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WSWS : Nouvelles et analyses : Afrique

Les leçons internationales de la grève du secteur public en Afrique du Sud

Par Ann Talbot
18 septembre 2010

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Les dirigeants syndicaux ont été chassés d’une réunion à Johannesburg, Afrique du Sud, après avoir dit aux travailleurs du secteur public en grève que leur grève de trois semaines était terminée. Cet incident illustre parfaitement l’aggravation du conflit international entre la classe ouvrière et les appareils syndicaux.

Les syndicats sud-africains de la fonction publique ont accepté une offre salariale du gouvernement qui représente la moitié de ce qui avait été offert aux travailleurs au début de la grève. Ils essaient d’imposer à leurs membres un accord, après une grève prolongée au cours de laquelle les travailleurs ont été confrontés à des attaques de la police, au déploiement de soldats armés dans les hôpitaux et à des injonctions contre la grève.

« Les membres sont en colère et veulent se rendre au bureau national pour brûler leurs cartes d’adhérents en signe de protestation, » a dit à des reporters après la réunion Ndiitwani Ramarumo, un membre du syndicat national de l’éducation, de la santé et des secteurs connexes (Nehawu).

Un responsable syndical qui n’a pas voulu être nommé a dit, « Nous subissons un fort retour de bâton de la part de nos membres qui ne sont pas d’accord avec la décision de la direction de suspendre la grève. »

« Nombreux sont ceux qui disent que nous leur avons présenté un projet voué à l’échec, » a poursuivi le responsable.

Les syndicats ont suspendu la grève au moment où la vague de combativité risquait de s’étendre à d’autres sections de travailleurs. Les membres du syndicat national des métallurgistes d’Afrique du Sud (NUMSA) sont en grève pour revendiquer une hausse de 15 pour cent du salaire. Ils ont défilé jeudi dans Port Elizabeth pour adresser un mémorandum aux associations patronales de l’industrie automobile et pétrolière.

Les mineurs des mines de platine qui adhèrent au Syndicat national des mineurs (NUM) sont en grève depuis le 23 août.

Même des sections de la police et de l’armée discutent de la possibilité de se joindre à la grève des travailleurs du secteur public. Ils n’en ont été empêchés que lorsque le gouvernement a obtenu une injonction leur interdisant toute participation.

Ce qui avait débuté comme une série de grèves revendiquant une augmentation annuelle des salaires s’est rapidement transformée en un mouvement traduisant les tensions qui se sont accumulées dans la société sud-africaine. Les syndicats agissent dans le but d’empêcher que la grève des 1,3 million de travailleurs du secteur public ne devienne le foyer d’une grève générale. Un tel mouvement pourrait établir un lien avec le mécontentement social éprouvé par les nombreux travailleurs non organisés dans les townships et qui ne cessent de manifester de plus en plus fréquemment contre l’incapacité du gouvernement de fournir des services essentiels.

Les syndicats se sont empressés de mettre fin à la grève dès qu’il est devenu évident que le gouvernement ne pourrait la maîtriser au moyen d’une campagne diffamatoire dans la presse et de répression dans la rue. Ils ont agi tout au long comme le principal pilier du gouvernement du Congrès national africain (ANC) durant cette grève.

La Fédération syndicale sud-africaine, la COSATU, était contre la grève dès le début. La grève avait été repoussée jusqu’après la Coupe du Monde pour éviter de mettre le gouvernement dans l’embarras et la COSATU ne l'a soutenue qu’à contrecœur lorsque la fédération syndicale plus petite, le Congrès indépendant des travailleurs (Independent Labour Congress), a été obligée d’appeler au débrayage en raison de la colère de ses membres.

Le secrétaire général de la COSATU, Zwelinzima Vavi, a eu recours à sa rhétorique la plus à gauche possible afin de maintenir le contrôle de la grève. Il a dénoncé les ministres du gouvernement et menacé de soustraire le soutien du syndicat au président Jacob Zuma lors des élections de l’année prochaine. Il a mis l'accent sur la manière dont le fils de Zuma, Duduzan Zuma, a tiré profit d’un accord de partenariat avec Arcelor Mittal et a indiqué l’émergence d’une « élite prédatrice » au sein de l’ANC, avec la création d'une couche d’hommes d’affaires riches grâce au programme de « responsabilisation économique noire » (Black Economic Empowerment).

La rhétorique de Vari a réussi à maintenir la COSATU à la direction de la grève, position qu’elle a utilisée pour mettre fin à la grève. Bien que frustrés et en colère, de nombreux travailleurs reprennent le travail.

