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  WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

Pakistan: les inondations, la partition et l'oppression impérialiste

Par Keith Jones
2 septembre 2010

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Au cours du mois dernier, plus d'un cinquième du territoire pakistanais et près d'un quart de ses terres arables ont été submergés par des inondations ce qui a crée une crise humanitaire que des représentants des Nations Unies décrivent comme la plus importante qu'ait connue l'organisation durant les 65 ans de son histoire.

On fait état de vingt millions de personnes touchées, que ce soit par l'inondation de leur logement ou lieu de travail ou la destruction de leurs récoltes et cheptel. Huit millions de Pakistanais ont besoin de secours d'urgence, y compris de très nombreuses personnes sur plus d'un million qui ont été déplacées dans le sud de la province du Sind ces derniers jours.

Le chiffre officiel des victimes dépasse actuellement les 1 600, mais tout le monde concède qu'il sera bien plus élevé une fois que les eaux se seront retirées et que sera révélée l'entière étendue de la destruction.

Les Nations Unies et les agences internationales d'aide avertissent que littéralement des millions de personnes sont en danger de mort du fait du choléra et d'autres maladies véhiculées par les eaux, et de la faim étant donné que les efforts de secours organisés par le gouvernement n'ont fourni d'eau potable et d'abri qu'à une portion minuscule des personnes touchées.

Nous avons affaire à une calamité de dimension monumentale. Et pourtant pour les bourgeoisies nationales rivales du Pakistan et de l'Inde, qui sont pris dans une rivalité militaire et géopolitique réactionnaire depuis la naissance de leurs Etats, suite à la Partition en 1947 du sous continent, la vie continue comme si de rien n'était.

Ce n'est qu'après que les inondations ont ravagé le Pakistan pendant plus de deux semaines que le gouvernement de l'Inde a proposé à Islamabad la maigre somme de cinq millions de dollars d'aide en « geste de solidarité avec le Pakistan. »

Il a ensuite fallu une semaine au Pakistan pour prendre la mesure de cette offre, se référant aux « sensibilités en jeu. » Il a fallu un coup de fil du premier ministre indien à son homologue pakistanais et des appels de pieds publics de Washington pour faire en sorte que le Ministre des Affaires étrangères pakistanais Shah Mahmood Qureshi annonce que son gouvernement accepterait la proposition d'aide de New Delhi.

Tout ce tra-la-la diplomatique sur la petite cuillérée d'aide pour les travailleurs victimes des inondations du Pakistan n'a pas provoqué beaucoup de commentaires dans la presse, que ce soit en Inde ou au Pakistan. Les médias de ces deux pays ont une longue histoire consistant à se faire l'écho ou à amplifier les déclarations nationalistes ou communautaristes des politiciens, faisant porter la responsabilité pour quelque problème politique ou social qui soit, sur la « main cachée » de l'éternel rival.

Mais la rivalité Inde-Pakistan et la Partition sont vraiment à la source de la tragédie actuelle.

Défiant toute logique socio-économique, historique et culturelle, le sous-continent avait été divisé en 1947 par les grands seigneurs coloniaux britanniques quittant l'Inde et les politiciens bourgeois de l'Indian National Congress (Congrès national indien) et la Muslim League (Ligue musulmane) en un Pakistan musulman et une Inde à prédominance hindoue..

Les frontières artificielles imposées par la Partition ont rendu impossible une gestion rationnelle des voies d'eau internes de l'Asie du sud de façon à fournir à tous irrigation, électrification et protection contre les inondations. En effet, l'eau est l'une des principales pommes de discorde entre New Delhi et Islamabad, en dépit du traité Indus Waters de 1960 soutenu par la Banque mondiale.

En Inde comme au Pakistan, l'élite dirigeante n'a pas développé d'infrastructure publique de base, préférant gaspiller des ressources vitales dans la guerre et les armements, dont les armes nucléaires. L'Inde et le Pakistan ont combattu trois guerres déclarées et, il y a moins d'une décennie, se sont trouvées au bord d'une quatrième.

La Partition est traitée par les élites dirigeantes de l'Inde et du Pakistan comme « une douleur d'enfantement » de l'émergence d'une « Inde démocratique » et d'une « patrie nationale pour les musulmans de l'Asie du sud. » Ceci ne fait que souligner leur indifférence brutale à l'égard des masses d'Asie du sud, indépendamment de leur origine ethnique, leur religion ou leur caste.

La conséquence immédiate de la Partition fut un bain de sang communautaire massif qui se solda par la mort de quelque deux millions d'Hindous, Sikhs et Musulmans et le déplacement forcé de 14 millions de personnes, la plus importante migration de masse de l'histoire humaine.

La Partition a défini et définit toujours la « liberté » et « l'indépendance » incarnée dans la bourgeoisie indienne et pakistanaise. Loin d'être une aberration, ce n'était que la conséquence la plus sanglante et la plus immédiatement apparente de la répression politique du mouvement de masse anti-impérialiste qui a convulsionné l'Asie du sud dans la première moitié du 20e siècle.

L'Indian National Congress ( Congrès national indien) dirigé par Mahatma Gandhi et Jawaharlal Nehru se sont présentés comme les victimes innocentes d'une Partition soi-disant orchestrée par les Britanniques et la Muslim League. Mais si les dirigeants bourgeois du Congrès ont trahi leur propre idéal d'une Inde laïque démocratique unissant tous les peuples du sous continent c'est parce qu'ils étaient hostiles et organiquement incapables d'organiser une lutte pour unifier l'Asie du sud par la base au moyen d'un appel aux intérêts de classe communs des travailleurs et des paysans du sous continent.

