Le 13
septembre, 52 pour cent des 2 500 travailleurs de Continental
Automotive de France ont voté en faveur d'une réduction
de salaire de 8 pour cent et une perte de revenus annuels de 5.000
euros. En retour ils ont reçu de la direction la garantie
que leurs emplois seraient maintenus jusqu'en 2015. Mais de telles
garanties n'ont guère de valeur étant donné que
Continental n'en a pas tenu compte dans le passé, notamment
en fermant l'usine de Clairoix deux ans après avoir fourni en
2007 des garanties que l'usine ne fermerait pas.
Ce
nouvel accord implique la perte de 100 emplois pour les travailleurs
intérimaires et les sous-traitants et, selon l'Agence France
Presse (AFP) « un quasi-gel des salaires en 2011, une
forte baisse de la prime d'intéressement et deux jours de
réduction du temps de travail en moins chaque année
jusqu'en 2015, contre un engagement de la direction de Continental
en Allemagne à préserver l'emploi jusqu'en 2015. »
Cela vient à la suite de 150 départs volontaires et du
licenciement de 200 travailleurs intérimaires.
Les attaques de
Continental Automotive contre ses trois usines situées à
Toulouse, Boussens et Foix dans le sud-ouest de la France fait
partie de sa détermination à l'échelle mondiale
de maximiser ses profits en réduisant les salaires et les
conditions de travail. C'est une réponse à la
compétition qui s'intensifie dans toute l'industrie
automobile du fait de la crise économique mondiale.
L'entreprise
produit des systèmes électroniques et est une filiale
de Continental Tyres en Allemagne, une transnationale qui emploie
143.000 travailleurs dans 46 pays et avait un chiffre d'affaires de
20 milliards d'euros en 2009. Continental Automotive France a
engrangé 38 millions d'euros de profit en 2009 avec un
chiffre d'affaires de 400 millions d'euros, chiffre qu'elle devrait
répéter pour 2010. Cependant, le journal d'affaires
Les Echos
rapporte : « La direction concède que
l'entreprise va bien, mais assure que le plan est vital pour la
survie des trois sites, non pas à très court terme,
mais au-delà parce que les usines vont au-devant d'une baisse
alarmante de leurs commandes en 2012 et 2013. »
Lors d'un rassemblement
devant l'usine de Toulouse le 13 septembre, des représentants
syndicaux des usines Continental d'Espagne et d'Allemagne ont
expliqué être confrontés à des
propositions similaires. La direction de Toulouse a dit aux
syndicats que les sites allemands de Continental avaient déjà
négocié des garanties leur assurant des commandes.
C'est une tentative de monter les travailleurs des différentes
usines les uns contre les autres, une méthode bien rodée
chez Continental et rendue possible par l'inactivité et la
complicité des syndicats.
Le taux de participation
au vote de 83 pour cent a montré que la majorité des
travailleurs ignorait l'appel au boycott venu des syndicats
majoritaires, à savoir la CGT (Confédération
générale du travail, proche du Parti communiste) et de
la CFDT (Confédération française démocratique
du travail, proche du Parti socialiste.)
En
fait, l'appel au boycott par ces syndicats était une
tentative lâche visant à dissimuler leur refus de
conduire une lutte contre le chantage de l'entreprise. Au lieu
d'appeler à voter « non » et à
mobiliser l'opposition à la politique mondiale d'austérité,
la CGT a dit aux travailleurs avec légèreté et
cynisme de boycotter le vote concernant l'avenir de leurs emplois et
de leurs salaires.
Dans
la situation actuelle, une lutte déterminée contre le
gouvernement droitier du président Nicolas Sarkozy trouverait
un écho puissant dans la classe ouvrière. Affaibli par
ses relations corrompues avec l'héritière de L'Oréal,
Liliane Bettencourt, ainsi que d'autres affaires, entaché par
une politique raciste rappelant la collaboration de l'élite
politique française avec les nazis durant l'Occupation,
Sarkozy est confronté à une colère populaire
massive qui s'intensifie.
Olivier
Grimoux, délégué CGT de l'usine de Toulouse a
dit à la presse: «Ce plan est un recul social. Nous ne
le signerons pas. »
Cette fanfaronnade de
« gauche » ne peut cacher le fait qu'à
présent la CGT consent régulièrement à
des régressions sociales pour de larges pans de la classe
ouvrière. Le secrétaire national de la CGT Bernard
Thibault travaille assidûment avec Sarkozy pour imposer les
coupes sur les retraites et les mesures d'austérité
permettant à l'Etat de réduire son déficit
budgétaire et d'améliorer la compétitivité
du capitalisme mondial. Quant à la signature de Grimoux,
l'entreprise va réduire les salaires et très
probablement fermer l'usine, avec ou sans sa signature.
