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulles. Les travailleurs ont prévenu qu'ils ne pouvaient pas garantir que les cadres seraient en mesure de faire fonctionner en toute sécurité les équipements pour produire du kérosène. Dans un dépôt de Caen, la police a enfoncé les barricades des travailleurs avec un bulldozer, puis des camions sont arrivés pour emporter les réserves.

La presse cite en des termes menaçants les mesures légales disponibles pour contrer les blocages. Le Monde a cité des juristes affirmant que les travailleurs risquaient un licenciement sec. D'après la presse, les lycéens risqueraient une exclusion immédiate, 3 ans de prison et 45.000 euros d'amende s'ils participent à un blocage dans un établissement scolaire autre que le leur.

Les directions syndicales n'ont pas riposté; elles n'ont organisé aucune campagne pour défendre les travailleurs en grève. Ils sont certainement en discussion avec le gouvernement sur les termes de leur trahison. Les principales fédérations syndicales doivent se rencontrer jeudi pour discuter de la suite à donner.

Dans la manifestation d'hier, Bernard Thibault, dirigeant de la CGT, qui est lié au Parti communiste français, stalinien, en a appelé à Sarkozy, disant, «Soyez raisonnable, acceptez les discussions avec les syndicats, ne vous enfermez pas dans ce choix unilatéral ».

Thibault a vaguement déclaré que l'ampleur de la mobilisation « nous permettra d'envisager d’autres initiatives ». Cependant, contrairement aux journées d'action précédentes, l'intersyndicale n'a annoncé aucune date pour une prochaine journée d'action.

La CFDT (Confédération française du travail), qui est le second plus grand syndicat français et proche politiquement du Parti socialiste, signale qu'elle s'opposera à d'autres actions contre les coupes si la loi passe au Sénat. Des représentants de la CFDT ont déclaré au quotidien Les Échos : « Si le mouvement continue de s'ancrer, il faudra le poursuivre. S'il s'effrite et tend à se résumer à des conflits très durs dans quelques secteurs isolés, on ne pourra pas le cautionner éternellement ».

Les représentants ont ajouté qu'ils s'attendaient à ce que cela n'entraîne pas une rupture avec la CGT, puisque Thibault soutient leur position : « La situation est complexe pour nous mais elle l'est tout autant pour la CGT. Bernard Thibault pousse mais il ne peut pas non plus trop remettre en selle sa base la plus contestataire, qui le conteste en interne ».

Le bilan droitier de Thibault a provoqué une opposition considérable parmi les travailleurs, y compris ceux de la CGT. Il avait été publiquement critiqué l'année dernière par le délégué de la CGT Xavier Mathieu pour n'avoir pas aidé les usines automobile qui devaient fermer. Matthieu avait déclaré que les gens comme Thibault étaient de la « racaille » qui « ne sont bons qu'à discuter avec le gouvernement et à calmer les gens. »

Thibault avait également été critiqué pour avoir négocié les coupes dans les retraites des travailleurs du secteur public en 2007, et pour avoir mobilisé les CRS et les gros bras de la CGT contre des travailleurs immigrés sans papiers en grève qui occupaient des bureaux de la CGT à Paris l'année dernière.

Dans les faits, les syndicats jouent le rôle de conseillers de Sarkozy sur le moyen d'imposer les coupes; Ils préviennent le gouvernement qu'il ne doit pas agir trop vite pour faire passer la loi sur les retraites afin d'éviter de provoquer une opposition incontrôlable dans la classe ouvrière.

Une représentante de la CGT, Nadine Prigent, a déclaré à l'Agence France presse : «Ce n'est pas gagné que le vote du Sénat calme les choses ». L'UNSA (Union nationale des syndicats autonomes) a prévenu : « Personne ne sait quel effet aura ce vote ».

(Article original paru le 20 octobre 2010)

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