Au contraire, la vague montante des luttes de la classe ouvrière et des paysans dans l'Inde d'après la Seconde guerre mondiale et la dissension évidente entre les rangs de l'Armée indienne britannique ont convaincu les dirigeants du Congress qu'il était nécessaire qu'ils prennent le contrôle de l'Etat colonial immédiatement pour empêcher toute révolution sociale.

Après l'indépendance, ces régimes rivaux ont consolidé le régime de la bourgeoisie aux dépens des masses, empêchant une révolution agraire, protégeant la richesse des princes et réprimant l'agitation ouvrière.

Six décennies plus tard, les bourgeoisies rivales de l'Inde et du Pakistan ont prouvé leur totale incapacité à résoudre quelque question démocratique et sociale brûlante confrontant les travailleurs d'Asie du sud. La moitié des pauvres de la planète vit dans le sous continent. Il n'existe dans aucune autre région du monde une proportion plus importante de population souffrant de malnutrition. Ni l'Etat indien ni l'Etat pakistanais ne dépensent plus de 5 pour cent de leur PIB pour l'éducation ou la santé.

En accord avec la logique réactionnaire de la Partition et la rivalité indo-pakistanaise, il n'existe aucune région au monde qui soit moins intégrée économiquement.

Incapables de fournir une quelconque solution progressiste à la crise du régime capitaliste en Asie du sud, les bourgeoisies indienne et pakistanaise ont de plus en plus recours au communautarisme, au nationalisme ethnique, à la discrimination par castes et à l'intégrisme religieux pour diviser les masses.

La Partition était et demeure un mécanisme pour la domination impérialiste de la région. La bourgeoisie pakistanaise a rapidement accepté la proposition de Washington de servir « d'Etat de ligne de front » dans la confrontation américaine avec l'Union soviétique durant la Guerre froide. A maintes reprises, les Etats-Unis ont étayé des dictatures militaires au Pakistan et plus récemment celle du Général Pervez Musharraf. Avec des conséquences dévastatrices pour les Afghans et les Pakistanais, les Etats-Unis s'étaient faits les partenaires du dictateur pakistanais le général Zia-ul Haq dans les années 1980 pour organiser et armer l'opposition fondamentaliste islamique au régime pro-soviétique en Afghanistan.

Aujourd'hui, défiant les sentiments de son propre peuple, le gouvernement pakistanais est en train de jouer un rôle pivot avec son soutien à l'occupation de l'Afghanistan par les Etats-Unis et l'Otan.

La bourgeoisie indienne avait affiché une prétendue « indépendance » par rapport à Washington durant la plus grande part de la Guerre froide. Mais ce conflit ne consistait en rien de plus qu'à gagner une plus grande marge de manoeuvre et les termes de sa relation de subordination à l'impérialisme mondial. Durant la dernière décennie, tandis que les Etats-Unis ont conduit des guerres d'agression en Afghanistan et en Irak, la bourgeoisie indienne a forgé un partenariat « stratégique mondial » avec Washington.

Durant la guerre froide, les Etats-Unis ont contribué à perpétuer et manipuler le conflit indo-pakistanais dans la poursuite de leurs propres intérêts prédateurs. Ils ont récemment cherché à amoindrir les tensions entre New Delhi et Islamabad. D'où leur pression sur Islamabad pour que ce dernier accepte la maigre pitance de fonds d'aide après les inondations, que New Dehli a proposée.

Mais de telles actions ne sont motivées que par les calculs stratégiques actuels des Etats-Unis. Ils ont besoin du soutien du Pakistan en Afghanistan et veulent qu'Islamabad utilise les troupes déployées sur sa frontière est avec l'Inde afin d'intensifier la guerre contre-insurrectionnelle contre les forces anti-occupation à l'intérieur du Pakistan.

Washington n'a pas ménagé ses efforts pour faire échouer les projets d'un « pipeline de la paix » qui transporterait le gaz naturel d'Iran au Pakistan puis en Inde, parce que cela minerait sa campagne pour isoler économiquement l'Iran. De même, les Etats-Unis ont ignoré les avertissements pakistanais selon lesquels l'accord nucléaire civil entre l'Inde et les Etats-Unis pourraient déclencher une course à l'armement nucléaire en Asie du sud parce que Washington est très désireux de courtiser l'Inde comme partenaire stratégique et contrepoids à la Chine.

Six décennies d'indépendance ont démontré l'incapacité de la bourgeoisie indienne et pakistanaise à accomplir les tâches fondamentales de la révolution démocratique, à savoir la liquidation de la propriété terrienne, l'abolition de l'oppression de caste, la séparation de l'Eglise et de l'Etat, l'unification et l'indépendance nationale. Ces tâches d'une grande urgence ne se réaliseront que sur la base de la perspective de la Révolution permanente, c'est à dire faisant partie d'une lutte contre le capitalisme, menée par la classe ouvrière et qui inclut tous les travailleurs et les opprimés.

En Asie du sud, un élément clé de la perspective de la Révolution permanente est le combat par les masses pour liquider la Partition de 1947, en mettant en place des Etats socialistes unis de l'Asie du sud.

 

(Article original publié le 30 août 2010)

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