Cette trahison souligne le rôle universel joué par les syndicats officiels comme adversaires de la lutte des classes et comme agents du patronat et de l’Etat en imposant des attaques à l’encontre de leurs membres.

L'idée directrice de la politique de la COSATU ainsi que du Parti communiste d’Afrique du Sud est de nourrir l'illusion que leur partenaire gouvernemental, l’ANC, a toujours un caractère progressiste. Les syndicats sont étroitement liés à l’ANC depuis le début de la lutte contre l’apartheid. Mais, le vernis progressiste accordé à ce lien a été totalement révélé au grand jour depuis l’arrivée au pouvoir de l’ANC nationaliste bourgeois.

Tant que l’ANC était à la tête du mouvement contre l’apartheid, il pouvait être présenté comme un défenseur de la cause de la population laborieuse même si son programme était explicitement capitaliste. A présent qu’il est au pouvoir et qu’il lutte pour la réussite du développement de l’économie capitaliste, le conflit fondamental entre lui et la classe ouvrière a ressurgi pleinement.

Ce n’est pas simplement une question de « corruption » personnelle si le fils de Zuma ou si d'autres membres dirigeants de l’élite politique profitent d’accords avec des entreprises étrangères. C’est bien plutôt l'expression de la relation qui existe entre la nouvelle bourgeoisie noire, représentée par l’ANC, et l’impérialisme mondial.

Pour ce qui est de la bureaucratie syndicale, de par son rôle au sein du gouvernement et ses relations étroites avec la direction des entreprises, elle occupe une position lui conférant un privilège considérable et qu’elle est déterminée à défendre à tout prix contre la menace d’en bas. Comme le montre clairement la carrière faite par l’ancien dirigeant du syndicat des mineurs et le leader de la COSATU, Cyril Ramaphosa, ce ne sont pas seulement quelques-uns qui ont réussi à échanger avec succès un poste syndical et d’étroites relations avec les staliniens contre un poste politique de haut rang dans l’ANC et une carrière dans les affaires.

L’International Socialists, le magazine sud-africain Amandla et d’autres groupes politiques petits bourgeois ont déclaré que l’offre gouvernementale représentait un repli et même une victoire partielle pour les travailleurs. Ils critiquent les dirigeants de la COSATU pour tel faux pas ou telle erreur, une mauvaise tactique par ci ou une approche trop prudente par là. Ils vont même jusqu’à dire que le fait de suspendre la grève était « révoltant. »

Mais, fondamentalement ils pensent – et veulent que les travailleurs pensent – que les syndicats peuvent être ramenés à la vie et qu’ils sont les seules organisations qui ont le droit de mener la classe ouvrière. Ce qui signifie maintenir l’assujettissement de la classe ouvrière à l’ANC, le temps de rechercher vainement une faction ou une tendance quelconque capable de pouvoir passer comme une représentation progressiste et potentielle des intérêts des travailleurs.

Le bilan de la COSATU en ce qui concerne cette grève est un témoignage de la nature même du syndicalisme. La fédération syndicale, selon ses propres dires, la plus « combative » du monde, s’est rangée du côté des représentants du capital contre la classe ouvrière au cours  d'une grève qui a mobilisé plus d’un million de travailleurs dans un conflit ouvert avec le pouvoir de l’Etat. C’est une expérience d’une signification internationale pour la classe ouvrière.

Durant ces dernières décennies, au fur et à mesure que l’économie mondiale s’est de plus en plus intégrée, les syndicats n’ont pas été en mesure de remporter des réformes ou des améliorations mêmes les plus modestes des conditions sociales de la classe ouvrière. Les quelques travailleurs plus qualifiés qui ont réussi à négocier une hausse des salaires dépassant de quelques points de pourcentage le taux officiel de l’inflation, en verront l'érosion au fil du temps.

Pour la grande majorité de la classe ouvrière, les syndicats ne sont plus pertinents. La bureaucratie est royalement indifférente à la souffrance, à la dégradation des conditions sociales et à la hausse du chômage, ce qui est le sort des travailleurs. Au lieu de cela, les syndicats agissent comme les partenaires des gouvernements pour imposer davantage de mesures d’austérité pour que les grandes banques et les grands groupes puissent maintenir leurs profits au lieu de la crise économique mondiale.

Les travailleurs et les jeunes dans le monde entier doivent tirer les enseignements de l’expérience de la grève sud-africaine dans le service public. Elle montre clairement la nécessité urgente de rompre avec les syndicats pour construire de nouvelles organisations de lutte de classes et d’une nouvelle direction politique sur la base d’une perspective socialiste internationaliste.

(Article original paru le 13 septembre 2010)

Voir aussi :

La lutte de classe éclate en Afrique du Sud [1er septembre 2010]

 

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