Le
vote à Continental Automotive s'est tenu six jours après
que bien plus de deux millions de travailleurs ont fait grève
et manifesté le 7 septembre contre les mesures d'austérité
de Sarkozy. Mais l'unique perspective proposée lors de ces
manifestations était de se ranger derrière le Parti
socialiste et de remplacer Sarkozy à l'élection
présidentielle de 2012. Tel était le but des
« journées d'action » de
l'intersyndicale conduite par la CGT et la CFDT et soutenue par tous
les partis de « gauche » et les conservateurs
anti-sarkozystes, allant le l'ex parti de gauche Nouveau parti
anticapitaliste (NPA) au Parti socialiste, Parti communiste, Parti
de Gauche de Jean-Luc Mélenchon, jusqu'aux partisans de
l'ancien premier ministre gaulliste Dominique de Villepin.
Les travailleurs de
Continental Automotive savent bien que Continental Tyres à
Clairoix dans le nord de la France a eu recours à la même
tactique pour intensifier l'exploitation de la main d'oeuvre en
suscitant la peur des suppressions de postes. L'entreprise avait en
2007 réduit les salaires de façon drastique en
augmentant de 37 à 40 heures la durée de travail
hebdomadaire sans augmenter les salaires. La promesse de maintenir
tous les 1 120 emplois à Clairoix avait été
brisée en 2009 lorsque l'usine avait été
fermée.
Les
syndicats à Clairoix, notamment la CGT, soutenus par les
opportunistes petits-bourgeois de gauche de Lutte ouvrière
(LO) et du NPA, avaient négocié la fermeture en
échange d'une indemnité de licenciement de 50 000
euros pour les travailleurs licenciés et l'accord de ne pas
mobiliser les travailleurs pour intervenir dans d'autres usines
Continental en Europe où des restructurations et des
réductions des coûts seraient imposées.
Les travailleurs avaient
été contraints d'accepter la fermeture de l'usine sous
la pression du représentant de la CGT Xavier Mathieu,
conseillé par LO. Ce fut le signal envoyé à
tous les patrons de France que tous les emplois étaient à
brader quel que soit l'effet d'entraînement sur les économies
locales allant jusqu'à des milliers de pertes d'emplois et à
la dévastation de communautés entières.
Cela fait partie d'une
offensive de grande envergure dans l'industrie automobile contre le
salaire des travailleurs et conduite avec la complicité des
syndicats. En juillet 2010, les travailleurs de l'usine General
Motors de Strasbourg, menacée de fermeture par le
gouvernement et les syndicats, avaient été contraints
sous la pression à voter en faveur d'une baisse des salaires
de 10 pour cent.
La colère
grandissante de la classe ouvrière et des jeunes a besoin de
trouver son expression dans une perspective socialiste, en
opposition aux syndicats et aux partis de « gauche »
existants. La défense des emplois et des conditions des
travailleurs de Continental Automotive nécessite une rupture
avec les syndicats et leurs alliés politiques soi-disant de
gauche. Ceci implique de former des comités de base qui
appellent à des actions communes avec leurs collègues
français, espagnols et allemands de Continental pour
combattre les exercices de réductions des coûts par
l'entreprise ainsi que les mesures d'austérité de
Sarkozy, d'Angela Merkel en Allemagne et de José Luis
Zapatero en Espagne.
Tous
les gouvernements sociaux-démocrates d'Europe montrent qu'ils
ne sont pas moins impitoyables que les partis conservateurs à
imposer l'austérité sur les travailleurs. En Grèce,
le gouvernement social démocrate PASOK de George Papandreou a
récemment envoyé l'armée pour briser une grève
de camionneurs et le gouvernement de Parti socialiste de Zapatero en
Espagne a menacé de faire intervenir l'armée contre
les grèves, pour la défense des salaires et contre les
coupes sociales, des travailleurs du métro de Madrid et des
aiguilleurs du ciel.
Une
grève massive évoluant en grève générale
mettrait les travailleurs en conflit avec l'Etat et soulèverait
la question de la nécessité d'un programme socialiste
pour la prise du pouvoir.
Aux Etats-Unis, en
collaboration directe avec le gouvernement Obama et les entreprises
automobiles, le syndicat United Auto Workers (UAW) tout en soutenant
la fermeture des usines « non profitables » et
la suppression de milliers d'emplois, a investi ses fonds de pension
dans les parts profitables de l'industrie où les salaires ont
été réduits de 50 pour cent, chiffre qui est à
présent devenu la référence pour tous les
concurrents.
La décision prise
par les travailleurs de GM à Indianapolis aux Etats-Unis de
résister à cette offensive et de former un comité
de base qui soit indépendant de l'UAW est une évolution
importante pour la classe ouvrière internationalement. Dans
un appel à les soutenir, le comité affirme: « Nous
devons unir tous les ouvriers de l’usine, jeunes et plus âgés,
les ouvriers à plein temps et les intérimaires. Nous
appelons tous les travailleurs dans tous les pays à soutenir
notre lutte. » L'appel poursuit en faisant remarquer que
leur déclaration est envoyée aux travailleurs d'autres
usines automobile, qui seront les prochains à être
confrontés à des demandes de baisses de salaires.
« Dans le nombre, il y a la force. Si nous
savons que nous ne sommes pas seuls dans cette lutte, nous savons
que nous sommes forts. »